Tribune : l’inflation est-elle bonne ou mauvaise pour une économie ? (par safayiou diallo)

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A u cours du troisième trimestre de l’année 2021, nous avons assisté un accroissement du taux d’inflation qui s’est fixé à 13,1% à fin septembre 2021 contre 12,6% à fin janvier 2021 soit une augmentation de 0,5 point. Quoi que l’inflation soit de nos jours un phénomène mondial en raison des conséquences néfastes de la covid-19 sur l’activité économique, les autorités guinéennes ne l’avaient pas prévue à ce point.

Pour preuve le Comité de Politique Monétaire (CPM) qui s’est tenu le mercredi 31 mars 2021, avait projeté le taux d’inflation à 12,8 % en moyenne au deuxième trimestre de l’année 2021 contre une réalisation 12,2%.

A en croire le CPM, le taux d’inflation pourrait se maintenir à deux chiffres en décembre 2021, avant de s’établir à 9,4 % au troisième trimestre de l’année 2022. A ce rythme, nous nous demandons si cette tendance haussière pourra se conformer aux prévisions déjà faites sur le sujet.

Etant donné que le retour de l’inflation est au cœur des préoccupations des guinéens qui voient leur pouvoir d’achat s’effrité du jour au lendemain, et, compte tenu des interpellations récurrentes des uns et des autres sur le sujet, nous vous proposons de revenir sur les caractéristiques et origines de l’inflation. Pour bon nombre d’observateurs, elle est souvent perçue comme étant une mauvaise chose au regard des conséquences néfastes pour les ménages. Par ailleurs, lorsqu’elle est maîtrisée, elle risque d’être vu comme un mal nécessaire, et même comme un signe de bonne santé de l’économie.

Dans ce papier, il ne sera pas question de traiter les solutions de l’inflation puisqu’elles sont naturellement fonction des causes de cette dernière (Par exemple : si l’inflation est due à la hausse de la demande, il suffit simplement d’accroitre l’offre pour faire face à la demande supplémentaire). Nous nous limiterons uniquement à sa définition, ses principales causes et les conséquences.

L’inflation, qu’est-ce que c’est ?

L’inflation correspond au sein d’une économie nationale à une hausse générale et durable des prix. De ce fait, les concepts « générale et durable » sont très importants car ils permettent de distinguer les hausses sectorielles de certains prix ou encore une hausse généralisée des prix dans l’ensemble de l’économie mais qui n’est pas durable. L’inflation est aussi le résultat d’un déséquilibre sur le marché des biens et services, c’est-à-dire un déséquilibre entre l’offre et la demande dont la résultante est la hausse générale et durable du niveau des prix.

Elle se calcule généralement à l’aide de l’Indice des Prix à la Consommation qui fournit une estimation de l’évolution de l’ensemble des prix des biens et services figurant dans la consommation des ménages pour une date de référence donnée. En Guinée, c’est l’Institut National des Statistiques(INS) qui est chargé d’évaluer le taux d’inflation sur une période donnée mais aussi de l’anticiper sur une période à venir.

Par ailleurs, le taux d’inflation est très suivi par les investisseurs car, l’augmentation de ce dernier fausse les calculs économiques tout en rendant les prévisions chaotiques. En effet, l’inflation entraîne le plus souvent une baisse du pouvoir d’achat des ménages. Ainsi, un produit qui en 2015 coûtait GNF 1875 (cas de la baguette de pain cf. Notesynthèse sur l’évolution de l’Indice des prix à la consommation à fin décembre 2015), sous le coup de l’inflation, coûtera en 2021 GNF 4 000. Ce qui fait qu’avec la même quantité de monnaie, il n’est pratiquement pas possible d’acheter le même nombre de produits qu’auparavant.

Les principales causes de l’inflation :

A titre de rappel, on distingue essentiellement quatre (4) facteurs explicatifs de l’inflation : l’inflation par la monnaie, l’inflation par la demande, l’inflation par les coûts et l’inflation importée. Dans le cas l’inflation par la monnaie, elle résulte d’un accroissement plus que prévu de la masse monétaire par rapport à la quantité des biens et services offerts (caractéristiques des pays en développement dont la Banque centrale subie la rigueur des autorités politiques). Par contre, l’inflation par la demande est due à une insuffisance de l’offre par rapport à la demande, ce qui entraîne une pression sur les prix. Si ce type d’inflation est fréquente dans les pays émergents, elle tend à se généraliser à tous les pays dans un monde qui subit la crise du Covid-19 et dans lequel les chaînes d’approvisionnement comme les chaînes de production ont été malmenées par la crise.

S’agissant de l’inflation par les coûts, les entreprises augmentent leurs prix en raison d’une hausse des frais, afin de conserver une marge de bénéfices. Le coût croissant des impôts, des taux d’intérêt ou encore des salaires par exemple provoquent une hausse des prix des produits vendus par les entreprises car, ces dernières imputent directement leur charge sur ces derniers afin de maintenir la perspective de profit.

Enfin en ce qui concerne l’inflation importée, elle est observée dans un pays lorsque le taux de change d’une monnaie se déprécie par rapport au dollar et/ou aux autres principales devises de facturation du commerce mondial, le coût des produits importés augmente. Cette situation est très récurrente en Guinée. Pour preuve, le franc guinéen a perdu14,5% de sa valeur vis-à-vis de l’euro entre mai 2020 et mai 2021 uniquement. Cependant, au regard de la dernière version du Tableau de Bord Mensuel de l’Economie Guinéenne du mois de septembre 2021, cette dépréciation tourne autour de 1% en glissement annuel avec une prime de change de moins de 1% par rapport toujours à l’Euro (effet des mesures positives prises par le CNRD en un laps de temps).

Par ailleurs, il est de la responsabilité de la Banque Centrale de la République de Guinée d’adopter les mesures qui permettront de réguler l’inflation pour endiguer la hausse des prix et préserver le pouvoir d’achat des différents acteurs économiques. Ceci constitue à notre humble avis un véritable défi à la BCRG car en plus, des causes cités ci-haut, la hausse du coût du fret maritime qui a pratiquement doublé, la fermeture des frontières avec certains pays voisins, les mesures de restrictions des voyages, les effets de l’augmentation des dépenses publiques dans le cadre du financement des élections présidentielles de 2020 mais aussi des mesures de soutien dans le cadre de la riposte contre la Covid-19 ou encore dans le cadre de l’AGNIES commencent déjà à montrer leurs effets.

Quelques avantages de l’inflation :

Contrairement à ce que pensent la plupart des agents économiques, l‘inflation n’est pas nécessairement une mauvaise chose, loin de là. Elle contribue à l’augmentation des revenus nominaux distribués, mais aussi à la croissance pour plusieurs raisons :

Primo, elle allège les dettes des agents économiques car elle diminue le coût réel de l’endettement en fonction de la différence entre le niveau des taux d’intérêt nominaux et le niveau général des prix. Ainsi les ménages et les entreprises ont longtemps bénéficié des taux d’intérêts réels faibles, voire même négatifs dus à l’accroissement du taux d’inflation. Ce qui a pu les pousser à recourir davantage aux crédits à la consommation pour financer leurs achats.

Secundo, elle améliore également la rentabilité financière des entreprises. En période d’inflation, les entreprises sont incitées à recourir au financement externe tant que leurs taux de rentabilités internes sont supérieurs au taux d’intérêt des capitaux empruntés (condition primordiale de tout investissement). Une telle situation permet d’accroitre la rentabilité de leurs fonds propres (effet de levier). De là, elles peuvent ainsi lever des fonds bancaires (par emprunt) et les utiliser pour aller sur les marchés financiers. Les entreprises se trouvent stimulées par les perspectives de gains et incitées à investir.

Quelques inconvénients de l’inflation : 

Il existe cependant des cas où l’inflation s’avère problématique pour les acteurs économiques qui y sont confrontés. Ci-dessous quelques illustrations :

Premièrement l’inflation rend l’avenir incertain en faussant les calculs économiques et en compliquant les prévisions faites notamment en termes de croissance économique.

Deuxièmement, une inflation nationale plus forte qu’à l’étranger, réduit la compétitivité des entreprises nationales. Elle conduit à procéder à des réajustements monétaires.

Troisièmement, en plus de la perte du pouvoir d’achat, l’inflation peut nourrir un sentiment d’incertitude quant au futur qui fera naître chez les consommateurs comme chez les acteurs économiques une forme d’attentisme. Du coup, ils réduiront leurs dépenses en attendant de voir de quoi demain sera fait, ce qui évidemment a une incidence fâcheuse sur la production économique et sur la croissance sur le long terme etc.

Pour conclure, il est important de rappeler que si l’inflation est quasiment toujours perçue comme un danger et une situation à éviter coûte que coûte, elle peut être intéressante pour certaines catégories de population, si elle a bien été anticipée. De plus, elle est relativement souhaitable, si elle reste relativement contenue.

Ensuite, la vraie question n’est pas de savoir si oui ou non l’inflation augmente mais plutôt si cette augmentation est rapide et/ou importante. Une hausse des prix ne posera de véritable problème que si elle a lieu plus vite que l’augmentation des salaires et/ou si la hausse des prix est plus importante que celle des revenus. Attention cependant, certaines catégories de la société pourront être fortement pénalisés par l’inflation, comme les retraités par exemple (ou encore certains fonctionnaires guinéens avec leur maigre salaire), qui ont un revenu fixe, et qui de ce fait verront leur pouvoir d’achat réduit et leur niveau de vie chuter.

Safayiou DIALLO, Economiste

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