L a recommandation du ministère guinéen du Budget de suspendre l’exécution des avis à tiers détenteurs (ATD) soulève des enjeux majeurs à l’intersection de la mobilisation des recettes publiques, de la stabilité financière et de la bancarisation de l’économie.
Instrument juridique prévu par le Code général des impôts, l’ATD permet à l’administration fiscale de procéder à la saisie immédiate des avoirs bancaires d’un contribuable en situation de recouvrement forcé.
Son efficacité repose sur son caractère contraignant, souvent perçu comme dissuasif face aux comportements fiscaux défaillants.
Toutefois, son usage répété et peu encadré peut produire des effets économiques contre-productifs.
Dans sa correspondance en date du 17 décembre 2025 adressée adressée à la Banque centrale de la République de Guinée (BCRG), le ministère du Budget met en garde contre les conséquences d’une exécution systématique des ATD sur la liquidité des entreprises.
Le gel instantané des comptes bancaires peut, selon les autorités budgétaires, perturber les cycles d’exploitation, compromettre le paiement des fournisseurs et des salaires, et fragiliser des entreprises déjà exposées à un environnement économique contraint.
Au-delà de l’impact microéconomique, le risque est également macroéconomique. Une généralisation des ATD pourrait inciter certains opérateurs économiques à se détourner du système bancaire formel afin de protéger leur trésorerie.
Cette dynamique de dé-bancarisation favoriserait l’informalité, réduirait la traçabilité des flux financiers et affaiblirait, à terme, l’assiette fiscale que l’État cherche précisément à élargir.
Le ministère évoque par ailleurs une contradiction potentielle entre l’usage intensif des ATD et les efforts de modernisation des finances publiques.
La dématérialisation des paiements, présentée comme un levier clé d’amélioration du recouvrement et de la transparence budgétaire, repose sur la confiance des contribuables dans le système financier. Une perception d’insécurité bancaire pourrait freiner l’adhésion à ces réformes.
La proposition de suspension des ATD apparaît ainsi comme une mesure de régulation plutôt que de renoncement à la discipline fiscale.
Elle traduit la volonté des autorités de privilégier une approche plus graduée du recouvrement, combinant efficacité administrative et préservation de l’activité économique.
La levée éventuelle de cette suspension devra, selon le ministère, résulter d’une évaluation conjointe avec la Banque centrale, suggérant une coordination renforcée entre politique budgétaire et politique monétaire.
Dans un contexte de recherche d’équilibre entre performance fiscale et croissance économique, cette orientation relance le débat sur la nécessité d’outils de recouvrement mieux ciblés, proportionnés au risque et intégrés à une stratégie globale de formalisation de l’économie.
Alpha Binta Diallo pour www.guineeactuelle.com


