La mort de diallo telli : sekou toure entre surprise et nervosite

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Feu Ansoumane Kondé fut un proche du président Ahmed Sékou Touré. Faisant partie de l’entourage immédiat de celui que les guinéens désignaient par le titre « pompeux »- refusé par Sekou Touré lui-même- de « Responsable Suprême de la Révolution », Ansoumane Kondé, en élu de l’Assemblée Territoriale de la Guinée Française , Compagnon de l’Indépendance, membre du Comité Central du PDG jusqu’au 3 avril 1984, a été un acteur de la Guinée postcoloniale. Témoin vivant des premiers sursauts de contestations de la domination française en Guinée, il est l’auteur d’un essai paru à titre posthume « Un Proche Témoigne sur Ahmed Sékou Touré ».

Dans cet essai, l’auteur explique les circonstances dans lesquelles il apprend la mort de Telli Diallo, premier secrétaire général de l’OUA (Organisation de l’Unité Africaine). Atmosphère glaciale à la présidence de la République : nervosité, déception et surprise.

NewsGuinée livre à son lectorat cette page importante de la mémoire collective guinéenne. Une phase de l’histoire guinéenne qui génère des sentiments partagés de passion et de haine…

C’est dans cet état de colère que je découvrais, une fois encore, dans cette matinée d’un jeudi de l’année 1976, Ahmed Sékou Touré , Président de la République. J’étais assis au petit salon compulsant une brochure  sur la visite du Président en Corée du Nord. Je venais, de Kindia, répondre à un appel téléphonique du chef de l’Etat.

Le domestique avait déjà préparé la table pour le petit déjeuner. Soudain, j’entends des cris qui étaient inhabituels. Une minute après, l’officier du salon, le gendarme, Keita Kémo montait l’escalier et tapait à la porte du Président.  Une fois, deux fois, trois fois, pas de signe. Il força, il ouvrit et il entra. Une minute à peine, il ressortit. Je lui demanda qu’est ce qui se passait ? Il continua son chemin sans réponse. C’est Béa (Lansana Béavogui, Premier ministre) qui monte à son tour. Il m’adressa un salut amical et ajouta : « Fidel, tu es matinal aujourd’hui. Ça ne va pas à Kindia ? » A peine prononça-t-il ces mots qu’il rentre dans le bureau du chef de l’Etat sans que j’eusse eu le temps de répondre.

Saifoulaye arriva à son tour.  Je crois qu’ils avaient dû recevoir des coups de téléphone. Ce dernier me taquina et entra à son tour dans le bureau du Président.

Après trente minutes d’entretien houleux, empreints de cris, Siaka Touré sortit tout furieux. Il était mécontent et ne salua personne. L’officier Keita Kémo est rappelé. Les audiences sont annulées. Un Conseil extraordinaire des Ministres est convoqué pour 12h. J’attendais toujours au petit salon. Enfin, les trois sortirent du bureau en se dirigeant vers la table à manger. Le Président me fit un signe de l’index pour rejoindre la table. Nous étions six, les deux autres (une femme et un homme en costumes) sont venus nous rejoindre. Je ne les connaissais pas. Nous sommes restés silencieux. Le Président n’avait pris qu’une tasse de quinquélibat. Quelques minutes après, il rompt le silence par cette phrase : « Tous les actes de l’homme vis-à-vis de son semblable se règlent ici-bas. Rien n’attend l’au-delà ».

Le lendemain, à mon arrivée, les officiers, Keita Kémo et Kalagban Camara, m’informèrent que le Président était fâché et qu’il avait crié sur les ministres. J’avais demandé les raisons et ils m’ont répondu que Telli Diallo était mort.

Extrait de l’essai « Un Proche Témoigne sur Ahmed Sékou Touré », Ansoumane Kondé, Imprimerie Nationale Patrice Lumumba, 1997

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