La guinée, les mines : le retour d’un « nationalisme minier » aux multiples visages

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L e développement de l’extractivisme[1] en Guinée remonte dans les années « 40 », lorsque la société française Bauxite du Midi obtient de l’administration coloniale plusieurs permis d’exploitation minière dans différentes régions de la Guinée Française (Kassa, Tamara, Boké).

L’intensification des activités d’exploration minière dans le pays a accentué, depuis cette période, l’orientation rentière de l’économie du pays amorcée dès la fin de la guerre (développement de la culture de la banane, exploitation de la bauxite de Kassa, exploitation des mines de fer de Conakry).

L’extractivisme comme facteur d’industrialisation…..

Le paradigme dominant chez les politiques d’alors était d’avantage porté sur la nécessité de transformer localement le minerai extrait. Extraire les ressources minières représente, à l’époque, la meilleure opportunité pour le développement d’un tissu industriel local générateur d’emplois et de revenus. Cette volonté de transformation locale sera matérialisée dans les premières conventions minières votées par l’Assemblée Territoriale de la Guinée Française, notamment ; la convention sur le complexe industriel de FRIA ratifiée en Février 1958 et celle de Juillet 1958 sur le projet industriel de Boké (futur CBG).  La transformation locale du minerai est régulièrement brandie comme l’unique alternative qui favoriserait un meilleur bénéfice de l’exploitation des ressources minières. A l’exception du complexe industriel de FRIA dont les travaux de construction étaient très avancés en 1958, tous les projets de développement industriel adossés à l’extraction minière se heurterons à des contraintes (endogènes et exogènes), obligeant l’Etat a opté pour le modèle de société mixte, comme alternative, à l’échec des politiques de transformation. C’est aussi la marque d’une plus grande présence de l’Etat dans la mise en valeur de ses ressources.

La captation de la rente comme facteur de développement  

A l’indépendance, la faiblesse des revenus captés de l’extraction minière brute poussera le gouvernement Guinéen à introduire en 1975 une taxe spéciale sur l’exportation du minerai (TSPM). Cette taxe spéciale va rapporter entre 12$ et 13$ la tonne au trésor public, reléguant en second plan la question de la transformation locale.[2] Le rabotage de cette taxe au début des années 2000 suite à la vague de libéralisation du secteur minier, dans un contexte international de boom des matières premières, ravive le débat sur le bénéfice réel lié à l’exploitation des ressources minières.[3]

Le nationalisme sur les ressources naturelles, les mutations d’un concept qui perdure

 La question de la souveraineté des Etats sur l’exploitation de leurs ressources naturelles alimente tous les schémas politiques en œuvre dans la négociation des conventions minières. De la nécessité de transformer localement le minerai à l’imposition d’une taxe spéciale sur l’exportation des produits miniers (TSPM), l’ambition de l’Etat reste toujours centrée sur un meilleur contrôle des bénéfices liés à l’extraction des ressources minières en captant plus de rente minière. La poursuite et la préservation de ce qu’on pourrait appeler dans le vocabulaire géopolitique « l’intérêt national » se retrouve également dans la loi minière (code minier) propulsée par le boom des matières premières des années 2000. Le code minier de la Guinée de 2011 allie une libéralisation des activités minières à une forte présence de l’Etat dans l’exploitation, la régulation et la gouvernance des ressources minières ; possibilité d’augmenter la participation de l’Etat à 35% (§ 150), paiement des taxes et redevances locales (§ 130), régulation environnementale et sociale (§142), contenu local (§107, 108 ; 109), construction par l’Etat des infrastructures minières (§121), possibilité de retrait des permis minier pour non-respect de la loi minière (§88).

2021 ; le retour « du serpent de mer » aux multiples visages

L’arrivée des militaires au pouvoir en Septembre 2021 creuse davantage la frontière toujours floue entre nationalisme minier sur fond de motivation politique, souverainisme pour un meilleur bénéfice de l’exploitation minière et construction à marche forcée d’un bilan économique. Les débats récurrents autour du mégas projet du Simandou et la construction des raffineries laissent apparaitre des enjeux dont les prémisses, pour la plus part,  ont été posés bien avant l’indépendance de la Guinée ;  nationalisme minier, prise de contrôle de l’Etat sur la chaine de valeur des ressources minières, plus de participation dans le capital des entreprises minières, une plus grande prise en compte du contenu local (concept flou au contour très politique), transformation locale du minerai, augmentation des taxes et redevances, développement d’entreprises publiques d’exploitation des ressources minières, contrôle des infrastructures minières, régulation des externalités négatives environnementales et sociales. Sans entrer dans une discussion théorique ou technique sur chacune des thématiques, la question fondamentale absente des débats reste bien la portée développementale de l’exploitation minière et le rôle stratégique que l’Etat serait amener à jouer dans ce cadre. L’attention étant davantage, et de tout temps, focalisée sur la captation de la rente, plus de rente et rien que la rente minière.

Oumar Totiya BARRY, doctorant en Sciences Politiques à l’Université de LYON, chercheur sur les industries extractives en Afrique.    

[1] « L’extractivisme désigne un mode spécifique d’accumulation de richesses, reposant sur des « activités qui extraient d’importantes quantités de ressources naturelles qui ne sont pas transformées (ou qui le sont seulement dans une faible mesure) principalement destinées à l’export (Acosta, 2013) ».

[2] https://www-fastmarkets-com.translate.goog/insights/guinea-cuts-taxes-royalties-in-revised-mining-code-in-bid-to-woo-investors?_x_tr_sl=en&_x_tr_tl=fr&_x_tr_hl=fr&_x_tr_pto=sc/

[3] Les calculs montrent qu’elle se situe aujourd’hui à 4$ la tonne.

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