Intervention militaire de la france au mali : 51% des français n’en veulent plus

Publicité

L ’armée française, qui était applaudie au départ par les populations, n’est plus en odeur de sainteté par l’opinion de l’Hexagone. La stratégie de communication de Barkhane ainsi que son apport pour stabiliser le Sahel laissent à désirer dans une zone où les hostilités à son encontre vont au-delà du Mali. En atteste le sondage de l’IFOP qui met à nu le rejet de Barkhane par les Français.

L’ex force Serval a désormais 8 ans dans une crise malienne qui aura bientôt 9 ans, en Mars 2021. Début 2013, ces éléments se retrouvent déployés avec ceux du Sénégal et du Gabon pour contrer les rebelles en partance pour occuper Bamako. C’est la naissance de la force Serval qui sera appréciée des populations locales.

Suite un appel du Président de la Transition Dioncounda Traoré, cet appareil militaire sophistiqué met à mal les ennemis du Mali. Même la visite de son homologue François Hollande en février 2013 sera symbolique et applaudie de tous. Sauf que la force militaire qui finira par s’appeler Barkhane commettra une bourde : ne libérer que Gao et Tombouctou laissant Kidal au nom du droit des minorités. Les Famas (Forces Armées du Mali) n’y auront pas accès. Et le jour où elles occuperont la ville rebelle, ce sera pour finalement s’y trouver cantonnées.

Pour la première fois depuis le début des opérations, une courte majorité de Français se dit défavorable à l’engagement des armées françaises au Mali. Il s’agit donc de 51 %, soit une chute de 9 points depuis novembre 2019 et de 24 points depuis février 2013. Le sondage IFOP reste formel auprès d’autres confrères logés en France où 49% sont hostiles à continuer dans cette aventure.

Force est d’admettre qu’au fil des ans , il est compliqué de justifier la présence française au Sahel qui devient coûteuse. Les français sont regardants sur l’orientation donnée à leurs impôts et suivent leur gestion pour l’opération militaire qui risque de faire débat à la présidentielle de 2022.

Lors de son audition à la commission de la Défense, le Général François Lecointre non moins Chef d’Etat-major, fera le point sur les surcoûts induits par l’opération Barkhane. Face aux députés, lors de ce point détaillé à la date du 15 octobre 2020, les surcoûts générés par Barkhane étaient à 911 millions d’euros.

« Je pense nous avons augmenté de 10% le surcoût de Barkhane, avec en particulier une hausse importante qui a porté sur l’Entretien programmé des matériels [EPM], à hauteur d’une trentaine de millions d’euros », a-t-il précisé.

Au lendemain du fameux sommet de Pau, les moyens humains et matériels furent renforcés. Autrement dit, les surcoûts de l’opération Barkhane représentent, sur les dix premiers mois de l’année 2020, 76% des crédits initialement alloués aux opérations extérieures et aux missions intérieures.

Au même moment, l’intervention française en terre malienne perd de sa saveur et les populations manifestèrent contre elle.  L’ancienne puissance coloniale aura donné l’impression d’être dans des calculs géopolitiques. Suite au coup d’Etat du 18 Août 2020, une majorité du peuple réclame la Russie aux manœuvres militaires pour libérer les zones occupées.

Les derniers mois de l’année 2019 furent compliqués pour les soldats Français qui ont eu sur le dos , les populations locales ; Bis répétita avec le Burkina Faso qui a fini par céder au début du mois d’Octobre : les foules sont sorties à Ouagadougou pour une dénonciation au vitriol des impérialistes accusant les militaires français d’être de connivence avec les forces du mal à l’effet de faire main basse sur les richesses du Sahel. Et dire qu’une manifestation de la même nature avait eu lieu au Niger. Les arguments brandis pour exiger le départ de ces troupes, sont les mêmes dans ces 3 pays non moins membres du G5 Sahel.

A la veille de la présidentielle 2022 en France, l’Honorable Jean Luc Mélenchon a des prises de positions défavorables à la force présente au Mali. Dans une tribune parue le 6 janvier 2021, le président de la France Insoumise disait« Depuis le premier jour en 2013 notre famille politique suit politiquement les évènements du Mali. Nous avons été d’abord tous seuls à réfléchir à haute voix, à interroger puis à mettre en cause le raisonnement à l’œuvre. Pendant longtemps on en est resté en France au délire traditionnel qui accompagne les expéditions militaires. Les pouvoirs savent se mettre en scène. »

Plus loin, il affirmera « Des militaires français les premiers ont affirmé publiquement qu’une intervention armée sans objectif politique connu et annoncé est vouée à l’échec. La guerre n’est pas un jeu vidéo. La guerre est par essence meurtrière et ses actes irrémédiables. Nous devons être économes de la vie de ceux à qui nous commandons le combat car ils y risquent leur vie et celle des autres. Donc nous devons être scrupuleux dans nos prises de décisions. »

Pour enfoncer le clou, l’Insoumis déclarera « D’autant que les évolutions annoncées par la ministre (des armées) Florence Parly sont peu rassurantes : maintien de Barkhane sans aucun calendrier ni condition. Et une réduction des effectifs humains engagés. D’un point de vue pratique cela veut dire qu’à l’avenir Barkhane aura de plus en plus recours à des frappes aériennes sans avoir forcément des capacités sérieuses d’information précises sur le terrain. C’est extrêmement dangereux (…)Que fait la France au Mali réellement ? Quelle a été l’efficacité de l’action ? Quand en repartirons-nous et à quelles conditions ? Que nous demande à présent le pouvoir politique malien qui a appelé la France à l’aide ? Si nous ne réglons pas ces questions maintenant, quand le rapport de force moral militaire et politique peut rester favorable, nous savons comment évoluera la situation. La France sera isolée sur place et dans l’opinion africaine, l’action armée deviendra toujours plus coûteuse en vies. (…)Notre enjeu au Mali comme ailleurs en Le journal Afrique sur TV5MONDEue est le maintien et le développement d’un partenariat mutuellement raisonné avec les peuples et les nations qui acceptent la France comme amie. Nous devons tourner la page de l’esprit de croisade, de prédation et de paternalisme ».

Néanmoins, l’on peut se demander ce que deviendraient le Mali, le Niger et le Burkina, sans la présence de ces troupes étrangères. A cette question, l’on peut répondre de manière nette et catégorique : ils seraient totalement sous l’emprise des terroristes. Ces derniers n’auraient eu aucune difficulté à en faire des califats où les libertés individuelles et collectives seraient réprimandées voire abolies. Et tous ceux qui refusent ouvertement la présence des troupes étrangères au Sahel, n’auraient aucune possibilité de se déverser dans la rue pour signifier leur mécontentement. Parfois, la rue sert de tribune d’expression avec des humeurs populaires non des moindres d’où la mise à feu du drapeau de France par les manifestants.

La question de l’armée française au Mali est donc lancée dans l’hexagone et les acteurs politiques ramènent le couvert à longueur de temps.

Reste à espérer une montée en force des FAMA ( armée malienne) afin de pouvoir faire face à l’ennemi qui se rapproche dangereusement de la capitale malgré le semblant d’accalmie sur certains fronts.

Idrissa Keita

Publicité