Mamadi 3 Kaba, juriste guinéen et chargé de cours de droit, par ailleurs président de l’Observatoire Citoyen pour la Défense des Droits de la République (OCDR), a accepté de livrer un entretien téléphonique à la rédaction de guineeactuelle.com. Il estime que, la procédure entreprise par le bureau syndical pour destituer leur collègue, Aboubacar Soumah du SLEG, risquerait plutôt d’envenimer la crise sociale.
Newsguinee.info : Aboubacar Soumah, le désormais ex secrétaire général du Syndicat Libre des Enseignants et Chercheurs de Guinée (SLECG) , conteste sa suspension par le bureau syndical qu’il estime illégal. Parce qu’il se défend que c’est par congrès qu’il a été élu au même titre que tous les autres et que seul un autre congrès aurait le pouvoir de le destituer. En tant que juriste, Qu’en dites-vous?
Mamadi 3 Kaba : D’abord, je ne saurais commencer sans donner une impression à cette phase de la crise. Puisque ce fût une grève, dont le mot d’ordre a été suspendu. Je conseille le dialogue. Donc, oui au dialogue, non à l’exclusion. Toute exclusion serait de nature à aggraver la situation et à ne pas permettre de trouver une solution paisible. Ceci dit, exclure un membre d’une organisation, qu’elle soit syndicale, politique ou associative, relèverait des statuts de l’organisation en question. Vous savez, l’organisation pour qu’elle soit agréée il faut un statut et un règlement intérieur. Donc, le statut prévoit toutes les sanctions possibles vis-à-vis d’un membre de l’organisation. Mais, faut-il aussi que la procédure prévue pour une sanction soit respectée. Ce qui m’amène à dire que je ne saurais parler de la légalité ou de l’illégalité de la procédure parce que n’ayant pas le statut de l’organisation syndicale en question. Mais, ce que je puis dire, c’est que M. Aboubacar Soumah est aussi un syndicaliste et d’ailleurs un membre du bureau, secrétaire général adjoint. Ce qui, du coup, lui donne une légitimité. Il est élu au même titre que le secrétaire général. Donc, il bénéficie tous d’une légitimité. Et le mot d’ordre qui a été suspendu était de M. Aboubacar. Moi, j’ai dit à l’époque que c’est une crise qui est dormante, parce qu’entre le groupe de M. Aboubacar Soumah et celui de M. Savané (Secrétaire générale du SLECG, ndlr) lequel est légitime, représentatif vis-à-vis du gouvernement. Comme nous l’avons tous suivi tout au début, la grève de M. Aboubacar Soumah a été qualifié d’illégale, même de sauvage. Mais au finish, c’est avec le même groupe qualifié de sauvage qu’on a négocié pour lever le mot d’ordre de la grève. Donc, toute la question reste posée. Est-ce le groupe d’Aboubacar Soumah qui devait être l’interlocuteur du gouvernement ou le groupe de M. Savané qui devait être cet interlocuteur ? Cette question reste posée. En tout état de cause, la meilleure façon serait de régler la crise entre ces deux groupes. Parce qu’aujourd’hui, toute dissension, tout divorce entre ces deux groupes serait de nature encore à nous créer des situations purement conflictuelles. Parce ce que nous avons tous vu le soutien que M. Aboubacar Soumah a de la base. Ça, c’est une situation de fait, personne ne peut l’ignorer. Donc, sans pour autant répondre à votre question de savoir est ce que c’est légale ou illégale, parce que je n’ai pas le statut de l’organisation syndicale en question en ma possession, je dis simplement que l’exclusion de M. Aboubacar Soumah serait de nature à aggraver la situation. Parce que le moratoire qui a été donné c’est le 31 janvier. C’est autant dire que cette exclusion va anticiper la crise puisque c’est de nature encore à rompre le dialogue qui a été amorcé avec le même groupe de M. Aboubacar Soumah.
On l’accuse d’avoir mobilisé les jeunes qui ne sont pas syndicalistes, à qui, il aurait distribué les cartes de membre du SLECG qu’il aurait volé dans le bureau du trésorier.
En pareille situation, quelque soit ce qu’on peut reprocher à M. Aboubacar Soumah, parce qu’il ne faudrait pas qu’on oublie l’objectif du droit, c’est la paix. Tout ce que vise le droit, c’est la paix, donc si on a des griefs contre M. Aboubacar Soumah, en tant que juriste, je conseillerais qu’on saisisse le tribunal du travail pour que la décision d’exclusion ne soit pas du bureau exécutif mais que ça soit une décision du juge, cela serait de nature à apaiser. Parce qu’aujourd’hui, est ce que moi je suis à mesure de vérifier l’authenticité ou la véracité des accusations contre M. Aboubacar Soumah ? Non, je ne peux pas affirmer, ni vérifier. Donc, si on œuvre pour la paix, si on ne veut pas anticiper une crise, tout reproche qu’on pourrait faire, à mon avis, pour le besoin de la paix devrait être porté devant le tribunal du travail. C’est-à-dire que la procédure administrative, la sanction administrative que le bureau peut prendre si nous sommes en période normale, et maintenant que nous sommes dans une situation conflictuelle, l’idéal était de saisir le tribunal du travail au lieu que ce soit la décision du bureau. Parce que M. Aboubacar Soumah, lui-même est membre de ce bureau. Je ne saurais dire est-ce que le quorum était respecté ? Est-ce que ceux qui l’ont exclu étaient tous du bureau exécutif ? ,Je ne saurai le dire parce que je n’ai pas ces secrets ni ces informations. Donc, pour l’apaisement, pour éviter une crise et surtout l’anticipation de la crise, la meilleure façon était que ses reproches là soient portés à la connaissance du tribunal et que la décision du juge soit. Parce que la décision du juge encore une fois s’impose à tous. Si maintenant M. Aboubacar Soumah était contre cette décision, il est en droit de faire appel. Parce que la décision du tribunal peut être frappée d’appel devant la Cour d’appel. Voilà une démarche qui serait aujourd’hui apaisée au lieu de procéder par exclusion. Moi, je préfère le dialogue parce que toute exclusion envenimerait encore la crise.
D’ailleurs, un des principaux médiateur, en occurrence le premier imam de la mosquée, Fayçal El Hadj Mamadou Saliou Camara a juré qu’il ne parlerait plus de cette grève. Qu’en pensez-vous ?
Vous voyez encore une raison de plus, parce que c’est grâce à la médiation de ces hommes de Dieu, je veux dire les religieux, que la grève a été suspendue. Par qui ? Par le groupe de M. Aboubacar Soumah. Ce n’est pas ceux qui l’ont exclu aujourd’hui qui ont suspendu la grève. Non, c’est M. Aboubacar Soumah qui a suspendu le mot d’ordre. Donc, aujourd’hui on a défié même ces religieux qui se sont battus corps et âme pour apaiser la situation. Je suis d’accord avec ces religieux qu’ils ne s’intéressent plus à ces crises sociales, parce que leur rôle en principe c’est dans les mosquées et églises. S’ils s’intéressent à la vie sociale, c’est parce qu’ils sont soucieux de la paix, de la tranquillité et de la quiétude. Maintenant, les désavouer de cette façon, moi-même je m’insurge contre ça parce que naturellement ce n’est pas bon pour la paix.
Propos recueillis par Ben Youssef