Guinée : quelle place pour ceux qui ont fait les études en arabe ? (dr. mohamed bintou keita)

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Q uand on parle, on a l’impression qu’on prêche dans le désert. Et quand il s’agit des compatriotes qui ont choisi un autre domaine de recherche, notamment, en langue arabe, le débat est tout de suite balayer d’un revers de main, parce que ce sont « juste » des arabisants, des imams…Etc.

A un moment donné, il faut qu’on nous dise la vraie orientation de la politique de l’Etat dans certain domaine comme celui des arabophones. Il faut absolument qu’on nous dise ce qu’on attend de nous. Si on confie le sort d’une partie de la population à une personne qui a une constipation spirituelle, la moindre des choses qu’elle fera sera  de semer la confusion sur un domaine aussi prometteur qu’est l’étude en langue Arabe (toutes spécialités confondues)

Résumé le tout à une question de religion est un faux procès, très malheureusement, des personnes haut placées ont hypothéqué l’avenir d’une partie des enfants de l’école guinéenne, sans que cela ne suscite le moindre questionnement des acteurs sociopolitiques de notre pays, c’est inquiétant.

Se victimiser serait douté de la formation que tu as reçu, je suis pour qu’on analyse le problème de l’éducation nationale dans son ensemble, sans exclusion ni discrimination. Mais si une partie de l’élite de l’école guinéenne est traînée dans la boue, on serait tenté de se demander à quoi jouent les décideurs des politiques publiques actuelles ? Car, sans s’en rendre compte, on prive le pays de futurs cadres qui pourraient défendre ses intérêts dans le monde : diplomatique, économique, financier, relation internationale … etc.

Pourquoi ne pas donner les mêmes chances à tous les citoyens de ce pays ? Au nom de quel droit certains se permettent d’hypothéquer l’avenir d’une partie de la population ? Pourquoi ne pas initier un vrai cadre de dialogue sur les vrais enjeux des études en langue arabe ? Ou bien le problème c’est juste l’arabe et l’islam ? Ou sont les vrais interlocuteurs de l’Etat ? Vers qui se tourner quand on a des questions à poser sur ces sujets épineux ? Ceux-là qui croient que tous les arabophones sont formés pour être juste des imams ou bien ceux qui maîtrisent bien les dossiers ? Des interrogations à n’en point finir.

Concrètement, il y a quelques jours je faisais des propositions concrètes sur le cas des arabophones :

  1. Revaloriser ce secteur, nous sommes un pays foncièrement ancré dans la religion, puisque des citoyens ont opté pour ce choix il faut leur permettre de vivre ce qu’ils aiment faire de leur vie. Respecter leur choix de vie, tout simplement.
  2. Construire de toute urgence un institut national de renforcement des capacités des arabophones en Guinée. Pour non seulement éliminer la barrière langue (eh oui, chez nous si tu ne parles pas le français tu n’es pas intellectuel, pourtant Obama ne parle pas un seul mot de français, enfin, je crois mais il est incontestablement intellectuel).

Dans cet institut (une sorte de l’ENA) les arabophones pourraient apprendre trois domaines, l’administration, la diplomatie et le modèle guinéen du vivre ensemble et de la religion, une religion adaptée à nos réalités pour prévenir tout dérapage dans le futur, une religion du juste milieu où on utiliserait l’islam contre l’islamisme et la religion pour lutter contre l’extrémisme violent.

  1. Tous les religieux et prédicateurs doivent forcément avoir un niveau d’étude exigé, par exemple un certificat de cet institut de renforcement des capacités pour exercer des fonctions de guide religieux. C’est tellement important pour un pays qui se respecte.
  2. Utiliser les nombreux docteurs en droit musulman dans l’intermédiation judiciaire, pour gérer des conflits entre voisins, dans un couple, enfin gérer certains problèmes de famille. Ce qui permettrait de désengorger les tribunaux qui auront d’autres dossiers plus important à gérer. Bon, ceci n’a rien à voir avec la laïcité ou l’islamisation du pays mais pour répondre à un besoin pressant et c’est de cette façon aussi que les choses pourraient s’améliorées. Il y a des exemples en Angleterre, en France et dans d’autres pays si ça peut rassurer les plus sceptiques.
  3. Production de manuels scolaires adaptés en tenant compte de nos réalités. Si beaucoup ont l’impression d’être arabisés, c’est parce que les manuels d’enseignements ne s’inspirent pas de nos réalités. Nos mœurs et coutumes ne sont pas prises en compte dans l’élaboration des programmes. En réalité, chaque propriétaire d’école franco-arabe (qui représente 70% de toutes les écoles en Guinée) se débrouille comme il peut. Nous avons un département au ministère dédié à l’inspection des écoles franco-arabes mais il ressemble beaucoup plus à des inspecteurs de matières spécifiques et non pas à un vrai département qui fait du travail sérieux.
  4. Formation de formateur des écoles franco-arabes. On se soucie beaucoup du sort des enfants qui ont fait des études en langue arabe, mais le travail en amont n’est pas vérifié, les formateurs. Qui se soucis de leur probité morale et leur capacité à former des guinéens de demain capables de répondre aux aspirations légitimes des citoyens ? Personne ou presque. Le responsable de l’école recrute qui il veut, comme bon lui semble, ça ressemble plus au commerce qu’à autre chose.
  5. Création des nouvelles filières au département de langue à l’université. Puisque dans le subconscient collectif des guinéens, on est formé que pour être des imams, pourquoi ne pas diversifier les programmes de formation et laisser le choix aux étudiants d’étudier la médecine, les maths, les sciences… en langue arabe ? C’est quand même curieux qu’en France, dans des universités publiques, il y a des départements de langue arabe bien structurés, financés par le contribuable et qu’en Guinée on ferme carrément la porte aux lauréats des écoles franco arabes.

8 – Nomination des jeunes cadres au secrétariat général des affaires religieuses.

En somme, je retiens cette phrase du Président de la République Colonel Mamadi Doumbouya : « On oubliera personne, personne ne sera marginalisé ou négligé » tient, ça tombe bien : Les arabophones, arabisants, imams, Karamoko .. Bref, ont besoin d’être considérés comme des citoyens à part entière, pas juste comme des simples imams.

Ensuite, tous ceux qui ont fait les études en langue arabe n’ont pas tous fait les études Islamiques, ça veut dire qu’ils peuvent faire autre chose que d’être imam (une fonction noble qui devrait être rémunérée d’ailleurs) comme travailler en tant que diplomate dans les représentations guinéennes dans les pays à expression arabe, c’est hallucinant de voir qu’en 2021 aucune ambassade guinéenne dans les pays arabes ne possède un arabophone guinéen. La moindre des choses aussi serait de les associer à la discussion citoyenne pour la refondation de notre mère patrie la Guinée.

Vous avez dit qu’on n’oubliera personne, non ?

Vive la Guinée,

Vive le mérite,

Vive l’école guinéenne.

Nous aimons bien notre pays, donnez-nous la chance de le servir d’un amour différent du vôtre. C’est notre droit en tant que citoyen à part entière.

Dr. Mohamed Bintou Keita

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