Flambée du prix du blé : une menace mondiale

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A vec la guerre en Ukraine, les cours des céréales flambent ! Le blé en premier lieu, à plus de 410€ la tonne (contre 280€ avant la guerre), mais aussi le maïs. La guerre ne compromet pas seulement les livraisons de gaz et de pétrole ! La Russie et l’Ukraine, premier et quatrième exportateurs mondiaux avec respectivement 75 millions et 33 millions de tonnes de blé produites chaque année, assuraient 30% des exportations  mondiales.

Ces deux pays représentaient aussi 20% des exportations mondiales de maïs, 30% des exportations d’orge et même 79% des exportations d’huile de tournesol. Avec les sanctions contre la Russie et l’interruption du trafic maritime en Mer noire, jusqu’où leurs cours vont-ils grimper ?

« Les balles et les bombes peuvent amener la crise alimentaire mondiale à des niveaux jamais vus auparavant » a alerté le 4 mars David Beasley, directeur général du Programme alimentaire mondial, une agence de l’ONU. Plusieurs pays producteurs de céréales (la Hongrie, la Moldavie) ont déjà annoncé qu’ils gelaient leurs exportations de blé et de maïs pour nourrir leurs populations. Un scénario classique se profile : des émeutes de la faim, des révolutions (en 2011, les émeutes « de la vie chère » en Égypte, furent le prélude du « printemps arabe »), de nouvelles vagues migratoires…

Bien qu’affectée comme les autres pays européens par la hausse des prix de l’énergie et menacée par de nouvelles vagues migratoires, la France est en bonne position pour sa production céréalière, largement autosuffisante. Elle exporte la moitié de sa production céréalière (55 à 60 millions de tonnes par an). Selon l’économiste Philippe Chalmin, interrogé dans Le Figaro (6 mars), « la France va être touchée indirectement par la hausse des prix, ce qui ne sera pas évident pour les éleveurs. Mais le pays pourrait aussi profiter de la situation ».

La France produit 35 millions de tonnes de blé et en exporte 10 millions, principalement vers l’Afrique du Nord et l’Afrique centrale. Or les céréaliers et syndicats agricoles français estiment qu’une hausse de 10% à 15% de notre production pourrait compenser les volumes potentiellement non disponibles, les navires céréaliers étant bloqués en mer Noire. La France pourrait augmenter sa production …si l’Union européenne lui donnait le feu vert en dépit de la PAC qui impose 4% de jachères au nom de l’écologie. Cette demande de bon sens est notamment formulée par Christiane Lambert, présidente de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), dans un entretien au Parisien (4 mars) : « Nous attendons que l’Union Européenne nous autorise à produire sur les 4% de terres en jachère, gelées pour des raisons environnementales. Cela compensera seulement 15 % de ce que produisait l’Ukraine mais ce sera toujours ça. » Pour Jean-François Loiseau, le président d’Intercéréales interrogé sur France Info (5 mars) l’affaire semble entendue car nécessité fait loi : « À court terme, nous allons mettre en culture les terres en jachères. C’est important de pouvoir cultiver au maximum. Il faut réarmer l’agriculture et l’agroalimentaire en France et en Europe. Nous devons, dans un esprit de baisse de la chimie et du CO2, produire beaucoup plus dans la chaîne agricole. » Tel est aussi l’avis exprimé par l’universitaire juri-économiste Henri Temple sur Boulevard Voltaire (en lien ci-dessous).

« Il faut libérer le potentiel de production en Europe » a reconnu le commissaire européen à l’Agriculture en réponse à plusieurs États membres de l’UE. Assurément ! Les États-Unis et le Canada se préparent déjà à augmenter leurs semis… Reste le problème des engrais : « La France importe 43% de ses besoins en engrais de la Russie, de l’Ukraine et de la Biélorussie, explique au Figaro Éric Thirouin, de l’Association générale des producteurs de blé. S’il faut changer la moitié de nos approvisionnements, la prochaine campagne risque d’être compliquée. »

La Chine ne profitera pas de cette envolée des prix des céréales. Son ministre de l’Agriculture a déclaré le 5 mars que le pays s’attendait à faire face à la « pire récolte de son histoire » à cause des intempéries qui l’ont frappé l’an dernier et du retard dans les plantations. Or la Chine est le plus gros consommateur de blé au monde. Une aubaine pour la Russie qui trouvera auprès de son alliée un large débouché pour ses exportations !

Philippe Oswald in LSDJ

 

 

 

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