Coopération bilatérale : mon colonel, renforcez la coopération guinéo-française !

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D epuis la révolution Sékoutouréenne, la Guinée n’a pas vraiment fait ami-ami avec la France, à l’image du Sénégal ou de la Côte d’ivoire. Le régime Conté non plus n’a pas suffisamment amélioré la situation ni Alpha Condé, bien que français d’adoption. Le Colonel Doumbouya doit rompre cette tradition de relations ni chaud ni froid avec Paris pour instaurer un contact bénéfique à toutes les parties.

Bien qu’ayant bénéficié du soutien de la population, la junte a besoin d’un soutien à l’international, une caution démocratique, un ‘’parrain’’. Avec les sanctions de la CEDEAO qui planent au-dessus de la junte, les menaces de suspensions d’investissement, ce serait tout à fait bénéfique de s’ouvrir mieux aux discussions avec nos partenaires bi et multilatéraux.

Sur le plan politique, s’il est vrai que la France a condamné le coup d’État du 5 septembre 2021, ce qu’elle ne pouvait pas faire autrement. Mais depuis, la junte a publié une charte de la transition qui consacre l’inéligibilité des membres de la junte aux futures élections, nommé un Premier ministre civil et d’un gouvernement majoritairement civil, accordé à Alpha Condé de se rendre aux Émirats arabes unis, puis en Turquie, pour des soins. Ces points répondaient aux demandes de la CEDEAO, et ont permis d’engager un dialogue constructif avec les autorités de transition.

Avec cette ‘’ouverture’’, la France a fait le choix d’accompagner la transition, en étroite collaboration avec ses autres partenaires tels que la CEDEAO, l’Union africaine, l’Union européenne ou les Nations Unies, afin que ce processus réussisse et permette d’aboutir à un retour à l’ordre constitutionnel. Même si Paris demeure très vigilant sur l’évolution de la situation et soutient les efforts de médiation de la CEDEAO. C’est une situation qui pourrait bénéficier aux 2 100 français et aux 30 000 Guinéens environ résidants en France, selon les chiffres de 2021 du ministère Français de l’Europe et des affaires étrangères.

Comme en Côte d’ivoire lors du 3è mandat d’Alassane Ouattara, la France pourrait comprendre la junte. D’un point de vue stratégique, la France serait très ravie de mieux s’implanter en Guinée vu que le Mali, le Burkina sont plutôt tournés vers la Russie. La Guinée, à la porte du Mali, ferait une bonne affaire et pourrait jouer un grand rôle dans le renouement des relations Franco-Maliennes, lui qui a de bons rapports avec Goita. Ce serait un grand coup politique et diplomatique pour le colonel.

Et sur le plan diplomatique, pas besoin de le dire, la France pourrait être un bon parrain pour la Guinée, son ‘’grand’’ auprès des grands pour parler comme jeunes.  Et la junte sur laquelle planent des sanctions de la CEDEAO en a besoin, l’organisation sous-régionale reste très liée à Paris.

C’est une occasion pour renouer le dialogue, s’il n’est pas rompu, la France et la Guinée n’ont pas tout le temps eu de bonnes relations. Alors que chacun aurait pu tirer un bénéfice.

Sur le plan économique, la France a besoin de la Guinée et inversement. Les investissements directs étrangers (IDE) de France en Guinée, d’après la CNUCED, en 2021, le stock d’IDE s’est établi à 5,1 Milliards de dollars contre 12,8 milliards en Côte d’Ivoire. Les flux d’IDE entrants se sont élevés à 173 Millions de dollars contre 176 Millions de dollars l’année précédente. D’après la Banque de France, en 2020, le stock d’investissements directs français en Guinée s’établit à 145 millions d’euros.

Sur la présence française en Guinée, 160 sociétés françaises sont recensées dont un peu moins d’une cinquantaine de filiales. Et environ une centaine d’entreprises guinéennes avec au moins un actionnaire de nationalité française, et près de 15 marques françaises représentées : l’armateur CMA-CGM, Lafarge, Orange (1er opérateur du secteur via Sonatel), Total (distribution), Castel (brasserie Sobragui et usine d’huile d’arachide Copeol), de Vinci / Sogea Satom, Société Générale (SGG). Eramet est en cours d’obtention de permis d’exploration et exploitation de minerais. Toutes ces sociétés paient des taxes et créent des emplois en Guinée.

En 2021, d’après les Douanes françaises, les échanges commerciaux entre la France et la Guinée ont diminué de 3,5% par rapport à 2020, du fait d’une baisse des importations françaises (-14% à 42,6 millions d’euros) face à des exportations françaises restées stables (à 149,4 millions d’euros). Ainsi, l’excédent commercial français s’est amélioré de 7% pour se situer à 106,8 millions d’euros en 2021. Alors que pour la Cote d’ivoire sur la même année, les échanges commerciaux sont de 2,2 Milliards d’euros. La différence est énorme.

Au niveau mondial, la Guinée est le 106è client de la France, alors que la Côte d’Ivoire est son 2è client. La Guinée est le 124è fournisseur de la France et la Côte d’Ivoire est son 3è fournisseur en Afrique sub-saharienne.

Toutefois, la Guinée demeure le premier fournisseur de la France en bauxite et 1er fournisseur africain d’or. Mais la Guinée ne représente que 3% des échanges de biens et services de la France avec la CEDEAO. Mon colonel, vous pouvez remonter cette pente.

Les exportations françaises restent stables à 149 millions d’euros en 2021, mais les exportations de produits des industries agroalimentaires est en hausse (+4,8 à 25,6 millions d’euros) et de produits agricoles (+2,3 à 5,3 millions d’euros), qui a été compensée par une baisse de nos ventes de matériels de transport (-4,1 à 11,1 millions d’euros) et de produits divers (-4,4 à 435 millions d’euros).

Malgré une baisse de 9,5% en 2021, les préparations pharmaceutiques demeurent le premier poste d’exportations française en Guinée et s’établissant à 25 millions d’euros. Depuis 10 ans, selon la douane française, ces produits figurent parmi les principaux biens d’exportations à destination de la Guinée, avec une part variant entre 11 et 28%. Suivent les véhicules automobiles, les engrenages et organes mécaniques de transmission se positionnent.

Les importations françaises, elles sont en baisse pour la 5e année consécutive et sont principalement composées de bauxite et d’or. Les importations françaises se sont élevées à 42,5 millions d’euros en 2021, en diminution de 14%, s’agissant de la 5e année de baisse annuelle consécutive. L’essentiel de nos importations correspondent à des minerais d’aluminium (54% de nos importations, soit 23 millions d’euros) essentiellement la bauxite et l’alumine dans une moindre mesure ; et de métaux précieux (32% de nos importations, soit 13,6 millions d’euros), plus précisément d’or.

La balance commerciale française avec la Guinée est excédentaire. En 2021, cet excédent s’est amélioré en 2021, passant de 100 à 107 millions d’euros. La Guinée est le 24e partenaire commercial de la France en Afrique subsaharienne et le 11ème dans l’espace CEDEAO, avec des échanges d’une valeur globale de 192 millions d’euros en 2021.

Ces échanges, selon les autorités françaises pourraient être dynamisés à moyen terme, voire dès cette année, puisque de nombreuses entreprises françaises ont obtenu des contrats ou sont bien positionnées sur des projets dans le pays dans divers domaines (infrastructures, santé, énergie, télécom, …). Encore une opportunité pour la junte.

Sur le plan militaire, si la junte a démenti des allégations faisant état de l’installation d’une base militaire française en Guinée, la France a repris sa coopération militaire avec la Guinée en mars 2022. Et en août 2022, la Guinée a demandé à la France de l’aider à sécuriser sa frontière nord-est, selon le confrère afriqueintelligence. Et au même mois, le FNDC a demandé à la France d’arrêter ce soutien militaire.

Sans oublier que l’Agence française de développement (AFD) est présente en Guinée, avec un portefeuille constitué de prêts et de subventions, dont l’outil de Contrat de désendettement et de développement pour un montant total de 167,5 millions d’euros sur 2013-2021 pour financer l’agriculture et le développement rural, l’éducation de base, la formation professionnelle et la décentralisation.

Si le Sénégal et la Côte d’Ivoire tirent plus de bénéfice que la Guinée, nous pouvons égaler les voisins. Il suffit d’un petit effort politique et diplomatique. Le reste suivra. Et chacun gagne. Les Guinéens en ont besoin.

Par Alpha Diallo, directeur de publication de www.guineeactuelle.com et Ingénieur dans les Systèmes d’Information décisionnelle, Expert IBM

alpha.diallo@guineeactuelle.com

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