Colloque international du ctg : il est urgent d’agir pour une transition en guinée

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Le 28 Septembre : c’est une date historique. Une date qui résonne encore dans tous les esprits. Depuis onze ans, les familles des victimes guinéennes sont privées de justice.

Le Collectif pour la Transition en Guinée, CTG qui milite activement pour la mise en place d’un gouvernement de transition, a donc choisi cette date historique pour organiser ce colloque international sur la situation et la crise en Guinée.

A l’issue des mots de bienvenu, Ibrahime Sorel Keïta, porte-parole du CTG et modérateur des deux tables rondes a tout de suite donné le ton.

« Le CTG a-t-il rappelé s’oppose à la tenue des élections du 18 octobre prochain, il s’oppose aussi à la tenue d’un 3ème mandat du président Alpha Condé. La Guinée n’est pas seule. Et nous ne sommes pas seuls » a renchéri Ibrahime Sorel Keïta.

Venus des différentes villes de provinces, de la Guinée et de l’Europe, plusieurs centaines de personnalités du monde politique, et de la diaspora, des associations, des ONG en pleine crise sanitaire du Covid 19, n’ont pas hésité à faire le déplacement à la Maison de l’Amérique Latine – dans le 7ème arrondissement parisien- dans ce lieu hautement symbolique- pour assister à cette conférence débat.

Des témoignages contre l’oubli.

Premiers temps forts. A l’issue de cette première table ronde, une série d’hommages ont été adressés à la mémoire des familles des victimes du massacre au Stade du 28 Septembre à Conakry.

Des témoignages poignants, bouleversants, déchirants comme celui de Khadîdja Barry.

A sa demande, les invités observent une minute de silence pour honorer toutes ces victimes. L’émotion est palpable dans la salle.

Khadîdja Barry a perdu son mari lors de ces événements, disparu. Depuis onze ans, à la recherche de la vérité, elle milite sans relâche aux côtés des familles de victimes.

Onze ans de souffrance. Onze ans de traumatismes…. Avec l’impossibilité pour elle de faire son deuil, au même titre que toutes ces victimes et toutes ces familles, unies dans la douleur.  Quant à Aliou Barry chercheur, il a rappelé l’importance de ne pas oublier cette tragédie.

« Et il est temps a-t-il souligné que ce procès ait lieu pour que la vérité sorte au grand jour. Une opération difficile, malgré les efforts de l’ancien Ministre de la justice Cheick Sako car le pouvoir actuel refuse toujours d’organiser un procès digne de ce nom ».

Onze ans après, ces crimes restent impunis.

Toutes les victimes réclament justice.

La Guinée dans son combat pour la justice et la vérité n’est pas seule. A l’image de la fédération internationale des droits de l’homme, la FIDH, qui depuis onze ans mène aux côtés des familles de victimes un combat sans relâche.

« Ce combat passe par la tenue d’un procès, c’est essentiel » a souligné Cyril Blin directeur des programmes et des opérations de la FIDH qui a présenté la campagne menée par cette ONG qui accompagne quatre cent cinquante personnes, 450 parties civiles. Onze ans de combat inlassable. A la recherche des témoins, la constitution des preuves…Onze ans d’un travail de terrain acharné. Où rien ne bouge, ou presque rien. Où des manœuvres dilatoires bloquent la tenue de ce procès.

« Oui, en effet car sans une volonté politique et tant que le Président Alpha Condé sera au pouvoir, il n’y aura pas de procès. Pour Alpha Condé le 28 Septembre n’est pas sa priorité » a rappelé Ibrahime Sorel Keïta.

« Le pouvoir Guinéen ne veut pas organiser ce procès donc la Cour Pénale Internationale, CPI doit s’en saisir » selon la FIDH.

Aujourd’hui la société civile est à bout à l’image de Abderrahmane, orphelin qui a perdu son père lors de ces événements tragiques ou comme la présidente Asmaou Diallo de l’association des victimes parents et amis, AVIPA qui par visio-conférence depuis la Guinée a pu livrer un témoignage poignant…Pour ne pas oublier son fils, disparu qui aurait eu 33 ans aujourd’hui.

Autant de mères amputées de leur enfant, de femmes privées de leur mari, d’enfants orphelins, autant de blessures, autant de séquelles …que les familles des victimes portent à vie, sans l’ombre d’un procès à venir à l’horizon : « Et ça suffit. Oui ça suffit. Ce peuple est épuisé. Pour faire son deuil. Pour se reconstruire. Pour le pardon. Ce pays a besoin d’un procès digne. Il faut que ça s’arrête » a martelé Ibrahime Sorel Keïta « oui, il faut que ça s’arrête pour que ce pays retrouve sa dignité ».

Un deuxième débat beaucoup plus politique et incisif.

Fin d’un premier débat avec les ONG et la société civile pour laisser place à d’autres échanges. Sur l’estrade les amis de la Guinée, des politiques français évoquent les relations bilatérales entre ces deux pays.

Tel le Sénateur Jean-Yves Leconte, et le député Bruno Fuchs – ce dernier a pu participer en direct en visio-conférence et tous les deux ont tenu à préciser qu’ils parlaient en leur nom et non celui de la France.

« Inquiet, je suis inquiet » n’a cessé de répéter à plusieurs reprises, le Sénateur Jean-Yves Leconte, « inquiet et préoccupé, surtout quand on connaît la tradition de violence en Guinée, une violence qui serait presque inscrite dans son ADN » a expliqué cet observateur avisé, qui connait bien ce pays pour y avoir été à plusieurs reprises et notamment en 2018 lors des élections municipales.

Aujourd’hui ses préoccupations s’accentuent : au regard de la situation sécuritaire inquiétante qui se déroule aux frontières de la Guinée, notamment au Mali et en Côte- d’Ivoire à la veille des élections présidentielles et d’un troisième mandat du Président Alassane Ouattara.

« La France -même s’il ne parle pas en son nom- n’a ni besoin, ni l’envie que la Guinée soit une source d’instabilité dans la sous-région. Il faut tout faire pour reconstruire l’esprit démocratique » a souligné le sénateur. Et cela commence par renforcer les institutions :« Il faut un Etat fort. Car sans Etat c’est compliqué, vous pouvez mettre la meilleure personne au monde, s’il n’y a pas de structures rien ne va fonctionner » a-t-il ajouté. Au titre du groupe d’amitié qu’il supervise, ses pas l’ont mené au cœur de l’Assemblée Nationale guinéenne, où il a fait ce constat amer.

Et terrifiant, au vu du manque de moyens de cette Assemblée qui n’a même pas la mémoire des débats.

Le Sénateur a donc lancé un appel dans cette direction et s’est dit prêt à accompagner l’évolution de ce Parlement, prêt comme il a déjà fait à accueillir des collaborateurs parlementaires guinéens pour leur montrer comment fonctionne les institutions françaises.

« La Guinée : véritable coffre-fort »

« En matière de ressources naturelles, toutes les matières premières y sont présentes et elles attirent des grands groupes industriels qui s‘enrichissent mais ne contribuent en rien au développement de ce pays : environ 80 % des jeunes sont au chômage, un chiffre effrayant et c’est un paradoxe » a souligné à son tour l’universitaire Emmanuel Dupuy. Un pays au bord de l’explosion, avec une population qui vit majoritairement en-dessous du seuil de pauvreté, une dictature et la violence qui règnent depuis des décennies ».

Pour Emmanuel Dupuy président de l’IPSE, l’Institut prospective et sécurité en Europe, un think tank des plus influents en France, spécialisé sur les questions de stratégie, de défense et de sécurité : « J’ai cru, et je n’ai aucun scrupule à le dire oui j’ai cru à l’aventure démocratique en 2010 et en 2015. J’y ai cru et je me suis engagé avec le journaliste Claudy Siar ensemble nous avons mis en place les états généraux de la jeunesse et nous avons cru que les doléances des jeunes guinéens auraient pu être entendus pour un changement politique ».

La Paix et le Pardon.

Hélène Pichon prône la Paix.  Avec une voix rassurante et chaleureuse elle tient à saluer le courage de cette mère qui a perdu son fils aîné lors des massacres du 28 Septembre. Elle qui est une mère s’identifie et n’ose imaginer la douleur de perdre un enfant.

Dans un débit posé, la directrice des relations internationales du Centre d’Etudes et de prospectives stratégique, le CEPS sait trouver les mots pour apaiser : « Nous marchons avec toi » a-t-elle lancé à l’adresse du porte-parole du CTG.

« L’humanité tout entière a besoin de ne pas tuer ses propres enfants. Elle ne doit plus répondre à la violence par la violence mais par le dialogue. L’amour et le pardon sont peut-être les seules possibilités d’arriver à dépasser les souffrances » ainsi s’exprime cette proche de Monseigneur Desmond Tutu, qui suit ses traces. Elle qui est guidée par le travail des artisans de la Paix, unit ces forces pour transmettre en toute sérénité cette parole.

« Comment passer de la dictature à la démocratie ? » s’interroge quant à lui, Maître Fodé Abass Bangoura, et d’ajouter : « la Guinée c’est une tragédie on a renouvelé la classe politique sans rendre justice, et les bourreaux sont toujours présents au pouvoir. Aujourd’hui la Guinée a besoin d’une transition pour évacuer les problèmes et pour régler tous les crimes commis. »

Quand Thierno Camara prend la parole en tant que dernier intervenant, l’ancien Président du Forum des Organisations de Solidarité Internationale issues des Migrations, le Forim a résumé en une phrase choc la situation, non sans passion : « La Guinée est un pays où c’est la médiocrité qui règne, oui j’affirme que ce sont les médiocres en toute logique qui dirigent la destinée de ce pays ». Aujourd’hui a-t-il lancé comme un cri : « il faut que la diaspora se lève ».

Fin des débats.

Et avant les échanges houleux avec la salle un invité de marque Loïc Tribot La Spière Délégué général du Centre d’Etude et de Prospective Stratégique CEPS, en guise de conclusion a fait des propositions et des recommandations :

« Tout d’abord faites Ubuntu, oui faites Ubuntu tout simplement » a-t-il lancé en direction des invités « car la violence ne sert à rien et il faut avoir la force de savoir pardonner. Il faut aussi trouver son propre mode de démocratie pour les Afriques. Et il faut aussi oser redonner la place à la jeunesse et laisser beaucoup plus de place aux femmes ».

Le Collectif pour la Transition en Guinée, CTG présentera dans les prochains jours à son agenda la mise en place de l’organe de transition.

Sylvie Koffi journaliste à RFI

 

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