Ceni- gouvernement : relation incestueuse

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E ntre les bourdes de certains de ses responsables et les chiffres ahurissants de son recensement, la CENI concentre aujourd’hui, négativement, l’attention de bon nombre de Guinéens.

Pour certains, elle l’une des Institutions Républicaines les plus décriées du pays. Ceux-ci l’accusent à tort ou à raison de favoriser la marche du pouvoir en place vers une Nouvelle Constitution et une Assemblée Nationale monocolore. Et ce n’est pas une première.

Depuis 2010, la CENI est accusée d’être du côté du pouvoir. Au fil des années, certaines critiques se sont avérées justes. Mais pourquoi ça persiste ?

Qu’est-ce que Lounceny Camara et Salif Kébe ont en commun ? Posez la question à Bakary Fofana et il vous dira que c’est le lien que tous les trois ont avec le palais Sékoutoureya. Aujourd’hui encore et bien avant, les présidents de la CENI, ce machin électoral, ont souffert d’accusations portées contre eux par l’opposition politique. Celle-ci n’est pas passée par quatre chemins en mettant en doute l’intégrité et la neutralité des présidents ou de plusieurs responsables des différentes CENI que nous avons connues.

Pour Cellou Dalein et ses acolytes, la CENI n’est autre qu’une machine de plus pour la mouvance de « gagner » des élections. Pourtant, cette Institution est dite paritaire et indépendante. Comment cela peut être possible alors qu’au sein de la CENI, l’opposition a ses membres.

En réalité, le problème de la CENI est plus qu’une histoire de personnes. Il transcende les clivages politiques pour se loger dans un seul et unique facteur : l’argent.

Les commissions électorales ont fait leur apparition en Afrique vers la fin des années 2000 pour pallier au manque criard de confiance qu’il y avait l’administration publique, organisateur naturel des élections, et l’opposition politique. Cette nouveauté dans laquelle se sont lancés plusieurs Etats s’est avérée plus compliquée que prévue.

Budgétivore, et perpétuellement ballotée entre partis politiques d’une part, et entre opposition et mouvance d’autre part, les CENI ont rapidement montré leur limite.

Pour la Guinée, cette faiblesse a commencé dans la gestation de l’esprit même de la CENI. La fameuse loi 013, génitrice de notre machin électoral a prévu que l’institution soit composée de 25 membres répartis comme suit :

  • 10 membres issus de la mouvance présidentielle
  • 10 membres issus de l’opposition politique
  • 2 membres issus de l’administration publique
  • 1 membre issu de la Société Civile

C’est ce dernier qui a la lourde responsabilité de diriger l’institution. Etant issu de la Société Civile, le législateur a certainement pensé que celui-ci saura se mettre au-dessus des querelles politiques. Comme il a été naïf ce législateur. Il a oublié  que même si le président de la CENI peut se mettre théoriquement au-dessus de la mêlée, il ne peut résister à l’appât du gain. Cette manne financière qui coule gracieusement dans les caisses de l’Etat est utilisée comme l’arme fatale du président de la République contre l’institution. Normalement prévu dans les différentes lois des finances, l’octroi du budget de la CENI relève du bon vouloir de monsieur le Président de la République. Lorsque le terrain électoral n’est pas favorable à son camp, il ne lâche jamais le cordon boursier. Pire, l’assistance technique qui est demandée par le ministère de l’administration, conformément à la loi, se transforme en véritable opération d’holdup hop électoral. Les gouverneurs, les préfets, les sous-préfets et autres chefs de quartiers se substituent à la CENI dans plusieurs circonscriptions électorales, notamment celles favorables à la mouvance par la confiscation de cartes d’électeurs ou d’urnes.

Il n’y a qu’à voir le traitement des commissaires de la CENI pour comprendre comment la quête de l’argent a fini par siphonner la neutralité et l’impartialité de bon nombre de ses commissaires y compris ceux issus de l’opposition. Comment voulons-nous qu’une Institution soit impartiale entre les différents protagonistes si sa survie est assurée par un des protagonistes ?

En 2010 dans l’entre-deux tours, l’UFDG de Cellou Dalein Diallo avait soupçonné Lounceny CAMARA alors président de la CENI d’être en accointance avec le RPG arc-en-ciel. Lui et le RPG ont balayé du revers de la main ces accusations. Mais le 8 novembre 2012, Lounceny Camara est nommé Ministre du Tourisme et de l’Hôtellerie. L’opposition et, pas seulement,  a vu dans ce geste du pouvoir une façon de récompenser son poulain.

Pour des pistes de solution, l’on pourrait trouver des sources de financement pour la CENI autre que le BND. Un prélèvement direct sur certaines taxes telles que les vignettes par exemple pourrait renflouer les caisses de la CENI.

Avec la modernisation des moyens de paiement, les citoyens verseraient directement l’argent sur un compte privé connu de tous et aucune banque publique ne serait associée à la gestion de cette manne.

L’autre solution palliative serait de réduire considérablement la participation de l’Etat dans le budget de la CENI. A défaut de s’en passer, la participation de l’Etat tournerait autour de 15%. Les 85% autres pourraient venir des partenaires techniques et financiers.

La souveraineté attendra le jour où nous aurons un Etat de droit. Sinon à l’allure actuelle, aucune CENI ne pourra résister à la pression financière qu’exercice l’Etat sur elle. Qu’il soit Kébé ou Barry.

Alpha Oumar DIALLO

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