Littérature et société : le rôle de l’écrivain dans le tiers-monde (contribution)

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Il est très difficile voire impossible de dissocier la littérature de la société. Cette dernière constitue tout naturellement une référence pour l’écrivain qui part de ces réalités soit pour informer, soit pour critiquer ou dénoncer ou soit pour sensibiliser le peuple sur un fait déjà existant (réel).

Le tiers-monde, à l’instar des autres sociétés, connait de multiples problèmes qui freinent considérablement son développement socioéconomique et mettent en jeu la stabilité de ses pays. Cette problématique aussi grave que complexe s’analyse de la façon suivante : parce que d’abord, les élites y sont attachées à leurs intérêts personnels plutôt qu’aux idées, ensuite les gouvernants quant à eux œuvrent de façon opiniâtre à ne conserver que leur trône en utilisant tous les moyens possibles et enfin, les populations sont de plus en plus agitées parce que miséreuses et faciles à manipuler.

En effet, face donc à toutes ces situations quasiment alambiquées, la place qui revient à l’écrivain n’est pas négligeable dans nos sociétés. D’ailleurs, Roger Caillois, critique littéraire français écrivait ceci : ‘’toute littérature participe d’une civilisation. Aucun livre ne sort directement des battements d’un cœur. Une littérature existe dans une société donnée, elle en reçoit l’empreinte et en retour lui imprime une direction’’.

C’est justement à ce niveau qu’on doit aisément connaitre la valeur de l’écrivain au sein d’une société donnée. S’il est vrai que la littérature est l’instrument de mesure de tous les problèmes d’une société, l’écrivain du tiers-monde en conséquence doit intensément comprendre qu’il a pour tâche de toujours véhiculer des messages prompts qui traitent avec acuité la véritable condition humaine. Il doit en partie, prendre position en faveur de ceux que Frantz Fanon appelle  » les damnés de la terre  » car l’écrivain comme affirmait le français Albert Camus doit être  » du côté de ceux qui subissent l’histoire  » (Discours de Suède à l’occasion de son prix Nobel).

Ce fait de justesse fait de l’écrivain le défenseur lucide des opprimés, des brimés et des plus relégués. Toute littérature au service de l’aristocratie est une littérature hypocrite née de la peur ou de l’assujettissement. La vocation de toute littérature digne de ce nom reste et demeure l’amélioration des conditions de vie des peuples. C’est ce qui fait d’ailleurs de la littérature  » engagée « .

L’évolution de nos sociétés ne s’est pas faite en obéissant au rythme des sociétés occidentales qui avaient connu la presque totalité des problèmes que nous connaissons aujourd’hui. Que ce soit du point de vue politique, économique, social, culturel, écologique, le tiers-monde connait en réalité des difficultés innombrables et immanquables qui le tirent vers le bas de l’échelle et sur lesquels on peut éventuellement s’appuyer pour expliquer avec cohérence et perspicacité son retard.

Nos pays étant impuissants continuent toujours à faire office de parent pauvre dans le concert des nations. Notre seul problème à ce niveau est que nous avons la malchance de former la coalition des pays les plus pauvres et les plus endettés du monde. Devant ces faillites démesurées qui compromettent l’avenir des peuples,  » le silence de l’écrivain est plus grave que l’épée d’un tyran  » pour reprendre l’éminent écrivain nigérian et premier prix Nobel de littérature en Afrique Wolé Soyinka.

Il doit s’engager à combattre le moribond système qui maintient le peuple dans cette souffrance interminable par la publication d’ouvrages satiriques dont l’aboutissement du reste ne peut que contribuer à l’affranchissement du peuple qui est le nôtre.

La misère sociale, la famine, la précarité, les problèmes de santé primaire, l’instabilité politique sous toutes ses formes, le détournement des deniers publics, la corruption, le marasme économique, l’immigration clandestine, le chômage de masse, l’analphabétisme, les sécheresses cycliques, la désertification, les inondations, constituent de véritables handicaps actuellement au progrès du tiers-monde qui se trouve sous perfusion parce que asphyxié par les mauvaises politiques publiques élaborées au sommet.

Si l’écrivain est un porte flambeau, la voix des sans voix, il doit savoir éperdument que rendre service à son peuple est sa seule mission. Il doit à travers ses productions (livres) faire un état de lieu, examiner minutieusement la portée de chaque évènement macabre afin de le relater avec consistance par le choix du personnage qui correspond à la nature de la situation évoquée. Il ne doit pas laisser les gouvernants faire du peuple ce qu’ils veulent, c’est à dire leur proie. Mais bien au contraire, il doit s’engager dans la dynamique du changement en combattant des pieds fermes tous les maux de sa société (les inégalités, l’injustice, l’iniquité, l’intolérance, les délinquances économiques…).

L’écrivain ne doit pas être en complicité avec un système pour brimer le droit du peuple dont il est censé défendre à tout prix. Mieux encore, son art ne l’autorise pas à se servir lui-même. Il doit plutôt servir sans la moindre félonie le peuple qui doit en principe comprendre à travers lui ses ressentis et ses difficultés.

S’il est vrai que la critique constructive est gage du changement, qui mieux qu’un écrivain peut en faire plus ? Son rôle est de critiquer et d’informer simplement et avec beaucoup de vigueur et de ténacité. Tout écrivain qui écrit uniquement à son goût ou à son plaisir personnel ne mérite pas la plume. L’art doit être engagé, c’est-à-dire mis au service d’une cause commune. Écrire, disait d’ailleurs le philosophe Jean Paul  Sartre  » c’est une certaine façon de vouloir la liberté « .

Cette quête continue de la liberté doit guider la plume de tout écrivain qui désire changer par le moyen de la plume la physionomie de sa société. Dans le tiers-monde par exemple, le métier de l’écriture doit avoir un double aspect : celui de révéler les tares de la société et de faire la promotion de nos cultures actuellement influencées par les cultures occidentales. En même temps, ne jamais passer sous silence la carence des pouvoirs publics qui, sous l’ère même de la démocratie imposent indéfiniment la dictature au peuple.

L’écrivain du tiers-monde doit se garder aussi et surtout de tomber dans la stratégie de l’enfumage. Il doit comprendre naturellement qu’il est issu de milieux où les tribus et les ethnies sont les plus nombreuses. Il doit faire une analyse objective et pointue sur la société sans prendre parti. Cette impartialité doit le pousser à dire la vérité, rien que la vérité sur ce qui se passe dans la société et si nécessairement, proposer des solutions pour finir avec toutes les velléités de son époque.

Raymond BAMANE, jeune écrivain guinéen

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