Xénophobie en tunisie : foutez la paix à saïed !

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D epuis mi-février, des milliers de subsahariens sont traqués, humiliés et jetés en prison en Tunisie suite à des propos racistes du Président Kaïs Saïed. Mali, Côte d’Ivoire ou la Guinée ont d’ailleurs commencé à rapatrier leurs ressortissants. Si le racisme est abject, Saïed n’a-t-il pas eu raison de s’alarmer ?

 Le 14 janvier, Saïd a dans un discours  annoncé des mesures urgentes contre l’immigration clandestine des subsahariens, source de « violence, de crimes et d’actes inacceptables ». Il n’en fallait pas plus aux tunisiens pour attaquer les 21 000 migrants subsahariens en situation irrégulière recensés officiellement en Tunisie à qui ils imputent à tort ou à raison tout leur problème  quotidien. Du jour au lendemain, ces migrants ont perdu travail (renvoyés), logement (pillés), liberté (jetés en prison). Le contrôle policier a été accru, des milliers d’entre eux se sont retrouvés en prison.

Le 1er février, 49 premiers guinéens ont regagné Conakry dans un vol affrété par le gouvernement. « Quand tu sors, que tu détiens de papier ou pas, si on t’attrape c’est la prison, beaucoup de guinéens sont en prison depuis le 14 février », témoigne dans foulée un des rescapés.

Selon le ministre Morisanda Kouyaté, 181 personnes ont été retrouvées. Il a annoncé la mise en place d’un pont aérien. La deuxième vague de 50 personnes est arrivée le soir du 3 février. Le Mali et la Côte d’Ivoire ont aussi conjointement rapatrié 300 de leurs ressortissants ce weekend. C’est une bonne chose, mais il y a mieux à faire : donner du travail aux jeunes, c’est l’unique solution.

Le PM ivoirien Patrick Achi accueille les 145 premiers ivoiriens venus de la Tunisie

 Bien fait pour nos gueules

Il est très facile de dénoncer le racisme, s’offusquer, condamner, mais Saïed n’a fait que défendre son pays. Comme tout le monde en cette période de crise mondiale, marquée par la guerre russo-ukrainienne, la Tunisie aussi se cherche. Le taux de chômage reste élevé : 18,4 % au 3e trimestre 2022, conjugué à une légère diminution de l’activité sur le marché du travail, selon le rapport de suivi de la situation économique tunisien produit par la Banque mondiale en 2022.

Ce même rapport note que le chômage est particulièrement élevé chez les jeunes, les femmes et dans l’ouest du pays. Le taux de pauvreté atteindra 3,1 % en 2023, selon les perspectives économiques. Autant dire que ce n’est pas la grande forme. Ajouter le racisme chronique, et la sauce est prête.

Avant de s’en prendre à Saïed, essayons de savoir pourquoi les jeunes risquent leurs vies pour partir ?  S’il est évident que la migration est naturelle, pour la plupart des subsahariens migrent pour des raisons économiques. Les efforts déployés pour l’emploi des jeunes sont largement insuffisants.

En Guinée, le marché de l’emploi est très réduit, selon le bulletin trimestriel des statistiques du marché du travail en Guinée, les créations d’entreprise ont baissé de 11,3% au 3ètrimestre 2022 pour s’établir à 3 820 entreprises créées pour seulement 2 183 embauches. C’est plus d’entreprises que d’emplois créés. A la même période en Côte d’Ivoire, 29 949 emplois créés, selon le ministère ivoirien des Finances.

C’est tellement maigre pour retenir les dizaines de milliers de diplômés que nos universités déversent sur le marché chaque année. Au Mali, c’est la même situation voir pire, avec l’instabilité au nord, les sanctions de la CEDEAO et de l’UA, la corruption, c’est un climat pas favorable au marché de l’emploi.

Port minier de Boké

Même ceux qui se lancement dans l’entreprenariat ne s’en sortent pas tous. Selon une étude de l’APIP (Agence guinéenne de promotion des investissements privés) publié en 2020, entre 2014 et 2018, sur 5 547 entreprises créées en Guinée, seulement 1 403 sont toujours en activité, un taux de survie de 25%. Pour faire simple, 3 entreprises sur 4 sont mortes.

Guinée, Mali, Côte d’Ivoire, les richesses ne manquent pas pourtant. En Guinée, l’ancien Président Alpha Condé a baillé les mines aux chinois, qui ont importé la plupart de la main d’œuvre. Dans ces entreprises chinoises, il y a beaucoup de chinois qui y travaillent, avec un salaire plus élevé que ceux des Guinéens. Alors que le secteur minier pourrait être un grand pourvoyeur d’emploi, si c’était bien géré. Rien qu’en allant à Boké, l’on peut mesurer le désastre à la fois humain et écologique. Le port est également aux mains du Turque Alport, lui aussi a importé une bonne partie de la main d’œuvre. Sans oublier que les Russes aussi ont leur part dans les mines guinéennes.

Inauguration de deux grues mobiles par Alport le 25 août 2022

En Côte d’ivoire, c’est la même situation, le cacao produit ne profite plus aux producteurs, mais aux industriels. Et le taux de pauvreté est de 39%, le Président Ouattara a promis de ramener ce taux à 20% d’ici à 2030.

Au Mali, on n’en parle même pas. Avec l’arrivée du groupe paramilitaire Wagner au nom de la lutte contre le djihadisme chèrement payé, mieux que les forces armées maliennes, le gouvernement malien est obligé de mettre la main à la poche et aussi céder des gisement miniers entiers.

Des paramilitaires du groupe Wagner

Alors, pour les jeunes, la solution c’est l’exil. Malgré 3 231 morts en méditerranée en 2021, selon l’ONU et 4 400  selon une ONG espagnole, les subsahariens continuent de partir. Après les pays en guerre, Afganistan, Bengladesh et Turquie, Ivoiriens et Guinéens sont les plus nombreux à demander l’asile en France en 2022, selon ministère de l’intérieur a publié le 26 janvier 2023 : 5 877pour la Cote d’ivoire et 6 185 demandes pour la Guinée contre 6 260 en 2021 pour la Cote d’Ivoire et 5 269 pour la Guinée. C’est une preuve éloquente que les populations sont désœuvrées.

L’objectif de cet article n’est pas d’inciter à la haine contre des investisseurs en Afrique, mais de poser la vraie question : qu’est-ce que les Présidents subsahariens proposent à sa jeunesse pour qu’elle reste au pays, au lieu de culpabiliser Saïed ?

 On attend de voir

Au Mali, si le colonel n’a pas la tête sur la création d’emplois, mais la restauration de l’autorité malienne sur toute l’étendue du territoire. En Côte d’Ivoire, lors de son discours de nouvel an, le Président Ouattara a dédié l’année 2023 à la jeunesse, en promettant le renforcement et l’expansion des écoles de la seconde chance pour ceux qui sont sortis trop tôt du système éducatif ou qui souhaitent se réorienter, l’amélioration de l’employabilité́ du système de formation professionnelle et universitaire, l’accélération de la construction d’infrastructures sportives et récréatives, ainsi que le renforcement de l’encadrement et du financement direct des projets jeunes. Ouattara souhaite aussi une participation plus accrue des jeunes aux marchés publics de l’État et la mise en place d’un incubateur pour l’innovation et l’entrepreneuriat jeunes et accélérer le développement des Start-up et de renforcer le dispositif de soutien et de financement des PME avec la mise en place d’une dotation spéciale pour garantir les prêts aux PME.

En Guinée, depuis l’arrivée du Colonel, il multiplie les décrets en faveur des jeunes, envoyé à la retraite plus de 6 000 fonctionnaires. En octobre 2022, il a aussi redynamiser l’Agence du service civique d’action pour le développement (ASCAD) qui est un service public á caractère administratif ayant pour mission la promotion de la formation citoyenne des jeunes pour leur faire acquérir ou renforcer leur qualification professionnelle en vue de faciliter leur insertion socio-économique. A ce jour, elle dispose des centres de formation á Conakry, Kindia, Kankan et Boké. Fin février 2023, il a annoncé à travers son ministre de la formation professionnelle un programme d’urgence de création de 20.000 emplois décents et de qualité, en capitalisant sur les pratiques innovantes. D’autres initiatives sont en études.

Par

Alpha Diallo, fondateur et directeur de publication de www.guineeactuelle.com
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