A lors que le grand rendez-vous du 18 octobre 2020, annoncé avec tambour et trompette, approche à pas de géant, le leader de la principale formation politique de l’opposition guinéenne, Mamadou Cellou Dalein Diallo, ne fait, sans outre mesure, qu’enchevêtrer des erreurs qui pourraient presque tout lui coûter.
Depuis 2010, l’ancien premier ministre sous le Général Lansana Conté, devenu par la suite chef de file de l’opposition face au pouvoir Condé, s’invétère, tel le mythe de Sisyphe, dans des méthodes et approches politiques qui l’empêchent de s’accomplir, du moins d’atteindre ses objectifs affichés. Cette réalité, on ne peut plus scabreuse, interpelle tous les adeptes de l’alternance politique à revisiter le passé récent de notre pays à l’effet de tirer les leçons d’une décennie de stratégies mortifères.
Justement, ces leçons, en lieu et place du renforcement de stratégies vaines, devraient procéder à une évolution des mentalités de nos populations qui, par la force des choses, se retrouvent dans le cachot de l’ethnicisme.
A considérer les faits, la configuration actuelle du paysage politique de notre pays a, sans conteste, été indéniablement paramétrée par la présidentielle de 2010 puis de 2015, les législatives de 2013 renouvelées en mars 2020, et les locales de 2018. Le pouvoir en place, sans coup férir, a, lentement mais surement, mis en place sa mécanique dans tout le système étatique, pas que, mais aussi fortement incrusté les secteurs formel et informel de l’ensemble du pays.
Selon moult observateurs, n’eussent été les guéguerres à l’emporte-pièce et le manque de vision commune de l’opposition portée par Cellou Dalein Diallo, le régime de Conakry aurait été désavoué dès le scrutin présidentiel de 2015, soit seulement cinq ans après sa prise de pouvoir.
Erreurs politiques, inefficience des stratégies et méthodes usitées, tâtonnements, compromis assortis de compromissions inintelligibles, déficit de leadership clairement assumé, tout cela placé sous le sceau d’une impunité caractérisée par l’incurie d’un système judicaire qui devra assumer l’assassinat d’au moins trois cent guinéens arrachés à l’affection de leurs géniteurs des suites de manifestations politiques sévèrement réprimées dans le sang …
Dans ce billet, la rédaction de www.guineeactuelle.com s’évertue à vous proposer, quoique de manière lapidaire, un rappel succinct des erreurs stratégiques commises par l’opposant numéro 1 à Alpha Condé et dont le fardeau, sauf survenance d’un impondérable qui viendrait changer la donne, lui serait, d’un point de vue historique, préjudiciable.
La période de l’entre-deux-tours
Le 1er tour de l’élection présidentielle de 2010 qui a connu la participation de 24 candidats, dont trois anciens premiers ministres (Sidya Touré, Mamadou Cellou Dalein Diallo, Lansana Kouyaté, ndlr), l’éternel opposant historique (Alpha Condé, ndlr) et une seule femme (Hadja Saran Daraba Kaba, ndlr) a eu lieu le 27 juin 2010. Le second tour, initialement prévu le 18 juillet selon la constitution en vigueur, soit deux semaines après la proclamation des résultats, ne s’est finalement ténu que le 7 novembre 2010, soit un peu plus de quatre mois d’attente assortis d’incertitudes tous azimuts.
Selon toute vraisemblance, la descente aux enfers du natif de la ville historique de Labé a débuté là. « On ne change pas les règles en cours de jeu» clame une certaine opinion certifiée en politique.
Quoiqu’en 2010, les conditions de la tenue d’une bonne élection étaient loin du compte, fort de ces 43,69% au 1er tour, le leader de l’UFDG devrait, contre vents et marrées, maintenir le statu quo et guerroyer pour le respect du délai constitutionnel d’organisation des élections. Cette 1ère erreur de Cellou Dalein Diallo est constitutive de son péché capital.
Pour preuve, les quatre mois de l’entre-deux-tours auront permis au candidat historique du RPG (Rassemblement du Peuple de Guinée, ndlr), devenu par la suite leader de l’alliance RPG-arc-en-ciel, de renverser la vapeur issue du 1er tour, s’octroyer 52,52% au second tour et s’installer sur le fauteuil présidentiel.
L’espérance d’un pouvoir doux et respectueux de ses engagements
L’accord de Ouagadougou a constitué la pierre angulaire sur laquelle les évènements de 2010 se sont bâtis. En substance de cet accord, selon moult protagonistes de la scène politique, le vainqueur de l’élection présidentielle devrait, dans les six mois qui suivent son installation, organiser un referendum pour légitimer la Constitution de 2010, organiser les élections législatives suivies des locales pour renouveler l’Assemblée nationale et les conseils communaux.
Sans surprise, le régime d’Alpha Condé, une fois au pouvoir, a jeté les conclusions de cet accord par-delà des 300 km des côtes atlantiques guinéennes.
En dépit des provocations abjectes et autres méthodes perfides employées par le régime en place, Cellou Dalein Diallo est resté figé dans ses vaines stratégies politiques. L’espérance d’un pouvoir doux et respectueux de ses engagements constitue sa deuxième grave erreur. Celle-ci lui a conduit, au péril de la vie de plus 300 guinéens, à prendre trois années pour contraindre le pouvoir de Conakry à organiser les législatives de 2013, huit années pour tenir les locales de 2018.
Le coup K.O de 2015
De tous les stratagèmes portées par le régime en place, le coup K.O de 2015 était bien celui qui aura annihilé toutes les prétentions de l’opposition guinéenne, pas que, aussi donné un uppercut au leadership alambiqué de Cellou Dalein Diallo.
A sortir des législatives de 2013, les députés de la huitième législature ont unanimement adopté la loi consacrant le Chef de file de l’opposition. Cette loi, semble-t-il, a glacé les ambitions des concurrents du leader de l’UFDG, tout en leur blessant dans leurs égos de réputation démesurée.
Partant, la politique guinéenne bien que fortement cristallisée autour de l’affrontement entre les deux hommes (Alpha et Cellou, ndlr) et leurs deux ethnies (Malinké et Peul), le leader de l’UFDG espérait, dans ce contexte relativement favorable, obtenir l’effective allégeance, du moins le soutien de toute l’opposition en vue de lui porter comme ‘’candidat unique’’ contre Alpha Condé. Hélas, c’était sans compter sur Sidya Toure et Cie. Chacun des candidats optant ainsi pour sa propre voie.
Ce sentiment de supériorité de Cellou Dalein Diallo constitue, sans outre mesure, sa troisième grave erreur. Entre la défaite de 2010 et l’élection de 2015, le leader de la principale formation de l’opposition guinéenne, en lieu et place de l’établissement d’une stratégie politique visant la conquête effective des autres régions qui ne lui étaient pas favorables en vertu des résultats de 2010, a plutôt cherché à confirmer son assise sur sa région et sur les villes dans lesquelles ses militants, dont l’écrasante majorité serait des peuls, sont plus représentés.
La paire de gifle des locales
Après soixante années d’indépendance, alors que la Guinée n’avait auparavant connu qu’une seule élection locale qui ne fut organisée qu’en 2005, le renouvellement des conseils communaux en 2018 avait connu un engouement inédit, notamment de la part des citoyens déclarés non-inscrits dans le moule politique du pays.
Les résultats des locales ont non seulement confirmé l’emprise des mastodontes de 2010 (RPG-arc-en-ciel et UFDG, ndlr) sur la scène politique guinéenne, ils ont aussi montré le ras-le-bol de toute une population face à des promesses politiques non tenues. Cette attitude des populations a couté cher au pouvoir de Conakry. Conséquence, le régime en place s’est retrouvé en ballottage défavorable dans les cinq communes de Conakry ainsi que certaines grandes villes de la Basse-Côte ainsi que de la forêt.
Au lieu de capitaliser cette situation en sa faveur, le leader de l’UFDG et son parti se sont faits puériliser lors du processus d’élection des Maires au sein des élus communaux notamment à Matoto, Kindia, Boké… Ce manque de courage de l’homme à assumer sa lutte et se battre pour consolider les votes de ses militants constitue son quatrième péché capital, pour ainsi dire sa quatrième grave erreur.
Le boycott des législatives de 2020
‘’La politique de la chaise vide ne paie pas en politique’’ déclare Pascal Affi Nguessan, leader actuel du FPI (front populaire ivoirien, ndlr), parti de Laurent Gbagbo.
Depuis 2010, les batailles menées par l’opposition guinéenne sous le lead de Cellou Dalein Diallo ont, plus d’une fois, démontré l’utilité de participer aux joutes électorales. Pour preuve, la trentaine de députés obtenus par l’UFDG suite aux législatives de 2013, ont permis au parti de renforcer ses bases, diversifier et optimiser ses revenus, et surtout confirmer son pouvoir de nuisance caractérisé par le blocage institutionnel au niveau du parlement et par le blocage de la rue à l’occasion des manifestations politiques.
Cependant, incapables de capitaliser le peu d’acquis qu’ils ont pu engranger face à un pouvoir phagocytaire, Cellou Dalein Diallo et son parti politique ont, contre toute attente, refuser de participer aux législatives de mars dernier pour, affirment-ils, le manque de garantie de transparence du processus électoral et la volonté de ne pas cautionner le troisième mandat d’Alpha Condé à travers le vote référendaire qui fut associé.
Sauf qu’au final, l’Assemblée nationale a été entièrement renouvelée, l’UFDG déchu de l’ensemble de ses députés, le fichier électoral plus dangereux qu’hier, bref le statu quo a demeuré depuis. Aussi paradoxal que cela puisse paraitre, le même Cellou Dalein Diallo, sans scrupule aucun, se porte encore une énième fois candidat à la sempiternelle joute qui l’oppose à Alpha Condé. Pour quel résultat ? L’avenir nous en dira.
Mais une chose reste cependant certaine, le refus de participer au double scrutin du 22 mars 2020 risque d’être l’erreur de trop. Car, n’ayant aucun député à l’Assemblée nationale, ni aucune mainmise sur l’administration électorale, Cellou Dalein et son parti ne peuvent qu’espérer à un contentieux électoral qui pourrait déboucher sur un gouvernement d’union nationale. Or, cette hypothèse, si tant est qu’elle est une once de plausibilité, ne serait d’aucune utilité pour l’opposant numéro un à Alpha Condé. En ce sens qu’Alpha Condé conserverait son statut de Président de la république, et Cellou n’aurait quant à lui que quelques ministres au sein d’un gouvernement qui n’aurait aucun pouvoir de nuisance, car ne disposant d’aucune représentation à l’hémicycle d’un côté et de l’autre, parce que ne pouvant aucunement entraver le pouvoir discrétionnaire du Chef de l’Etat qui pourrait les faire et défaire à souhait.
Chérif Haidara