Guinée : panorama sur la notion de service public

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La notion de service public désigne de façon générique une activité d’intérêt général, assurée sous la maîtrise de la puissance publique, par un organisme public. Il peut s’agir aussi d’organisme gérant un service public. Cette notion est totalement phagocytée en Guinée par des pratiques de toutes sortes qui font que l’on se demande s’il existe vraiment un service public en Guinée.

Il est souvent reproché, à tort ou à raison,  aux pays francophones d’avoir hérité d’un aspect très fort et symbolique de leur ancienne métropole : la forte prédominance de l’Etat et de l’administratif dans la gestion quotidienne de leur pays. Le service public. Cette pratique léguée par la France coloniale qui elle-même l’a hérité de l’empire romain, a une empreinte marquée sur la vie des populations. Aujourd’hui, le service public n’est plus critiqué comme il l’a été dans les années 2010 lorsque des forums de discussion comparaient les pays francophones aux pays anglophones. Ce qui était alors considéré comme un handicap s’est avéré comme un atout, un potentiel.

Si d’autres pays peuvent s’orgueillir de leur service public, quand est-il de la Guinée ? Ce grand Etat de l’Afrique de l’Ouest qui est marqué à la fois par la présente totalitaire de l’Etat de 1958 à 1984 et l’absence totalitaire du même Etat de 1984 à nos jours.

Le service public en Guinée relève d’un véritable parcours de combattant. D’abord par son inaccessibilité et par la suite par la piètre qualité du service rendu sans oublier la corruption qui gangrène tout son système de fonctionnement. L’on se demande parfois si l’Etat n’est pas une grosse entreprise privée qui s’enrichit illicitement sur le dos de ses clients, les citoyens. Parce que rien n’est gratuit en Guinée. Ne parlons pas des prix fantaisistes appliqués par les agents publics qui sont pourtant payés par le contribuable pour faire correctement leur travail. Dans le fondement de la délivrance, le service public guinéen est payant. Aussi insignifiant soit le prix, il est payant. Quand on y ajoute le déséquilibre criard entre la capitale et les régions qu’on appelle residuellement ici «intérieur du pays»,  l’observateur se demande s’il n’est pas en face de deux pays : Conakry et la Guinée. Ce fut le constat d’un diplomate français, dans un ouvrage consacré à la démocratie en Afrique en 1990. Vingt-neuf ans après, rien n’a changé.

  1. Etat civil/Extrait de naissance.

Le parcours du Guinéen pour le service public commence dès sa naissance. Pour l’enregistrer à la mairie et avoir ainsi son extrait de naissance, ses parents déboursent la modique somme officielle de 5.000 GNF. S’ils sont pressés, ils devront déboursés plus en fonction de leurs têtes.

  1. Education

Même si les enseignants du public émargent à la fonction publique, les frais d’inscription, de retrait de relevés de notes ou de brochure restent payants ainsi que la réparation des bancs défectueux. D’ailleurs sur les bancs, une arnaque vieille comme la République existe toujours. L’APEAE, entendez Association des Parents Et Amis de l’Ecole est une formidable arnaque institutionnalisée qui consiste à faire payer par les élèves aussi bien du cycle primaire que secondaire, toutes options confondues, des montants allant de 5000 GNF à 20 000 GNF pour le compte de la nébuleuse APEAE. Les milliards amassés sont partagés entre les membres du corps administratif des écoles. Ne parlons pas des conditions d’études et de vie.

A l’université, la galère continue. Les brochures se vendent autour de 40.000 GNF. Pour les réinscriptions, il faille débourser 15.000 GNF sans compter  les 10 000 GNF pour les photos. A la sortie, il faut payer 15 000 GNF pour avoir ses relevés de note et 20 000 GNF pour l’obtention du diplôme. Ces montants varient d’une école à une autre, d’une université à une autre. Les chiffres annoncés dans ce présent sont ceux de l’Université Général Lansana CONTE de Sonfonia.

  1. Sécurité et justice

S’il y’a un domaine dans lequel les populations sont le plus insatisfaites du service public, c’est le domaine sécuritaire. Non seulement, il règne l’insécurité, mais lorsqu’on veut faire recours aux services des départements de sécurité, il faille payer là encore. Une plainte et son enregistrement à la direction judiciaire coûtent 100.000 GNF. Pour un déplacement sur le terrain dans l’optique d’identifier le lieu où la personne recherche pourrait se trouver, vous débourser 50.000 GNF par agent. Si la Pick-up est pleine à craquer, tant pis pour votre poche. Il en est de même pour tous les commissariats du pays avec des tarifs défiant toute concurrence. Service public vous avez dit.

Mais le comble reste l’acquisition d’un des documents les plus citoyens et de surcroit le plus demandé : la carte d’identité nationale. L’obtention de ce sésame est devenue une arnaque à ciel ouvert. Le prix officiel de la carte d’identité est fixé à 15.000 GNF. Mais dans les commissariats centraux, le document se négocie à 50.000 GNF pour une ou deux semaines d’attente. Là aussi, si vous êtes pressés, 80 000 ou 100 000 GNF vous font obtenir la carte le même jour. Quid du passeport. Officiellement le passeport CEDEAO de la Guinée coûte 500.000 GNF. Cependant à Coléah, notre place Beauvau, des escrocs vous repèrent à 100 mètres de la rentrée principale et vous proposent leurs services en violation systématiques des procédures en la matière. Ces agents de second couteau sont à la solde de hauts gradés de la police qui ne peuvent se déplacer ou faire le rabattage de demandeurs de passeports à ciel ouvert. Pour la somme de 800.00 à 1 million de nos francs, vous avez votre passeport en 2 ou au maximum 3 jours. Pire, le centre opérationnel pour l’obtention du passeport se trouve seulement à Conakry. Les Guinéens de l’intérieur et surtout ceux de l’extérieur sont obligés de se rendre dans la capitale pour payer ou renouveler leur passeport au mépris de la décentralisation pour les régions et de la diplomatie pour l’extérieur. Les régions administratives et les ambassades ne servent à rien.

  1. Santé

 « La sante est malade» disait Jean Marie Doré. Il avait tout à fait raison. Les actes médicaux sont chers, très chers. Chaque hôpital et centre de santé fixe le prix de sa prestation. Du carnet à l’hospitalisation, en passant par les examens, tout se paie, tous s’achète. Les frais de lit à l’hôpital Sino-guinéen sont fixés à 100 000 GNF/jour pour les chambres ventilées, 250 000 GNF pour les chambres climatisées et 350 000 GNF pour les chambres climatisées avec télévision. Pour la gratuite de la césarienne, attendons la Nouvelle Constitution. Domanie nous a promis que ça figurera dedans.

  1. Entreprises publiques, communications et transports

Il y’a plusieurs entreprises publiques opérant sur le terrain. On peut citer entre autre la BCRG, l’ARPT, l’ANAIM, la SOGEAC, la CBG, l’OPG, l’OGP, l’OCG, le port autonome, la CNSS, EDG, la marine marchande, le CADAC, les hôpitaux Donka, Ignace Deen et Sino-guinéen, l’ACGP,  etc. Toutes ces entreprises sont censées fournir des services publics tout en ayant une politique commerciale puisqu’elles sont des régies financières de l’Etat. Le hic, c’est que le service rendu est largement en deçà des sommes déboursées. Pour des informations sur vos employés enregistrés à la caisse nationale, il vous faut remuer ciel et terre.

La Guinée ne dispose d’aucune compagnie ferroviaire encore moins aérienne. Tous les échanges sur les quatre coins du pays se font à travers des voitures et des camions. La voiture occupe une place essentielle dans la vie du guinéen, mais l’Etat n’a jamais su gérer une entreprise de transport de façon pérenne. L’actuelle SOTRAGUI est la benjamine de la SOGETRAC et de la SOGUITRANS. Une famille d’entreprise publique de transport qui a fini de façon misérable.

Quant à la communication, n’en parlons pas. La Guinée ne possède pas encore de medias de service public, mais de service d’Etat. Hormis les cas sociaux graves, la RTG appartient à la Présidence de la République, au gouvernement et à tous les propagandistes qui s’accaparent les ondes en longueur de jour…et de nuit.

En résumé, la notion de service doit être totalement revue. Ces entités doivent savoir une bonne fois pour toutes que l’essence même de leur création est de servir ce valeureux et martyr peuple de Guinée.

Alpha Oumar DIALLO

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