Féminité et feminicide dans les zones minières en guinée : le grand paradoxe

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L es zones minières sont connues pour le caractère étonnement  luxuriant du train de vie des cadres et dirigeants des entreprises minières : logés dans des cités bien fleuries, dotés en vivres de qualité, véhicules de fonction, eau et électricité fournies plus ou moins régulièrement.

Ces îlots de prospérité baignant dans un environnement social de grande précarité suscite convoitise et admiration des populations environnantes qui, croupissent dans des bidonvilles rampantes au tour  de la cité des travailleurs (Kamsar, Sangaredi à Boké pour la CBG, Toron à Siguiri pour la SAG, Léfa à Dinguiraye pour la SMD, Débelé à Kindia pour la CBK).

Dans cet écosystème  complexe, l’explosion numérique des populations féminines  est une des grandes constantes sociales ces dernières années. A Sangaredi, elle représente plus de  54% de la population totale (85.000 sur 151.400 habitants), pourcentage beaucoup plus important  à Siguiri (chiffre non disponible, refus du vice maire de me rencontrer).

Le grand paradoxe

Derrière ce chiffre populationnel vertigineux, la vie des femmes dans ces zones d’extraction minière soulève des inquiétudes. Dans la zone de Siguiri, espace d’orpaillage par excellence (20.000 orpailleurs), elles constituent une part importante de la main d’œuvre locale (laveuse de gravier, apport d’eau, transport de gravier) et tiennent l’essentiel des réseaux de distributions commerciales ; vente d’eau, de riz, de produits pharmaceutiques et autres produits de consommation. Elles exposent leurs vies aux risques d’effondrement des mines très fréquents dans la zone (deux femmes tuées en Septembre  2014 dans l’effondrement d’une mine à Kintinian. En juillet 2019, une mère et sa fille perdent leurs vies dans un autre effondrement), mais aussi à des pratiques d’harcèlements sexuels et de violences physiques, pour la plupart des cas non dénoncées par peur des représailles et des stigmatisations.

Obligées de faire recours à des mariages temporaires (Foudou koudouni) pour se protéger des agresseurs et harceleurs. Ces relations conjugales de courte durée auprès d’un « mari-protecteur » se nourrissent de violences, de grossesses douloureuses qui se soldent par des accouchements mortifères, d’enfants monoparentales, futurs ouvriers dans les mines.

La zone est aussi connue pour les tragiques faits répétés de crimes passionnels (phénomène répandu dans toute la Guinée ces dernières années).

En Août dernier, une femme tue la maitresse de son mari à Didi. En Juin 2020, une fille tue son copain à Kintinian par jalousie.  Loin d’être une particularité des zones minières, ces crimes sont souvent dans ces zones le reflet d’une  désocialisation des orpailleurs, d’un désespoir et d’une absence d’amortisseur psychologique dans une mine artisanale.

Dans la zone de Boké (Kamsar et Sangaredi), le contexte sociologique et économique différent génère des menaces et des pratiques tout aussi différentes. A Kamsar et à  Sangaredi émergent, grâce à l’électricité fournie par les entreprises minières, des dizaines de « maisons de jouissances » greffées à proximité de la cité des travailleurs. S’y recrutent des femmes venues des villages voisins et des autres régions pour livrer leurs corps à des hommes en proie à une vie quotidienne durcie et robotisée dans les mines. Explosant le taux de prévalence du VIH dans la zone, A Sangaredi, les chiffres fournis par la Commune affichent  3,5% au niveau des travailleuses de sexes et 1,5 % chez les « travailleurs miniers ».

Le secret médical couvrant les bulletins de santé des travailleurs, bien que légal,  complexifie et expose de plus en plus la santé des femmes travailleuses dans ces maisons de joie. La santé sexuelle dans les zones minières est une problématique d’une grande préoccupation qui doit être prise en compte dans le cadre de la responsabilité sociale des entreprises (RSE).

Quelle alternative !!

Faiblement présentes au niveau des hautes responsabilités des entreprises minières et des postes en rapport avec les engins lourds et la haute technologie, elles sont paradoxalement les grandes victimes des activités minières. Les mines ont été longtemps pensées comme une activité masculine et virile. Les femmes s’y retrouvent comme dans un monde étrange, dont les leviers d’ascension sociale leur échappent. Reléguées dans une dimension humiliante de « fournisseuse » de « chair » et de « plaisir » à des « gladiateurs des mines ». Cette dynamique sociale des régions minières échappent ou sont volontairement ignorées par les politiques publiques nationales et locales.

Une réflexion peut être entamée en faveur d’une politique nationale de promotion et de défense des droits des couches vulnérables (femmes et enfants) dans les zones minières qui intègrerait les aspects psychologique, juridique, économique, culturel et social.

BARRY Oumar, Doctorant en Sciences Politiques à l’Université de LYON (France), chercheur sur les industries extractives et les enjeux de développement des zones minières  

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