L a France est de plus en plus décriée en Afrique francophone et beaucoup d’activistes africains appellent à congédier la France au profit de la Russie. Malgré cette volonté affichée de couper le cordon ombilical avec la France, les dirigeants français n’arrivent toujours pas à intégrer ce changement dans leur géopolitique mondiale. La France est comme obstinée à continuer à mener sa politique étrangère africaine, comme si de rien n’était.
Du Sénégal au Niger, en passant par le Mali et le Burkina Faso, la coopération avec la France est décriée, jugée non productive face à la montée du Djihadisme dans le Sahel. Lors du coup d’Etat de Ibrahim Traoré contre Damiba, (perçu dans l’opinion, à tort ou à raison comme pro Blaise Compaoré donc proche de la France), des milliers de manifestants sont sortis dans les rues, le drapeau russe en main, en train d’appeler à une nouvelle coopération avec la Russie et le départ de la France des terres du Faso. Le consulat de la France a été attaqué, la France accusée d’avoir mis en sécurité Sandaogo Damiba (accusations réfutées par la France).
Avec le Mali, rupture de coopération militaire, départ des forces françaises du territoire malien, accusation de soutien aux terroristes, échanges musclés à la tribune des Nations-Unies, bref le divorce. Ni le Mali ni la France ne gagne dans cette situation. Mais le constat est que la présence militaire française n’a pas eu l’impact escompté sur le terrorisme, les massacres contre les civils, les attaques contre les militaires, l’expansion du communautarisme tout ceci trouve sa source du Djihadisme.
Comparativement à la situation en Ukraine, la France aide ouvertement la résistance ukrainienne par l’envoi de 18 canons Caesar et des milliers d’obus, de missiles antichars Milan. C’est dire que la France s’implique réellement pour mettre fin à la guerre tant sur le plan militaire que diplomatique. Ce qu’elle n’a pas fait au Mali. Le rapprochement avec la Russie n’a certes pas amélioré significativement la situation sécuritaire malienne, mais elle est stable.
En CentreAfrique, la France a aussi perdu du terrain. L’opération Sangaris, mise en place pour faire cesser les massacres des civils et la guerre intercommunautaire, mais tout ceci n’avait pas mis fin à la guerre, au massacre de civils. Le gouvernement Centreafricain s’est tourné vers Vagner, et il y a eu une sorte de stabilité et plus ou moins a réussi à contenir la violence et à mater la rébellion. Là encore, dehors la France !
Si un rapprochement avec la Russie ne garantit pas la fin des ennuis pour les africains, nombre d’entre eux estiment que la France, non plus, n’a pas pu éradiquer le terrorisme. C’est un fait.
Politique étrangère à deux vitesses
Le constat crève les yeux, la France défend la démocratie et les droits de l’homme, selon le camp d’en face. Elle condamne des actes dans un pays et ferme les yeux sur les mêmes actes dans un autre pays, c’est incompréhensible pour les africains. En Guinée, le 3è mandat d’Alpha Condé n’était pas acceptable, mais celui de Alassane Ouattara, OUI.
En Guinée, Alpha Condé s’est taillé une constitution sur mesure pour s’offrir un 3è mandat, la France s’est désolidarisée. S’il est vrai qu’aucune action sérieuse pouvant freiner Alpha Condé n’a été prise, la France n’a tout de même pas soutenu le Président Condé. Mieux, les relations entre la France et la Guinée étaient froides.
Mais Alpha n’a pas mis en cause les intérêts des entreprises françaises en Guinée, Bolloré notamment qui gère le port conteneur de Conakry. Sans oublier qu’Avast, l’agence de communication de Bolloré avait contribué à façonner une bonne image de Condé lors de la campagne présidentielle de 2010.
Au même moment en Côte d’Ivoire, Ouattara, également, a lorgné un 3è mandat, prétextant que son successeur Gon Koulibaly est mort. Comme si au sein de tout le parti, seul lui, était présidentiable. Contrairement à la situation en Guinée, la France ferme les yeux sur cette dérive démocratique en Côte d’Ivoire et apporte son soutien à Ouattara.
Les coups d’Etat en Guinée, au Mali, au Burkina Faso et au Tchad n’ont pas eu également les mêmes réactions. Contrairement en Guinée, au Burkina et au Mali, où la France s’est alignée sur la position de la CEDEAO (qui a infligé des sanctions au Mali, menacé la Guinée et le Burkina), au Tchad la France a soutenu l’installation du fils de Déby. Le Président Macron a fait le déplacement, un président français à l’investiture d’un putschiste, alors qu’il y a une Assemblée dont le président devait prendre la tête du pays le temps d’organiser les élections.
Toujours au Tchad, on prolonge de deux ans la transition dirigée par le fils du dictateur. Le peuple conteste, le gouvernement réprime dans le sang, plus de 150 morts, des centaines d’arrestations et de disparitions. En France, le Quai d’Orsay se contente de dire que la France condamne les violences et que Paris n’a joué « aucun rôle dans ces événements ». Où est la démocratie ?
Tout n’est pas perdu pour autant !
La France, malgré tout peut encore sauver les meubles avec une nouvelle coopération basée sur les résultats. C’est encore possible ! C’est d’ailleurs le but de cet article, interpeller la France pour qu’elle revienne à la ‘’raison’’. L’Afrique, notamment francophone et la France sont liées par la langue, la culture et la diplomatie. Les deux doivent dialoguer, discuter et renégocier les modalités de coopération pour que chacun y trouve son compte. Une rupture brutale des relations n’arrange ni l’Afrique ni la France. Tout le monde serait perdant.
Par exemple quand la Chine a fait appel aux capitaux étrangers, elle s’est arrangée à ce qu’il y est un transfert de compétence et de technologie, ce que la France ne fait pas assez en Afrique. La Guinée, par exemple, première réserve mondiale de bauxite ne fait que vendre la matière première et racheter plus cher après, des produits finis. Si elle disposait d’une usine d’alumine, cela rapporterait plus d’argent et générerait plus d’emplois. Au Mali, au Niger et au Burkina aussi, des pays miniers peuvent faire la même chose.
Sur la coopération militaire, il s’agira d’échanger des renseignements, fournir des armes et des instructeurs, entrainer les soldats des pays africains, les équiper. Ce que fait la Russie contre des sous, la France peut faire de même. Ce n’est pas la coopération française qui pose problème, mais les termes des accords de coopération. Ça peut évoluer à la satisfaction de chaque partie.
Moi, je suis un amoureux de la France, mon papa aimait Chirac, au point qu’il a organisé une fête lors de sa victoire, mais la France doit se remettre en question. Comprendre que les mentalités africaines ont évolué, il y a de plus en plus d’africains éclairés, de plus en plus d’activistes qui conscientisent les peuples. Et si la France ne se remet pas en cause, les anti-français gagneront, et la bataille, et la guerre. Cela profitera à la Russie, la Chine et la Turquie.
Mais le plus évident est : France, Russie ou Etats-Unis, chacune des puissances cherche son intérêt. A l’Afrique de mieux négocier. Une rupture brutale n’arrange personne, Haïti est un exemple.
Par Alpha Diallo, directeur de publication de www.guineeactuelle.com et Ingénieur dans les systèmes d’information décisionnelle, Expert IBM.
alpha.diallo@guineeactuelle.com