Tribune : la guinée sur les traces des dictatures africaines

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Le projet de modification constitutionnelle est devenu très récurrent en Afrique ces dernières décennies et surtout dans les pays où se sont établis les potentats qui ont instauré une démocratie à la fois fragile, bananière et en perte de tout équilibre et qui ne rime absolument pas avec les promesses tenues à la Baule en 1990.

Dans beaucoup de pays sur le continent, ce projet est présenté comme innovateur voir salvateur par les pouvoirs publics qui en font assez d’éloges à son sujet et qui prétendent l’initier éventuellement pour le bénéfice des peuples qui aspirent quant à eux aux changements profonds après de nombreuses années de retard. C’est souvent avec des mots savamment réfléchis et des stratégies quasiment perfides qu’on présente ce dit projet salvateur alors qu’en réalité, il ne reste que la relique d’une simple volonté de s’éterniser au pouvoir.

Mieux encore, on feint toujours d’organiser un référendum populaire pour faire approuver la nouvelle Constitution au peuple par voie ‘’ démocratique ‘’ afin d’avoir la légitimé d’exercer le pouvoir et des arguments plausibles pour se défendre contre toutes les attaques visant à ternir leurs images. Mais la crédibilité du scrutin posant toujours problème donne l’impression plutôt d’assister à un référendum bâclé, truqué bref, à une réelle mascarade électorale où des hommes de mains recrutés par les tenants du pouvoir sont capables de faire basculer les résultats en leur faveur et ainsi approuver au nom du peuple un projet que celui-ci rejette tant.

En effet, la fin de cette démarche absolument politicienne qui n’échappe d’ailleurs à personne vise ce que tout le monde sait d’avance à ‘’ perpétuer un pouvoir à vie ‘’ et continuer à dilapider les ressources économiques ou à ouvrir la mangeoire aux proches qui sont les plus insatiables et qui servent avec loyauté le système. Ce mauvais exemple de démocratie a été donné par des chefs les plus boulimiques du pouvoir au début des années 2000 qui ont œuvré de manière opiniâtre à sauvegarder leur fauteuil au détriment de leurs compatriotes tout en modifiant la Constitution qui limitait la durée de leurs mandats à deux.

Cette expérience a été tentée dans tous les coins d’Afrique, du nord au sud. La Tunisie, le Tchad, la Guinée sous l’ère Conté, le Burkina Faso, le Togo, l’Ouganda, le Cameroun sont des pays qui ont été frappés par la révision constitutionnelle. Aujourd’hui, on compte en partie dans le continent, les chefs d’Etat les plus séniles au monde qui en font même de leurs pays une dynastie ou parfois un ‘’ royaume ‘’ où le pouvoir se transmet de manière héréditaire.

Il n’est pas rare de voir au crépuscule du mandat de tel ou de tel président d’initier un projet de Constitution pour réformer à en croire à leur dire tous les secteurs qui sont porteurs de croissance, les services publics et les institutions républicaines, de redéfinir un nouveau programme de coopération, de promouvoir les libertés fondamentales et d’autres. Mais la réalité en est une autre.

Ce bidouillage de la Constitution porte forcément atteinte à la stabilité de nos pays en ce sens qu’il ne se passe point en marge d’une résistance populaire dressée soit par des partis politiques ou soit par des mouvements de la société civile appuyés et soutenus par des politiciens qui les aident à mobiliser une foule gigantesque défilant sur les artères pour défendre leur droit. Ce qui fait que partout où la modification constitutionnelle a été initiée pour des motifs douteux, on a assisté aux remous, aux révoltes graves entrainant des dommages énormes et qui sont le plus souvent sévèrement réprimées par une armée soupçonnée par le peuple d’être truffée de mercenaires et de militants aux abois du régime.

Au même moment, ces chefs font leur petite grimace se faisant passer pour des victimes en condamnant leurs adversaires à qui ils reprochent de raviver la haine ethnique, d’inciter à la violence et d’intenter une guérilla urbaine en s’interdisant notamment de parler des charniers qu’ils ont laissés partout, des fosses communes que nous révèlent les rapports des enquêteurs nationaux et internationaux.

La Guinée bien que consciente de cette turpitude veut s’engager dans la même dynamique après une première expérience tentée en 2002 par le Général Lansana Conté qui l’avait aidé à s’éterniser au pouvoir jusqu’en 2008. Et aujourd’hui encore, personne n’ignore l’aveu de notre Professeur de la Sorbonne et qui va directement en contraction avec sa propre lutte politique qu’il a toujours menée. Est-aussi un nouvel opportuniste ? Le temps nous le démontrera.

La vérité est que s’il continue ainsi à s’agripper au pouvoir, ceci démontrera son incohérence par rapport aux idées qu’il a incarnées et l’histoire retiendra de lui l’image d’un homme d’Etat quelque peu reluisant pour son peuple malgré ses longues années de combat en faveur de la démocratie. L’heure n’est plus à la dictature. Je suis entièrement d’accord sur le fait que le peuple n’est pas à exempter dans une quelconque démocratie. L’essentiel de ce pouvoir d’ailleurs repose sur lui. Le consulter relève du domaine droit, ce n’est pas un principe théorique de la démocratie, c’est une vérité. Mais devant une situation où la loi a déjà tranché et que tout le monde attend, il est de notre devoir de mettre en avant la morale pour apprécier les choses de la manière la plus convenable.

Je le dis et très souvent, s’il faut choisir entre le droit et la morale, choisissons la morale. Le droit est contraignant bien qu’il se fonde sur des règles tandis que la morale est le reflet de la conscience humaine. Vouloir justifier l’injustifiable ravive toujours la colère des gens et ébranle la stabilité du pays comme cela a été dans bons nombres de pays d’Afrique. Les tenants du pouvoir doivent s’exiger à respecter le principe de l’alternance qui est un principe sacro-saint de la démocratie.

Une telle volonté donne crédit à notre pays parce qu’elle traduit la détermination et l’engagement de nos gouvernants à préserver la quiétude sociale et à bâtir un havre de paix. Cette rigueur et ce dynamisme ont assez d’avantages pour une société qui aspire à se développer et à se stabiliser.

C’est vrai que je ne soutiens nullement une quelconque option violente commanditée par qui que ce soit. Mais les propos tenus dans ces derniers jours par certains politicards de la mouvance et de l’opposition m’ont donné à méditer sur ce que deviendra la Guinée après 2020. Des hommes belliqueux accrochés à leurs intérêts sont en train de se livrer à une guerre des mots qui est la preuve de leur inculture voire de toute la réalité qui empeste notre pays. Ceci dit que la Guinée est mal partie. Sinon, c’est vraiment impensable de voir des hauts cadres se livrer à des comportements aussi sordides, absurdes et qui montrent même leur dilettantisme dans la sphère administrative qu’ils commandent et dans laquelle ils sont censés travailler pour le bonheur des masses de manière impartiale.

Pire, la maigre économie du pays est en train d’être distribuée par ci et par là pour acheter la conscience des jeunes qui scandent à la victoire alors qu’ils n’en savent rien du jeu dans lequel ils ne sont que simplement manipulés par ceux qui combattent pour pérenniser leur droit au bonheur à tout prix. On peut alors s’en servir de cet argent gaspillé pour créer l’emploi, assainir la capitale ou venir en aide aux plus démunis ou faire des routes asphaltées à l’intérieur des quartiers où les populations peinent à se déplacer.

L’heure est grave. Il est temps maintenant de faire l’autopsie de notre société pour connaitre l’origine de notre malédiction pour qu’enfin nous sortions de cette crise qui secoue le pays depuis un bon temps.

Raymond BAMANE, jeune écrivain.                

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