Tourisme : pourquoi la guinée n’est pas une destination malgré son potentiel ?

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La Guinée est certainement un des pays les plus beaux d’Afrique avec un potentiel touristique aussi scandaleux que son secteur minier. Pourtant, malgré ces atouts, ni le gouvernement, ni le secteur privé n’arrivent à vendre la destination Guinée aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur. A qui la faute ? Ou est-ce que ça coince ?

L’arbre solitaire» sur l’espace vert de l’hôtel SIB a Dalaba en Moyenne Guinée

La République de Guinée est un magnifique pays avec des potentialités touristiques sans commune mesure dans la sous-région voire sur le continent africain.

Avec seulement 245.857 km2, le pays compte à lui seul 4 régions naturelles distinctes ayant chacune ses particularités géographiques et ses richesses aussi bien humaines que naturelles.

Arrosée par 1165 cours d’eau, la Guinée, en plus d’être le château d’eau de l’Afrique de l’ouest, est sans nul doute la perle de cette région africaine.

De ses plages aux sables fins à l’accueil chaleureux de sa population, de ses montagnes culminant, à des sommets hauts et humides, à ses plaines verdoyantes sans oublier la beauté légendaires de ses femmes, la Guinée ne laisse pas le visiteur indiffèrent.

Cependant, malgré cette présentation idyllique aux allures de carte postale, la destination Guinée ne se vend pas. Le pays se classe loin derrière ses voisins sénégalais et ivoiriens qui, pourtant n’ont pas été plus dotés que lui par dame nature. D’où vient ce paradoxe ?

D’abord du manque de volonté politique. Oui parce que le tourisme est un secteur hautement stratégique qui nécessite une attention et un soutien massif et continue de l’Etat.

Les chutes d’eau de Kambadaga à Pita

Trop longtemps, le secteur touristique a été le parent pauvre de la répartition du budget du pays : 0,99 % du BND de 2012 à 2015.

Cette marginalisation du tourisme au profit d’autres secteurs que l’Etat juge plus stratégiques, ne permet pas de vendre la destination du pays. Même s’ils faillent relativiser un peu sur le manque d’investissements dans les structures hôtelières au vu de nombreuses réalisations dans ce sens depuis 2010, l’absence de concentration de chaine de valeur empêche de mettre un véritable pôle touristique dans le pays. Cela passe par un soutien accru de l’Etat aussi bien à des entreprises ou des initiatives de location de taxis par exemple qu’aux professionnels de l’artisanat qui sont des activités essentiellement tributaires du dynamisme touristique.

Des roches préhistoriques dans la préfecture de Lélouma

L’autre grand chantier de l’Etat pour développer son secteur touristique est bien l’instauration de l’Etat de droit. Aucun développement aussi minime soit-il ne peut s’opérer dans un climat d’anxiété et de tension permanente. Le secteur du tourisme qui dépend largement de la paix et de la sécurité ne peut prospérer dans un pays où le quotidien se résume en marche, casse et tueries. Le maintien donc d’une situation politique stable et apaisée, doublée d’un assainissement du climat des affaires peut propulser la Guinée  à la place de leader dans le tourisme écologique ainsi que le tourisme d’affaires.

Un autre pan de la question relève cette fois du manque d’initiatives citoyennes à l’entreprenariat touristique.

Selon Maria Diané, fondatrice de Maribou évents et actrice du secteur, il existe une incompréhension de la notion de tourisme au niveau local, en ce sens que d’aucuns, nombreux sont ceux qui croient que seul l’hôtellerie fait le tourisme tandis qu’il n’est qu’un maillon de la chaine.

Pour exemple, elle donne le déséquilibre qu’il y a aujourd’hui entre l’offre et la demande en matière d’hôtels. De grands groupes ont fait des investissements colossaux dans la réalisation d’hôtels 5 étoiles et 7 étoiles alors que le marché intérieur ne répond pas à l’appel.

Trop cher disent-ils ? Le marché extérieur fluctue en fonction de la situation politique du pays. La fondatrice de Maribou events insiste aussi sur l’absence de volonté politique à faire du tourisme un des maillons forts de sa croissance économique. Conséquence, le tourisme contribue faiblement au PIB de notre pays  alors que dans d’autres pays moins dotés par la nature que la Guinée,  la part du même secteur est 2 à 3 fois plus élevée (Le tourisme contribue à 2% au PIB de la Guinée contre 6,3% au Sénégal.)

Le pont sur le fleuve Niger dans la ville de Kouroussa.

Dans la même lancée, un autre acteur non des moindres du secteur a également donne son avis. PDG de Dunia Voyages (une agence de promotion touristique), Mohamed Saloum Cissé est également le vice président de la fédération patronale du tourisme. Cumulativement, il préside l’association des agences de voyage pour le développement du pèlerinage et de la Oumma.

Selon lui, les raisons de la mévente de la destination Guinée se trouvent à deux niveaux : au niveau gouvernemental à travers le ministère du tourisme et de l’hôtellerie et l’ONT.

«Le ministère s’occupe de l’entretien des sites touristiques tandis que l’Office National du tourisme fait la promotion des sites. En deuxième lieu, arrivent les promoteurs du tourisme. Il s’agit d’un ensemble de prestataires qui regroupent les agences de voyages, les restaurateurs etc. »

D’après Cissé, les problèmes du tourisme se traduisent  entre autres par la non mise en compte des sites touristiques et le manque d’attraction de ses sites en conséquence. Il rajoute : «Il y a aussi le manque de sécurité. Les touristes se font harceler au niveau des barrages, les embouteillages. Il y a trop d’embouteillages et le manque d’infrastructures. Le tourisme doit être le secteur le plus transversal du gouvernement. Le ministère de la sécurité, les travaux publics, tous doivent y participer»

Pour Saloum Cissé, il n’  y a pas d’accompagnement de l’Etat vis-à-vis des acteurs du secteur touristique. Le tourisme ne constitue pas un secteur porteur de croissance, aux yeux de l’Etat. Selon lui, le ministère du tourisme regorge de bons techniciens, mais qui n’ont pas les moyens de leur politique.

« Je lance un appel auprès du ministère du tourisme, nous devons être écoutés. Le gouvernement compte assez sur les gros investisseurs extérieurs alors que nous aussi nous pouvons développer le secteur avec nos petits moyens. En 2018, nous avons approché le ministère du tourisme pour la reprise du site du voile de la mariée qui est aujourd’hui dans un état de délabrement poussé. Mais nous n’avons reçu aucune réponse. Apres nous avons eu vent qu’un guinéen vivant en Allemagne avait eu le contrat de cession mais n’avait pas commencé à exploiter.»

Cissé nous révèle aussi l’existence d’une roche emblématique sur l’ile de Kassa aux larges de Conakry. C’est sur cette roche que le célèbre fondateur de la confrérie des Mourides du Sénégal Cheick Ahmed Bamba aurait prié. La roche porterait encore les traces du passage de cet homme idolâtré au Sénégal voisin.

L’agence de Saloum Cissé alors entreprit des démarches auprès du ministère du tourisme afin de protéger et d’exploiter ce lieu pour faire du tourisme religieux. Sans succès. Il montre également du doigt le manque de rentabilité de ces grands hôtels construits depuis 2010 : « le taux de remplissage aux niveau de ces hôtels est assez bas. Ils ont été construits pour les touristes qui viennent de l’extérieur, mais avec les manifestations et tout, le peu de touristes qui arrivent ne suffit pas à rentabiliser les hôtels. C’est le gouvernement et les guinéens qui font, au moins, fonctionner ces hôtels. On ne construit pas les hôtels pour les miniers. Les miniers sont à l’intérieur du pays. En plus l’endettement de l’Etat auprès des agences de voyage est colossal. La dette intérieure de l’Etat est assez grande à ce niveau. Quand il s’est agi de payer les dettes intérieures, l’Etat a priorisé les multinationales qui sont dans le secteur. Nous on attend. Ils disent qu’ils vont nous payer mais ça tarde»

Pour finir Saloum CISSE exhorte l’Etat à assainir le secteur des promoteurs touristiques. N’importe qui peut faire partie des acteurs du tourisme assure-t-il alors qu’il faille de l’excellence dans ce domaine. Il en appelle à une professionnalisation du secteur du voyage et du tourisme.

L’hôtel Sheraton Grand Conakry. Un des grands hôtels 5 étoiles construits depuis 2010.

Enfin, le manque d’initiatives pour créer le tourisme intérieur impacte négativement l’attrait pour le tourisme en général. Le tourisme intérieur peut  être un puissant levier pour relancer la consommation et donc amorcer une nouvelle croissance économique tournée exclusivement vers les acteurs locaux du secteur (hôtels, artisans, entreprises de location de véhicules, guides touristiques, restaurateurs, historiens…)

Comment pouvons attirer les étrangers en Guinée lorsque  nous ne faisons pas la promotion des richesses touristiques de notre pays ? Combien de Kankanais connaissent l’arbre solitaire de l’hôtel SIB de Dalaba ? Combien de koundarakas connaissent la forêt classe de Ziama ? Des gens de Boké ont déjà vu l’arbre à seins de Bissandougou ? Le pont de Kouroussa, les lianes de Macenta, les crapauds géants de Nimba, les chutes de Kambadaga à Pita, le pont de Dieu à Dalaba,  les îles de Loos ou les îles Tristao…..

Nous ne finirons pas de citer les potentialités de ce pays en matière de tourisme. Il reste à l’Etat de donner le ton, d’inciter et d’encadrer tous ceux qui veulent investir dans ce secteur hautement porteur de croissance.

Alpha Oumar DIALLO

 

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