Système sanitaire en afrique : la place de la médecine traditionnelle (contribution)

Publicité

Au moment où des crises sanitaires deviennent récurrentes dans nos sociétés actuelles, la recherche de solutions doit être diversifiée. Tous les acteurs de la médecine conventionnelle et ceux des praticiens traditionnels doivent être mis à profit pour un système de santé optimal.

Mais la mise en place d’une telle collaboration se heurte généralement aux mentalités régressives entretenues par le système à l’égard de la pharmacopée traditionnelle.

Parce que nous avons été formés dans un paradigme purement et simplement occidental. Nous n’avons pas été formés pour avoir plusieurs visions différentes de la même réalité. C’est un défaut collectif, nous avons tous été formés par ce même système. Et quand on est intellectuellement formé par un système, on ne voit pas les insuffisances de ce système. Savons-nous que beaucoup de ces molécules sont issues pour la plupart de notre environnement ? Savons-nous aujourd’hui que la médecine traditionnelle est reconnue par l’OMS et qu’elle est strictement encadrée ? Savons-nous que l’on vend des produits traditionnels homologués dans les pharmacies dans beaucoup de pays actuels ? Savons-nous que dans certains pays un médecin moderne peut prescrire un médicament traditionnel à un patient ? Savons-nous qu’il y a une division médecine traditionnelle ou une direction médecine traditionnelle dans la structure du ministère en charge de la santé de nombreux pays africains y compris la Guinée ? Savons-nous que la CEDEAO, à travers l’organisation ouest africaine de la santé, organise la médecine traditionnelle dans l’espace sous régional ? Savons-nous que des chercheurs africains comme Solomana Kanté, inventeur de l’Alphabet N’ko, ont été à l’origine des travaux scientifiques reconnus sur la médecine traditionnelle ?

Donc les clichés négationnistes d’une médecine sans dose ou de charlatanisme collés à tort ou à raison à la pharmacopée ne passent plus pour de nouvelles générations conscientes.

La médecine traditionnelle doit être intégrée dans notre système de santé publique et réglementée. Elle ne peut pas disparaître par l’agression de l’industrie pharmaceutique occidentale. Les plantes médicinales sont botaniquement bien décrites et classifiées scientifiquement de nos jours. Donc nous savons quelle plante a une propriété antipaludéenne, antibiotique, déparasitant ou immunitaire…Quiconque connaît les réalités de notre monde rural sait que la médecine ancestrale est le plus souvent le premier recours de nos populations.

Pour que l’Afrique émerge médicalement parlant, les pratiques médicinales auxquelles les populations font recours doivent être intégrées dans la vision d’un meilleur système de santé publique comme les pays asiatiques l’ont réussi et comme des pays comme le Ghana, le Nigeria et même le Bénin, le Burkina et la Côte d’Ivoire sont à l’avant-garde des progrès dans le domaine.

Mais en Guinée, au lieu d’aider cette médecine à s’améliorer et à intégrer l’espace santé communautaire et publique, on manque de respect à ceux qui feront évoluer notre pharmacie en la rendant productive et compétitive à l’avenir.

Dommage que la majorité de ceux qui sont issus des départements de pharmacie de nos facultés médicales ne pensent jamais à créer des produits, leurs rôles majeurs se limitant à être de simples commerciaux des firmes pharmaceutiques occidentales et asiatiques. Or celui qui produit est celui qui apporte de la valeur ajoutée à la société.

La diabolisation et l’exclusion des thérapies traditionnelles ne sont pas la solution. Vivement la collaboration entre la médecine conventionnelle et les thérapies traditionnelles pour un meilleur système de santé chez nous.

Et enfin, vivement l’intégration de la pharmacopée traditionnelle dans le cadre de la recherche locale aux questions sanitaires du pays.

Nafadji Sory CONDE, auteur

Socio-anthropologue, spécialiste langues et développement communautaire.

Professeur de N’ko à l’Université Kofi Annan de Guinée

Publicité