Suivi médical des détenus politiques en guinée : des contradictions relevées dans la déclaration du ministère de la justice

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En réaction à la déclaration faite, vendredi dernier, par le ministère de la Justice, les avocats des opposants incarcérés à la maison centrale depuis près de cinq mois ont apporté des précisions sur les conditions de détentions de leurs clients.

Dans un communiqué transmis aux médias, ces avocats évoquent, entre autres,  la surpopulation carcérale observée à la maison centrale, les cas de morts qui y sont enregistrés, les contaminations au Covid-19 et les hospitalisations récurrentes des détenus politiques et d’opinion ou encore la violation du droit des prisonniers à recevoir des visites.

Déclaration

RÉPONSE DU COLLECTIF DES AVOCATS À LA DECLARATION DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE RELATIVE AU SUIVI MEDICAL DES DÉTENUS POLITIQUES

Dans un communiqué lu vendredi soir à la télévision nationale, le Département de la Justice a notamment annoncé : « qu’en plus des dispositions habituelles et pratiques relatives à la santé des détenus, le Chef de l’État a recommandé pour les détenus qui le souhaitent, qu’ils soient suivis tous les jours par leurs médecins traitants ». « …qu’il a un personnel qualifié qui suit régulièrement tous les détenus et s’enquiert de leur état de santé au quotidien ».

Il précise, en outre, que dans le souci d’une bonne administration de la justice, les procédures engagées suivent leur cours normal : « Les procès attendus se tiendront rapidement dans le respect des droits des détenus et de l’indépendance de la justice. En tout état de cause, le ministère rassure l’opinion nationale et internationale que tous les détenus pour les infractions à la loi et divers délits sont traités dans le respect de leurs droits fondamentaux et de la dignité humaine ».

Il précise, enfin, que : « tous les détenus ont droit à la visite de leurs familles, leurs proches et toute personne qui souhaite les rencontrer et qui pourrait témoigner de leurs conditions réelles de détention et de leur état de santé en toute transparence ».

En réponse, le Collectif des Avocats voudrait rappeler brièvement quelques éléments de fait et de droit qui contredisent systématiquement cette déclaration du Ministère de la Justice.

Sur les faits, il convient de retenir que la surpopulation carcérale observée à la maison centrale, les cas de morts qui y sont enregistrés, les contaminations au Covid-19 et les hospitalisations récurrentes des détenus politiques et d’opinion suffisent amplement à démontrer que les conditions de détention sont extrêmement mauvaises. Aucun suivi médical ne peut palier à cette réalité surtout dans un contexte de pandémie mondiale où la mise en liberté des détenus est fortement recommandée.

En outre, contrairement à ce qui a été dit, il est de notoriété publique qu’il y a eu jusqu’à maintenant une restriction illégale voire une interdiction au droit de visite des prisonniers. Or, pour obtenir un procès équitable, il importe particulièrement que les prisonniers en détention provisoire puissent rester en contact avec leurs avocats, leur famille et leurs amis, de façon à préparer convenablement leur défense. Il va sans dire que le droit de visite reconnu aux prisonniers n’a pas pour 2 objectifs de s’enquérir des conditions réelles de leur détention comme le laisse croire la déclaration du Ministère de la Justice.

Enfin, l’arrestation et la détention provisoire prolongée de nos clients reposent sur des accusations fallacieuses qui violent systématiquement leurs droits fondamentaux, notamment le droit à l’intégrité physique et morale, le droit à des conditions de vie appropriées, le droit d’être en contact avec le monde extérieur, le droit à la santé, le droit à la liberté, le droit à la présomption d’innocence.

Sur le droit, le Collectif des Avocats rappelle que c’est la violation systématique des dispositions du Code de procédure pénale et des normes internationales qui garantissent les droits fondamentaux des citoyens qui a conduit à l’arrestation et à la détention provisoire prolongée de ses clients et par ricochet à cette polémique sur l’état de santé de ces derniers ou encore sur leurs conditions de détention.

Dans cette affaire, il convient de retenir que la loi reconnaît à tout détenu le droit de se faire examiner par un médecin. Ce droit n’a pas pour base juridique la déclaration du Ministère de la Justice.

Par ailleurs, le Code de procédure pénale prévoit en son article préliminaire que « La liberté est la règle, et la détention, l’exception ». Or, en violation de l’article 235 de ce code, la Justice a délibérément et sans motifs valables privilégier la détention provisoire prolongée de nos clients au détriment de leur liberté et ce, en dépit des demandes motivées de liberté introduites devant les juges compétents. Le même code, en ses articles 200 et 1050, reconnaît aux prisonniers le droit de communiquer avec le monde extérieur et de disposer du temps et des facilités pour préparer leur défense.

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques prévoit aussi que toute personne accusée d’une infraction pénale a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes :

1 – Disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et à communiquer avec l’avocat de son choix ;

2 – De se faire assister à son procès par un avocat de son choix ;

3 – De recevoir des visites (Avocats, famille et amis) et d’être en contact avec le monde extérieur à condition de respecter les exigences de sécurité de la prison (lettres, visites, téléphones, livres, journaux, permission de sortie, médias et toile mondiale).

De ce qui précède, la déclaration du Ministère de la Justice n’apporte rien de nouveau en dehors de ce qui est prévu par le Code de procédure pénale et les instruments juridiques internationaux.

En réalité, compte tenu du contexte sanitaire, politique, économique et social qui prévaut dans notre pays, le Collectif des Avocats pense que le Ministère de la Justice devrait plutôt reconnaître le droit à la présomption d’innocence des détenus politiques et travailler à leur libération définitive ou, du moins, à leur libération provisoire en attendant le procès, conformément à l’article 37 du Code de procédure pénale.

Il reste entendu que sur le plan juridique et factuel, rien ne justifie leur détention provisoire. Au contraire, avec les garanties qu’ils offrent, nos clients sont loin de constituer une menace pour les personnes et les institutions et leur libération avec ou sans contrôle judiciaire ne saurait faire obstacle au bon déroulement d’un procès que le Collectif souhaite juste et équitable.

Fait à Conakry, le 22 mars 2021

Le Collectif des Avocats de la défense

 

 

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