Société: le pouvoir des jambes

Publicité

Les propos de la Miss Guinée 2019, ont fait réagir plus d’un au pays du paradoxe. Choquant certains et motivant d’autres, les commentateurs sont tombés à bras raccourcis sur Mariam Touré, arguant qu’elle aurait dû se taire ou le dire de façon plus voilée à la guinéenne. Pourtant, ses propos sont d’une vérité, certes crue, mais effarante. Mais bien avant cet imbroglio, il y a longtemps que les jambes sont ouvertes en Guinée.

Il y a quelques jours, la plus belle fille de Guinée a remué sa cité lors d’une interview sur les ondes d’une radio de la place. Se référant à une autre Miss Guinée (Hawa Barry, fondatrice de Miss Guinée Amérique du Nord), elle a conseillé ses sœurs du pays à ‘’fermer leurs jambes et ouvrir leur esprits’’.  Cela a créé un tôlé sans précédent et pendant que d’aucuns condamnaient Mariam pour ses propos crus, d’autres la soutenaient vaille que vaille. La bonne nouvelle, c’est que ces deux groupes sont au moins unanimes sur un fait : les jambes ont un grand pouvoir dans ce pays. Elles peuvent ouvrir des portes, débloquer des fonds, ruiner un cadre, ouvrir un stade censé être fermée et j’en passe.

1-Les filles protocoles

C’est une pratique vieille plus que la Guinée. Elle part de l’époque où les administrateurs coloniaux se faisaient ‘’accompagner’’ dans leur sommeil par de jolies femmes triées sur le volet. Ça a fait des enfants africains aux yeux bleus dans certaines contrées du pays.

Mais c’est durant la première République que le phénomène prend de l’ampleur avec la création d’un concept dépoussiéré : les filles protocoles. A chaque fois qu’une autorité centrale faisait le déplacement de Conakry vers les régions, il était accueilli par une horde de belles filles triées sur le volet par les PRL (Pouvoir Révolutionnaire Local) pour rendre ‘’agréable’’ le séjour de ce membre de la révolution. Les villas Sylis étaient ces hauts lieux où ces jeunes filles se faisaient abuser par les grosses pontes du pouvoir sans scrupule au vu et su de tous. Frayeur quand tu nous tiens !

2- Les escortes girls

Ensuite, vint la deuxième République, puis la troisième. Entre les deux, rien n’a changé sur ce point.   Le phénomène s’est encore aggravé tout en se démocratisant. Finie l’heure où l’on craignait les tous puissants membres de la révolution.

Aux oubliettes la peur des villas sylis. A présent, c’est du consentant ou plutôt du ‘’donnant donnant’’ à sens unique. Certaines femmes sont utilisées comme des objets sexuels.

Du  collège à l’université, elles sont harcelées par des enseignants pervers qui ne jurent que sur la libido. Confort de cuissage donne accès aux notes les plus élevées. Les NST (notes sexuellement transmissibles) continuent de contaminer le système éducatif sous l’œil des cadres administratifs qui sont aussi sadiques que le corps enseignant.

Pour décrocher un stage, un emploi, une promotion, il faut donner son corps. Ce n’est écrit nulle part, mais c’est profondément ancré dans les têtes. Certains chefs d’entreprises ou directeurs ne jurent que sur le corps de filles.

Impossible d’ouvrir son esprit lorsque la pauvreté ne laisse pas les jambes fermées. Extenuées, certaines filles cèdent. Se donnent.  Et cela les procure une telle force au sein de la hiérarchie qu’elles peuvent faire nommer un tel ici et dégommer un autre là. Dans certains départements ministériels et entreprises privées, elles sont craintes comme Ebola.

Dans certains ménages pauvres où le père ne travaille pas ou plus, avec de nombreux enfants à sa charge, ce sont elles qui supportent les lourdes charges de la famille.

Donc, Miss Guinée a dit tout haut ce qui se passe tout bas. C’est triste certes, mais c’est la dure réalité qui n’est d’ailleurs pas propre à la Guinée seule.

Pour faire l’inverse de ce qu’elle demande, il faille chasser tout un système.

Alpha Oumar DIALLO

Publicité