Quelle explication pour un speech du général sinon que l’appétence d’exister !

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La bande à Lamine Guirassy de la radio Espace, au compte de son émission phare, a misé gros. S’offrir un speech du Général Sékouba Konaté n’est pas mal comme coup pour finir la saison en beauté et s’assurer de son statut de média prescripteur. Nous avons été nombreux à écouter en direct ou en rediffusion l’interview. Moult commentaires ont été faits de ce scoop. Aussi divers, les avis s’accentuent sur deux aspects. Le premier est en lien avec l’opportunité pour le Général de se prêter à un entretien exclusif dans un contexte qui du moins ne s’y prêtait pas tout à fait. Le second, discute la pertinence de la démarche même de la radio Espace, lui accorder la parole. Essentiellement donc, il s’agit dans ce billet, de répondre à ces deux questions.

L’ancien président de la transition, n’est sans doute pas à sa première apparition médiatique depuis qu’il a quitté les affaires en 2010. Symétriquement, à la fonction qui a été la sienne, les sorties médiatiques du Général ont toutes les fois fait le buzz. Les politiques comme cette fois, se sont toujours exprimés. Il reste cependant un constat général : les propos recèlent d’une déconvenue qui frise l’ambivalence au point que les uns encensent tantôt et les autres incriminent au suivant.
Les discours sont à chaque fois des réquisitoires alors qu’en principe, ils se devaient républicains. En terme de contenu, ils restent d’une certaine légèreté alors qu’un tel exercice suppose une minutieuse préparation, mais surtout cela doit être inspiré par une seule envie – apporter du nouveau au débat public. Outre ce pan de la chose, les forces politiques en présence ne se prêtent pas assez en sa faveur lorsqu’il évoque la problématique de la transition de 2010 ; difficile de concilier une opinion aussi rétive et partagée sur son rôle qu’il tente d’amoindrir. Or, dans une situation comme celle-ci, même s’il essaie, de bonne guerre, tant bien que mal d’exister dans l’espace public, la stratégie se révèle euphémique parce que les acteurs ne s’y accommodent pas tous.

Nonobstant, la question de l’opportunité et de la pertinence pour la radio Espace de lui accorder l’entretien, est naturellement une posture très prisée des journalistes. Les médias sont du nombre des acteurs qui agissent dans l’espace public. Le champ de production des événements médiatiques reste caractérisé par la logique de l’établissement d’une homologie entre le traitement de l’actualité et les attentes des lectorats, or ces derniers se trouvent de plus en plus, bien que l’espace soit investi par une panoplie d’organes d’informations, tenus loin dans le choix de ce qui doit être considéré comme « information ». Ils s’avèrent, in fine, tout comme contraints à des logiques de fabrication quotidienne d’informations qui ne rencontrent pas tout à fait ou presque, leurs attentes, parce que les centres d’intérêt d’une certaine catégorie dictent la tendance.

La hiérarchisation et la structuration des informations auxquelles se livrent les médias tous les jours, s’opèrent si unilatéralement, que les journalistes semblent occulter ce qui s’impose en fait, aux yeux de certains comme essentiel. Ces inconditionnels des affaires sociales bien distinctes des affaires politiques et mondaines, ne retrouvent pas dans les colonnes des journaux et dans les éditions d’informations « la nouvelle », « le savoir ». Dans le flux d’informations glanées et diffusées, ils ne trouvent pas bien plus que d’une « moindre facture » les informations sur lesquelles les journalistes s’entendent : des événements de premier ordre méritant d’être traités. L’appétence d’une certaine opinion pour les sujets qui conditionnent et affectent leur quotidien et la disparité de vues qui se dégage entre eux et les journalistes quant à ce qui doit être considéré comme de l’ordre de l’information, pose la lutte des classes sociales par rapport aux relations qu’entretienne chaque entité à la politique, ce qui sous-tend des aspirations et des priorités dans le traitement de l’information.

Faudrait-il ne pas appréhender cette façon de faire des médias sous l’angle de la notion d’habitus ou elle serait plutôt la conséquence d’exigences de production et de profit. « L’une des choses les plus importantes pour un homme est son public, ou le choix qu’il peut faire entre les divers publics auxquels il peut prétendre, et par lesquels il cherchera à être reconnu », écrivait Everett C. Hughes en 1951. Cette réflexion traduit à bien des égards le travail d’affiliation et d’imprégnation que tentent les médias dans le traitement qu’ils font des faits sociaux. Ce travail passe par les interactions, se conforme, d’une certaine manière, contrairement à ce qu’on prétend, à un souci d’être le plus possible, le reflet des réalités sociales, des luttes et des oppositions. Aussi, bien qu’ils soient assujettis à des contraintes politiques qui déterminent leur ligne éditoriale, ils n’en demeurent pas moins non plus influencés par des exigences en lien avec les formats de production et des normes de rentabilité. Les quelles exigences qui, en fait participent de la reproduction d’un ordre social dominant.


Kabinet Fofana

Analyste politique

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