Primature : la guerre de trois prétendants à la fonction de premier ministre

Publicité
 En ce début d’année, Conakry et l’arrière-pays bruissent d’allégations faisant état d’un futur remaniement ministériel. Des rumeurs qui se fondent tout d’abord sur la perception de l’opinion publique quant à l’efficacité de certains membres du gouvernement. Ensuite, à la base de ces folles rumeurs, il y a aussi, dit-on, des manœuvres ourdies par de potentiels aspirants au poste de premier ministre, tapis dans l’ombre. De potentiels aspirants qui se ramèneraient à trois personnes en réalité.
Tout d’abord, il y a l’actuel locataire du palais de la Colombe, Mamady Youla. Il est certes loin de refléter les immenses espoirs qui étaient associés à sa nomination, début 2015. Manquant de charisme et de personnalité, il se contente de gérer le quotidien. Aucune initiative de sa part. Pour autant, on ne peut pas être certain de son départ. Parce que sa tendance à la soumission et son côté effacé sont deux critères qui pèsent dans le choix des collaborateurs d’Alpha Condé. Régnant plus qu’il ne gouverne, le président guinéen n’a jamais voulu d’un collaborateur susceptible de lui faire ombrage. Or, lui-même n’est pas franchement brillant. C’est ainsi qu’après avoir renvoyé un certain Mohamed Saïd Fofana, il n’avait trouvé que Mamady Youla. Du coup, il est bien possible qu’Alpha Condé renvoie quelques membres du gouvernement. Mais le départ de Mamady Youla n’est pas en soi garanti. Parce qu’à coup sûr, il ne sera pas évident de trouver pire que lui.
Un autre postulant plutôt déclaré, c’est Tibou Kamara, le conseiller personnel d’Alpha Condé. Il semble même que c’était là une des garanties qu’il avait obtenues du président de la République. Malheureusement, pour une raison peu évidente, les choses ne se sont pas passées comme prévues. Peut-être que ses liens avec Cellou Dalein Diallo le rendent suspect aux yeux du chef de l’Etat. Pour autant, ne se décourageant point, il ronge ses freins et joue au sapeur-pompier en attendant un signe de la providence. Donc, il ne renonce pas à ses ambitions. Ayant l’oreille du chef de l’Etat, il s’efforce, à travers chacune de ses interventions pour calmer les crises internes ou pour représenter Alpha Condé à l’extérieur, de démontrer à ce dernier qu’il lui est indispensable. Parallèlement, il met à profit ses contacts dans la presse pour mettre à nues les carences du gouvernement. Intelligent et rusé, il mène sa bataille avec discrétion. Jusqu’ici, la stratégie ne s’est pas révélée franchement payante. Mais Tibou Kamara ne désespère toujours pas.
Les enjeux politiques se jouant des affinités, le troisième postulant n’est autre qu’Ibrahima Kassory Fofana, lui-même très proche de Tibou Kamara. Tout-puissant ministre d’Etat à la présidence de la République en charge des investissements et du partenariat public-privé, le leader du parti Guinée pour tous (GPT) est des plus gros coups dernièrement réalisés par Alpha Condé. A la différence de ses deux concurrents, Kassory Fofana est moins affiché. Trainant la fierté moryanaise, il ne veut surtout pas donner l’impression de se battre pour le poste de premier ministre. Dans la mesure où il souhaiterait obtenir du président de la République sa bénédiction pour 2020, au cas où ce dernier ne postulerait finalement pas. Mais dans les faits, il s’ingénie à mettre en évidence une stature et un sens de management qui manquent tant à l’actuel premier ministre. Ainsi, en septembre dernier, il fut le premier à annoncer l’obtention de l’accord-cadre conclu avec la Chine, assorti de la promesse des 20 milliards de dollars américains. Mais comme avec Tibou Kamara, Alpha Condé semble avoir quelques doutes. Il est vrai que Kassory Fofana n’est pas non plus homme à se contenter du rôle de figurant.
Très loin de tout ça, Sidya Touré observe toutes ces manœuvres avec un brin de sourire. Lui qui ne sait plus quoi faire d’Alpha Condé, avec sa très forte tendance à brouiller les pistes.
S. Fanta  
Publicité