Naité, l’argent et le peuple

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Le ministre des Travaux publics se trouve au sein d’un imbroglio financier sans précèdent qui promet de faire couler beaucoup d’encre et de salives dans les jours à venir. Cette affaire qui s’apparente plus à une tempête médiatique qu’à une enquête sérieuse est le résultat de 10 ans de gestion chaotique crée, nourrie et entretenue par le Président Alpha Condé. De cette énième affaire de corruption, comme toutes les autres qui l’ont précédée et qui viendront, un seul accusé doit être déclaré coupable : le peuple de Guinée.

La polémique ne cesse d’enfler depuis la publication des photos d’une somptueuse villa dans le résidentiel quartier de Lambanyi, qui appartient à Moustapha Naité, ministre des travaux publics. D’abord distillée comme une rumeur, l’information a finalement été confirmée par le principal concerné qui dit avoir acquis le terrain avec la bénédiction de son beau-père, le richissime homme d’affaires Alseny Barry. Quant à la villa cossue, Naité l’aurait construit avec ses maigres moyens pendant plus d’une décennie, comme il l’affirme lui-même.

D’autres facteurs moins défendables sont avancés par le ministre dans son post. Inutile de s’attarder là-dessus. Laissons notre belle et honnête justice s’en occuper. Elle vient soudainement de se réveiller de son coma.

Patrimoine sainement acquis ou fruit d’une corruption à grande échelle, l’affaire de Moustapha Naité va au-delà d’une simple question de maison pour  interpeller notre sens critique de l’analyse.

Tant pis si cela choque ses fanatiques zélés qui bavent sur les réseaux sociaux en voulant défendre leur bienveillant « grand » alors qu’ils devraient retourner à l’école et apprendre les basiques de l’argumentation et de la grammaire. Que dire de ces journaleux qui, toute honte bue, sapent les fondamentaux de la sacro-sainte impartialité qui est l’essence même du métier de journaliste.

N’en déplaise aussi à ceux qui tirent à boulet rouge sur le ministre comme si c’était le premier à être cité dans des histoires de corruption ou pire. Malades de cécité sélective, ils tolèrent et avalisent les tueries de X, les vols et détournement de Y, mais s’insurgent contre le FNDC ou ce Moustapha Naité.

Des deux camps, voici la seule et implacable vérité : le ministre Moustapha Naité est fautif par principe. Fautif d’avoir appartenu pendant plus de 5 ans à un gouvernement kleptocrate qui a dilapidé sans vergogne nos deniers publics et favoriser l’endettement abyssal de notre pays. Il est fautif de s’être tu sur les près de 500 morts de décompte macabre à l’actif de cet Etat vampire qui ne se nourrit que du sang de ses citoyens. Il est fautif d’avoir accompagné le belliqueux Alpha Condé dans son projet suicidaire de violation de la Constitution en vue de s’éterniser au pouvoir.

Bref, il est fautif d’être Alpha. Ce premier niveau de responsabilité suffit à retirer tout soutien à monsieur Naité qui se dit être jeune, mais se tait lorsque des jeunes sont abattus en longueur de journée par le système auquel il appartient depuis 5 ans. S’il était vraiment jeune, il aurait quitté le navire à la première vague de bavure et de corruption qui secouerait celui-ci. Non il est resté. Le simple fait de se cloitrer derrière l’engouement des uns et des autres à vouloir occuper son poste de ministre des TP suffit à retirer tout crédit à Moustapha Naité.

La première préoccupation d’un mandant est la satisfaction de ses concitoyens aux vus des actes qu’il pose même si cela ne dure qu’une journée. Ne sait-il pas qu’un ministre ça se remplace du jour au lendemain ? Qu’il demande à Sékou Pimpon Condé, ministre de l’énergie pendant 24 heures dans le gouvernement mort-né de Cellou Dalein Diallo en avril 2006.

Pour revenir au cas présent, le peuple doit suffisamment comprendre que les querelles intestines du RPG arc-en-ciel ne doivent nullement nous amener à nous distraire de l’objectif fondamental qui est de défendre les intérêts de notre et pays. Et cette affaire en est une. Elle n’est que le résultat d’une instabilité chronique qui a toujours gangrenée ce parti-Etat, mais que l’argent public a réussi à masquer au sommet. On ne parle pas quand on a la bouche pleine dit-on.

Dans cette affaire, la justice doit sévir en toute impartialité. Mais nous pouvons continuer à rêver non ? Les procureurs sont trop occupés à museler et à coffrer les militants du FNDC. D’autres cas similaires, parfois plus rocambolesques ont été dénoncés ici sans que le procureur ne se bouge. Palladino, les 700 millions de dollars de Rio Tinto, les 4 milliards de FCA en transit à Dakar vers une destination inconnue, les 40 milliards de reliquats des examens nationaux, la session du port à Bolloré et Albayrak, la surfacturation du plan de riposte contre le COVID-19 etc.

Aucun de ces scandales n’a fait bouger la justice ni la population. Ce ne sont pas les petits milliards de la villa de Naité qui vont les réveiller ? Alors qu’on nous foute la paix. Qu’ils se bouffent entre eux au RPG, nous n’avons rien à y faire. Il y a longtemps que ce peuple s’est laissé dépouiller par des hordes de bandit. De Conté a Condé, les choses sont allées de mal en pire.

Le coupable de toute cette catastrophe : le peuple de Guinée lui-même. Sa résignation n’a rien de pitoyable puisqu’il s’est mu depuis son indépendance dans la lâcheté, la délation, l’ethnocentrisme, le tribalisme, le mépris de la vérité et la promotion de la médiocrité.

A l’ère du numérique et des réseaux sociaux, rien ne peut être caché. Pensez-vous que ce pouvoir moribond résistera à l’assaut de toute la population de Matoto ou de Ratoma ? Mais une bonne partie des Guinéens a préféré la médiocrité à l’excellence, la sauvagerie à l’Etat de droit, l’ethnocentrisme à l’unité nationale. Les autres se calfeutrent dans leur confort égoïste et se disent neutres. Nous méritons nos dirigeants.

C’est dans l’union sacrée et la détermination que les Soudanais sont arrivés à bout de 20 ans de régime répressif d’Omar El Béchir. C’est dans le même élan que les Algériens sont entrain de reformer leur système politique gangrenée par une élite qui s’était accaparé des immenses du pays. Blaise Compaoré se souviendra encore longtemps de la lutte du peuple burkinabè pour s’approprier de son droit le plus absolu.

Partout où les peuples exigent des résultats de leurs dirigeants, il existe un minimum de transparence dans la gestion de la chose publique.

Au moment où les sociétés civiles sont entrain de remodeler les systèmes de gouvernance en pesant fort dans la gestion de leurs Etats respectifs, la Guinée recule, bascule dans l’ignominie et le dégoût de son prochain. Incapables de parler d’une même voix face à nos bourreaux qui volent notre vie et hypothèque l’avenir de nos enfants. Les peuples doivent être exigeants et les mandants doivent rendre des comptes.

Le Watergate a forcé le président Richard Nixon à la démission en 1974 alors que l’internet civil n’était même pas encore né. Mais la peur de la loi et surtout le jugement de l’opinion publique a eu raison de l’homme le plus puissant du monde d’alors.

L’affaire Monika Lewinsky a failli coûter aux démocrates le mandat de Bill Clinton alors que les sous les tropiques, ces pratiques sont légion et inscrites dans l’ADN des gouvernants.

L’affaire des diamants du dictateur Bokassa a coûté à Valery Giscard d’Estaing son deuxième septennat à la tête de la France. D’autres peuples ont  suivi le même chemin et ont montré que la gestion de la république c’est beaucoup honneur, un peu de privilège et surtout un lourd fardeau.

Au peuple de jouer.

Alpha Oumar DIALLO

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