Maroc : après « l’enfer libyen », oujda, ville-étape des migrants soudanais

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P lus de 300 migrants soudanais sont arrivés, il y a trois semaines, dans la ville marocaine située près de la frontière avec l’Algérie. Une grande partie a fui les prisons libyennes, véritable « enfer sur terre ».

Depuis trois semaines, ils tentent de survivre dans les rues d’Oujda. Certains dorment sur les trottoirs, à même le sol, ou sur des terrains désaffectés. Les plus chanceux ont trouvé refuge dans l’église de la ville ou chez les habitants. Au total, près de 330 exilés, originaires du Soudan et du Soudan du Sud, sont arrivés dans la ville marocaine ces derniers jours.

Âgés de 16 à 26 ans, la plupart ont pris la route la première fois depuis les villes de Khartoum, d’Omdourman, ou de villages du Darfour. D’après Hassan Ammari, membre de l’Association d’aide aux migrants en situation difficile (AMSV) à Oujda, l’ensemble des 330 personnes se distingue en fait en deux groupes. « Les premiers sont des migrants de retour de Nador, où ils ont été refoulés après avoir tenté d’entrer dans l’enclave espagnole de Melilla », explique le militant. Les seconds viennent, eux, directement de Libye.

« Beaucoup ont fui les prisons libyennes de Zouara, Zaouia, d’Abu Salim à Tripoli ou de Bani Walid, après y avoir passé entre quatre et 18 mois. Certains y sont même restés enfermés pendant trois ans. Dans les conditions inhumaines et les souffrances quotidiennes que l’on peut imaginer ».

D’après les témoignages recueillis par l’association, les migrants ont vécu en Libye « l’enfer sur terre ».  » Et beaucoup n’ont pas été épargnés non plus par les mauvais traitements des garde-côtes libyens, alors qu’ils tentaient de traverser la Méditerranée vers les îles italiennes », ajoute Hassan Ammari.

« L’objectif, c’est toujours l’Europe »

Sans échappatoire en Libye, les exilés ont donc mis le cap de l’autre côté du continent, direction le Maroc. « Certains passent par le sud de la Libye, et vont directement en Algérie par le désert pour rejoindre Alger, Oran puis Oujda. D’autres traversent le pays par l’ouest, pour transiter à Zarzis, en Tunisie. Pour ensuite passer, eux aussi, par l’Algérie ».

Dernière étape alors pour les exilés : la frontière marocaine, où ils profitent, selon Jamila Barkaoui, professeure à la faculté de Droit d’Oujda, du « laxisme des autorités algériennes qui ferment les yeux […] dans un contexte diplomatique marqué par des tensions » avec le Maroc, assure-t-elle dans le journal marocain Libération.

Mais l’arrivée à Oujda ne signe pas pour autant la fin de leur voyage vers l’exil. « Très peu de migrants soudanais souhaitent s’installer au Maroc. Dans leur tête, l’objectif, c’est toujours l’Europe, affirme Ali Zoubeidi, chercheur spécialiste des migrations. Une partie fait route vers Nador et Béni Ensar pour forcer le passage et demander l’asile à Melilla, les autres prennent la direction de Tétouan, pour essayer d’atteindre Ceuta ».

En attendant de poursuivre leur chemin, Oujda fait office de ville-étape, où se concentrent les refoulés de Melilla et de Ceuta, et les survivants de « l’enfer libyen ».

Ville frontière avec l’Algérie voisine, la commune marocaine abrite depuis plusieurs années des migrants venus de tout le continent. Aux côtés des Soudanais, patientent de nombreux ressortissants d’Afrique de l’Ouest et centrale.

Ces exilés arrivent par vagues successives, selon les situations en cours dans ces pays. « En 2009 et 2010 » par exemple, au plus fort de la crise politique en Côte d’Ivoire, « de nombreux ressortissants ivoiriens sont arrivés à Oujda », affirme Hassan Ammari. Même situation en 2011, après le déclenchement du conflit en Syrie. En 2017, lorsque le scandale des migrants africains vendus comme esclaves a éclaté en Libye, « beaucoup ont modifié leur trajectoire et ont fait route au Maroc », assure de son côté Ali Zoubeidi.

Malgré cela, dans la ville frontalière, leur quotidien est toujours aussi difficile. Du côté des autorités marocaines et des institutions internationales, « rien n’a été prévu pour accueillir dignement ces personnes », regrette Hassan Ammari. Une situation qui s’applique d’ailleurs à l’ensemble de la région, où « la situation des voyageurs est encore extrêmement précaire », affirme un rapport d’Alarm Phone. D’autant plus que la majorité des 330 Soudanais souffre de blessures et de pathologies diverses. « Certains, en tentant d’escalader la clôture de Melilla, se sont faits des fractures au niveau des jambes et des mains », alerte AMSV dans un communiqué.

« Nous, tout ce qu’on peut leur donner, c’est un kit de soins avec des produits d’hygiène et une brosse à dents. Et pour reprendre des forces, quelques dattes. Mais c’est bien insuffisant », déplore Hassan Ammari… Lire la suite ici

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