Lutte pour la démocratie : non, ousmane sonko n’est pas ousmane gaoual

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La semaine dernière a fait vaciller le régime de Macky Sall et a étrangement fait ressembler le pays de la Téranga à son grand voisin du sud. Une certaine République de Guinée. Mais attention à aller vite en besogne, le Sénégal n’est pas la Guinée.

Le 3 mars 2021, la tension est montée d’un cran au Sénégal après l’interpellation d’Ousmane Sonko, un des farouches opposants au président Macky Sall. Alors qu’il se rendait à la justice de Dakar pour répondre à la convocation du parquet pour des accusations de viol, l’opposant a été cueilli par les forces de l’ordre et s’en est suivi des journées d’une violence rare comme le Sénégal n’en a jamais connu depuis 11 ans.

En attendant que la justice sénégalaise ne tranche, les interrogations vont bon train sur l’avenir de ce pays réputé pourtant pour son calme, son encrage démocratique et son dynamisme économique.

Que se passe-t-il ? Le régime de Macky se durcissait-il au point de s’immixer dans le fonctionnement de la justice ? Le pouvoir dakarois serait-il à son tour tenter par les sirènes révisionnistes et anti-démocratiques qui sévissent déjà chez son voisin guinéen et en Côte-d’Ivoire ?

Après les condamnations de Karim Wade, fils de l’ancien président Abdoulaye Wade et de Khalifa Sall, ancien maire de Dakar, cette question mérite tout son pesant d’or.

Si le cas Sonko n’avait pas pris ce tournant décisif ce lundi 8 mars 2021, par sa libération sous contrôle judiciaire et le discours de Macky Sall le même jour, nous serions fortement tentés de faire le lien entre le chaos au Sénégal et la chienlit chez son grand voisin du sud. Mais non.

Une fois encore, les sénégalais ont prouvé que la  ressemblance entre leur pays et la Guinée s’arrête peut-être à l’appartenance commune au continent africain ou à l’écrasante majorité musulmane de leurs populations.

Sinon au plan du respect des institutions et du peuple, guinéens et sénégalais sont comme sahéliens et esquimaux. Et c’est là où le bât blesse. Les crises de cette nature sont légion en Guinée. A tel point que nous avons fini pour nous y habituer.

Le comptage macabre ne s’arrête pas, mais cela semble ne choquer plus personne. Alors que le Sénégal s’enflamme pour la brève arrestation d’un opposant et la mort de 4 personnes, la Guinée affiche plus de 200 personnes mortes abattues dans les manifestations politico-sociales depuis l’avènement d’Alpha Condé au pouvoir. Ne comptons pas les milliers de blessés et ceux qui perdent tout dans la destruction de leurs biens ou ces femmes enlevées et violées par des éléments des forces de l’ordre.

Autant les sénégalais se lèvent comme un seul homme contre ce qu’ils appellent « l’injustice », autant les guinéens accompagnent toutes les tares qu’une société humaine peut avoir.

Nous sommes tellement résignés et divisés que le président nous nargue et nous rit à la barbe en nous qualifiant de tortues. Même si le cas Ousmane Sonko est loin de connaitre son épilogue, nous sommes certains que sa partie nocive à la démocratie, aux droits de l’homme et à l’unité du Sénégal est rapidement épurée et évacuée.

Pour l’amour de la patrie, des acteurs non négligeables de l’affaire Sonko ont fait des choix responsables en prenant des positions claires. C’est le cas du gendarme qui avait en charge le dossier de la plainte d’Adji Sarr, cette masseuse qui a porté plainte contre Ousmane Sonko pour viol et menace de mort.

En pleine crise, cet homme en tenue décide de démissionner dans son poste avant de charger l’Etat sénégalais qu’il accuse de tirer les ficelles de cette affaire.

Le 8 mars, c’est le médiateur de la République du Sénégal, Alioune Badara qui, dans un long discours demande au président de la République « d’écouter la jeunesse et d’arrêter de les menacer et de les terroriser ».

On en rirait à Conakry. La capitale d’un Etat où  le médiateur a été appelé, à un moment donné,  toute une communauté à se cantonner dans le commerce informel et laisser les autres diriger le pays. Son successeur, Mohamed Saïd Fofana, pourtant réputé fervent musulman et pacifiste, ne fait pas mieux. Malgré tous les dégâts causés par le 3eme mandat de son mentor, il ne brochera pas un mot et restera aussi silencieux qu’un bois. Malgré leur nombre important et l’aura qu’elles ont, aucune autorité morale guinéenne n’a daigné dire ses vérités au Chef de l’Etat alors que des centaines de personnes mourraient dans les manifestations et d’autres meurent encore en prison.

Au Sénégal, pendant que la rue grondait, la diplomatie sécrète était déjà en branle pour trouver une issue salutaire au chaos. De puissants chefs religieux ont appelé le président Sall à intervenir pour calmer la situation. Ces religieux même qui avaient mené les tractations pour réconcilier le président Macky Sall et son prédécesseur lors de l’inauguration de la plus grande mosquée d’Afrique de l’Ouest en 2020. Résultat, un pays redevenu tranquille pour le moment, un président qui appelle son peuple au calme et promet d’indemniser les familles des victimes et de prendre en charge les blessées.

Ousmane Sonko est placé sous contrôle judiciaire, mais évite le cachot. Pendant ce temps Ousmane Gaoual Diallo, l’autre farouche opposant au régime d’Alpha Condé et ses  frères politiques de l’UFDG ainsi que certains alliés de ce parti croupissent depuis plus de 5 mois à la maison centrale de Coronthie sans aucune forme de procès.

Qu’a fait le médiateur guinéen ? Qu’ont fait les autorités morales du pays ? RIEN.  Le peuple, excédé par 10 ans de violences et de famine, a fini par céder sous les bottes de la dictature.

La chance d’Ousmane Sonko d’être libéré temporairement et le malheur d’Ousmane Gaoual de croupir depuis des mois en prison sont-ils liés à leurs nationalités respectives ?

En tout cas, le développement des évènements et l’allure qu’ils prennent prouvent à suffisance la maturité du peuple sénégalais à celui du peuple guinéen.

Comme on le dit, la Guinée n’est pas le Sénégal. Ousmane Sonko n’est pas Ousmane Gaoual.

Alpha Oumar DIALLO

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