Limogeage de keira : volonté d’apaisement ou signe d’agacement du régime ?

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Le remplacement d’Alpha Ibrahima Keira par Albert Damantang Camara à la tête du ministère de la sécurité serait-il un signe de fléchissement du régime d’Alpha Condé dans ce contexte tendu ? La différence de méthode entre les deux hommes et l’opportunité du décret en disent long sur ce changement.

La nomination d’Albert Damantang Camara en qualité de ministre de la sécurité, en remplacement d’Alpha Ibrahima Keira rappelé au garage du gouvernement (le lot de conseillers à la Présidence) le soir du lundi 11 novembre 2019, a surpris plus d’un.

Dans un contexte sociopolitique tendu, nombreux sont les observateurs qui ont pensé que la ligne dure adoptée par le régime de Conakry allait encore faire long feu. Mais à la surprise générale, le Chef de l’Etat a rappelé un de ses fidèles lieutenants pour tenir la barre de ce ministère mangeur d’hommes. Car, ce département a vu passer à sa tête plusieurs ministres depuis 2010 dans une moyenne de deux ans. Ce qui fait preuve d’une instabilité au niveau d’un département ministériel.

Mais le dernier est un bleu en matière de sécurité. A vu d’œil, on comprend tout de suite qu’il n’est pas là pour siffler la fin d’une quelconque recréation ou tuerie. Un célèbre journaliste disait dans une émission de grande écoute que le ministère de la sécurité n’était pas le bon pour Albert. Trop raffiné pour être parmi la flicaille. Trop bon communicant pour chapeauter des ‘’baffoeurs’’  de la loi.

Damantang  est bon ailleurs, mais pas à Coléah. Pourtant, à voir de plus près, c’est un des rares cadres du RPG à pouvoir se faire entendre dans l’autre camp. Son prédécesseur avait touché le plafond de la violation des droits de l’homme et avait publiquement mis sur la scène son incompétence à sécuriser les Guinéens et leurs biens. Il l’a lui-même reconnu sur une radio de la place.

Les deux hommes sont radicalement différents. Albert est un ancien du RPG tandis que Keira un militant zélé de la 25eme heure qui, il y’a encore quelques années pourfendait le parti qui le nourrit aujourd’hui.

D’entrée de jeu, Keira déclarait que la recréation était terminée. A vrai dire, on ne savait pas de quelle recréation il parlait. Pensait-il aux marches incessantes de l’Opposition ou de la pagaille qu’il y’a au sein de ce ministère ? On n’a pas tardé à le savoir.

Dès son entrée en fonction, les manifestations politiques sont interdites sur toute l’étendue du territoire. Ceux qui vont à l’encontre de la mesure sont sévèrement réprimés. Jusqu’à ce chiffre macabre de près de 20 morts depuis juillet 2018.

Keira desservait plus qu’il ne servait. Pour preuve, on l’a privé de parole durant toutes ces semaines chaudes pendant lesquelles le FNDC et l’Etat se sont montré leurs biceps.

En lieu et place du ministre de la sécurité, c’est celui de l’administration du territoire qui vient jouer au communicant. Parfois avec de piètres résultats et de chiffres contradictoires. Où était passé Keira, lui le patron de tous les policiers et auxiliaires de sécurité ? L’homme agaçait.

Son successeur tranche complètement avec lui. Damantang est connu pour sa modération, sa pondération et une certaine humilité. Il n’est pas fanatique et reconnait les échecs de ses camps. Apprécié même par le Chef de file de l’opposition avant cette nébuleuse de referendum.

L’homme tranche le jour même de son investiture en observant une minute de silence à la mémoire de tous les disparus des violences politiques en Guinée. Un signal fort.

Les observateurs retiendront surtout ce passage de son discours : «Je ferais en sorte que chaque Guinéen, en se couchant le soir, se sente en sécurité dans notre pays et apprenne à respecter la loi.» Si seulement son propre camp pouvait le comprendre.

La nomination d’Albert Damantang vient donc apporter un peu de colombe au sein d’une mouvance recomposée de faucons, prêts à en découdre avec le camp d’en face.

Serait-ce un clin d’œil d’Alpha au FNDC pour un éventuel dialogue et à la mouvance pour qu’ils mettent de l’eau de leur ‘’bissaps’’?

En toute franchise les vrais ennemis du Président se trouvent dans son propre camp. Il y a comme une minorité qui tient mordicus à salir son bilan pendant qu’il tend vers la fin de son mandat.

Car le jeudi 14 novembre 2019, après plusieurs marches sans incident, la manifestation du FNDC tourne au drame. Deux morts et plusieurs dégâts matériels dont un bus de la Sotragui incendié. C’était le baptême de feu de Damantang à la tête de notre place Beauvau.

Qui a intérêt à ce qu’il échoue ?

Alpha Oumar DIALLO

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