Le constitutionnalisme du professeur zogbelemou ou l’inféodation du juridisme à l’autocratie

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Une analyse objective de La Tribune du professeur Zogbelemou permet de mettre en évidence l’absence de rigueur intellectuelle de celui-ci et son inféodation au pouvoir de plus en plus autocratique du président Alpha Condé. 

Dès lors, on est en droit, en tant que citoyens, de s’interroger à la fois sur la légitimité et la crédibilité de son discours.

Le professeur Zogbelemou a fait preuve de paresse intellectuelle dans sa tribune

 Par paresse intellectuelle j’entends l’incapacité d’un intellectuel, un professionnel de la pensée critique, à :

– être assertif, sans craindre les aspects peu agréables que cela peut revêtir ;

– éclairer ses positions avec des lumières claires, sans ambiguïté aucune, afin d’éviter au lecteur ou à l’auditeur toute interprétation approximative ou passionnée ;

– résister à la tentation dévorante de l’affection et de la passion.

Un seul de ces éléments suffit pour faire preuve de paresse intellectuelle, la réunion de tous les trois n’étant pas nécessaire.

La stature de l’intellectuel lui confère à la fois une fonction pacificatrice et un devoir à la prudence et à la réserve.

L’intellectuel n’a pas de devoir moral par nature. Mais il peut l’avoir par fonction.

L’intellectuel n’est pas un individu ordinaire. Sa notoriété lui conférant une situation sociale et un droit aux médias privilégiés, l’impact potentiel de son discours sur la stabilité ou non d’une société, qui en est réceptive, est accru.

Tout intellectuel qui feint de méconnaître ces notions élémentaires de l’intellectualisme est, sans peut-être le savoir, un criminel.

Bernard Henry Lévy (BHL), éminent philosophe français contemporain, est l’archétype de l’intellectuel criminel. En raison de son imprudence coupable et la méconnaissance de sa fonction sociale, il a précipité la Libye dans l’abîme de la terreur.  Pour mémoire, BHL est celui qui a convaincu le président Nicolas Sarkozy, fin 2010, de la nécessité d’une intervention militaire en Libye.

De même, Brenton Tarrant, l’auteur de l’attentat meurtrier de Christchurch, en Nouvelle Zélande indique, à travers son manifeste « The Great Replacement », avoir été influencé par les théories de l’intellectuel Français Renaud Camus.

Les propos d’un intellectuel peuvent donc avoir des conséquences dramatiques. C’est pourquoi, l’intellectuel avisé doit contrôler ses propos, en évaluer la portée et l’impact avant de les tenir.

Le manque de rigueur intellectuelle que j’assimile, par fantaisie assumée, à ce que je qualifie de paresse intellectuelle, est également assimilable au manque d’honnêteté intellectuelle.

Malgré les risques que présente son discours sur la stabilité de notre pays, le professeur Zogbelemou a décidé de prendre position en faveur de l’adoption d’une nouvelle constitution.

Rejetant les dispositions des articles 152 et 154 relatives aux conditions de révision de la constitution du 7 mai 2010, le professeur Zogbelemou pour se défendre, s’appuie sur l’article 51, qui stipule ceci :

« Le Président de la République peut, après avoir consulté le Président de l’Assemblée Nationale, soumettre à référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur la protection et la promotion des libertés et droits fondamentaux, ou l’action économique et sociale de l’Etat, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité.

Il doit, si l’Assemblée Nationale le demande par une résolution adoptée à la majorité des deux tiers des membres qui la composent, soumettre à référendum toute proposition de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics ou concernant les libertés et les droits fondamentaux ». 

En s’appuyant sur l’article 51 de la constitution, le professeur Zogbelemou fait preuve d’une paresse intellectuelle coupable et inexcusable et ce, pour deux raisons :

  • l’article donne clairement le droit au président de la République de soumettre au vote populaire son projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, mais à condition qu’il ait préalablement consulté le président de l’Assemblée Nationale. Or, depuis la fin du mandat des députés guinéens, le 13 janvier 2019, aucune Assemblée Nationale légalement constituée n’est existante en Guinée.
  • La nouvelle constitution est rédigée et prête. Mais ni les partis politiques d’opposition ni les syndicats ni les représentants de la société civile n’ont été conviés à sa rédaction. Dès lors, vous pouvez comprendre que sa légitimité soit contestée par le peuple

Mais à aucun moment, dans sa tribune, le professeur Zogbelemou n’a évoqué ces problèmes qui, pour un juriste normal, seraient pourtant une infamie.

Ayant parlé, tout au long de sa tribune, de droits du président de la République mais jamais des devoirs de celui-ci vis-à-vis du peuple martyr de Guinée, Le professeur Zogbelemou s’est rendu coupable d’irrespect flagrant à l’égard du juridisme et de sa profession.

Le professeur Zogbelemou est également coupable de collusion flagrante avec l’Etat pour oppresser le peuple.

En défendant l’adoption d’une nouvelle constitution, le professeur Zogbelemou s’associe, en effet, à l’Etat pour priver les citoyens guinéens de leur droit élémentaire à l’alternance démocratique. Il se fait le valet du président pour encourager l’autocratie

Ainsi, si l’article 27 de la constitution du 7 mai 2010 reconnaît au peuple ce droit, en limitant la durée totale du mandat présidentiel à 5 ans renouvelable une fois, l’article 108 de la nouvelle constitution le lui supprime, accroissant ainsi les risques d’abus et de dictature.

 Article 27 de la constitution du 7 mai 2010

« Le président de la République est élu au suffrage universel direct.

La durée de son mandat est de cinq ans, renouvelable une fois.

En aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels, consécutifs ou non »

Article 108 de la constitution de 2019

« Il est autorisé à tout ancien Président de la République de participer aux élections présidentielles, à condition qu’il ne soit pas le Président de la République en fonction au terme d’un second mandat présidentiel consécutif, qu’il ne soit pas non plus un Sage du Conseil d’État, et que sa candidature respecte les dispositions des articles 105 et 110 de la présente Constitution »

Mais en soit, pourquoi l’alternance démocratique est-elle si chère au Guinéen ?

La réponse est toute simple, et les éléments de compréhension de celle-ci sont palpables : Alpha Condé parle de son droit divin à modifier la constitution et à rester au pouvoir aussi longtemps qu’il le voudra. Son valet, le professeur Zogbelemou l’y encourage. Mais ni l’un ni l’autre ne parle des devoirs du président de la République vis-à-vis du peuple qu’il gouverne. Or, il n’y a jamais de droits sans devoirs. Nier sciemment cette vérité juridique irréfragable, c’est avouer éhontément sa parjure.

Pour rappel, la Guinée a l’un des IDH (Indice de Développement Humain) les plus bas au monde. Le PNUD, Programme des Nations-Unies pour le Développement, dans son rapport 2018 sur le développement, la classe ainsi 175 sur 189 pays étudiés.

La Guinée est donc un pays très pauvre et la situation des guinéens n’a quasiment guère évolué durant les deux mandats d’Alpha Condé. Ainsi, la proportion des pauvres s’y stabilise à un taux inquiétant de plus de 55% et celle des chômeurs des moins de 35 ans à plus de 60%.

Le devoir du président Alpha Condé était donc, sans nul doute, d’apporter une solution efficace à cette situation inacceptable. Mais hélas, il n’en a pas été capable.

Certes, sur le plan macroéconomique, il y a un signe encourageant : le taux de croissance économique, qui est tombé à 5,8% en 2018 (après s’être établi autour de 10% entre 2016 et 2017) reste à un niveau intéressant. Source : « Guinée – Vue d’ensemble », site institutionnel de la Banque Mondiale, actualisé le 6 mai 2019.

Mais l’institution de Bretton Woods précisant un taux d’inflation de 9,9%, rappelle que « la lenteur des progrès en matière de développement des infrastructures pourrait ralentir la croissance ».

De plus, le professeur Zogbelemou a parfaitement conscience que le taux d’accès des guinéens à l’électricité, à l’eau potable, aux soins, aux infrastructures de transport fait partie des plus bas au monde et que la conséquence directe de cette fâcheuse situation est l’émigration forcée.

Les jeunes Guinéens, quittant familles et amis avec le risque de ne jamais les revoir, bravant les pires menaces (risques d’enlèvements, de naufrages, de tortures, d’esclavage) vont chercher ailleurs une vie meilleure. Ainsi, selon le ministère de l’intérieur Français, la Guinée est le premier pourvoyeur de mineurs non accompagnés à la France, et le premier pays pourvoyeur de demandeurs d’asile après l’Afghanistan.

Alpha Condé n’ayant pas été capable d’apporter des garanties d’une amélioration substantielle du niveau de vie des Guinéens, obligent ceux-ci, qui craignent le risque d’instabilité de leur pays et la confiscation de leur avenir, à lui exiger de ne pas briguer un troisième mandat.

Le professeur Zogbelemou a volontairement omis d’évoquer la corrélation entre l’échec de la gouvernance d’Alpha Condé et l’opposition manifeste des guinéens à toute modification ou changement de la constitution pour lui permettre de rester au pouvoir à vie.

Pourtant, malgré cet échec, les Guinéens sont à la fois prêts à ériger Alpha Condé au rang de figure héroïque et à défendre sa candidature au prix Nobel de la paix. Mais, la seule condition est qu’il, en tant que père de la nation et garant de l’unité nationale, les rassure sur leur avenir en leur disant simplement ceci : « Je ne briguerai pas un 3ème mandat. Je laisse le choix au guinéen d’écrire ou non une nouvelle constitution après mon dernier mandat, en 2020 ».

Pour finir, je demande au professeur Zogbelemou de présenter publiquement ses excuses aux familles de migrants guinéens torturés et réduits en esclavage en Libye ou emportés par les flots impitoyables de la mer méditerranée.

Je lui demande de présenter publiquement ses excuses aux jeunes guinéens qui vivent dans des conditions inhumaines à la porte de la Chapelle, à Paris.

Je lui demande de présenter ses excuses à toutes celles et ceux qui, sous le régime Alpha Condé, ont été privés d’emploi en raison de l’inadéquation de leurs formations académiques aux postes proposés sur le marché du travail.

Je lui demande de présenter ses excuses publiques à toutes celles et ceux qui, sous le régime Alpha Condé, ont perdu un avantage en raison de leur origine sociale (filles et fils de paysans, de familles pauvres n’ayant pas les moyens de corrompre pour accéder aux postes à responsabilité dans l’administration et les entreprises publiques).

Je lui demande de présenter ses excuses aux enfants descolarisés en raison du manque de moyens de leurs familles à subvenir à leurs besoins élémentaires.

Je lui demande de présenter ses excuses à toutes les familles qui ont perdu un membre dans des accidents de la circulation en raison de la qualité désastreuse des infrastructures de transport et le manque de politiques publiques en matière de sécurité routière.

Je lui demande de présenter ses excuses aux familles ayant perdu un membre malade en raison soit de l’inadéquation des soins proposés, soit du manque de médecins qualifiés, ou soit du manque d’hôpitaux de qualité. Dans son article intitulé « quel est l’état de santé de nos chefs d’Etat ?» publié le 29 août 2017, le journal panafricain Jeuneafrique, explique que le président Alpha Condé fait des « exercices chaque jour avec un coach sportif venu des Etats-Unis ». Il précise ensuite que lorsqu’il « passe par Paris, il manque rarement de consulter son ami le Dr Soly Bensabat, spécialiste de médecine préventive et patron de Paris Prévention ». Le professeur Zogbelemou ainsi que le président Alpha Condé ont donc les moyens de se faire soigner dignement, mais pas la majorité des guinéens.

Or, tous les problèmes énumérés ci-dessus sont des atteintes flagrantes aux droits et à la dignité des guinéens évoqués, entre autres, dans les articles 5, 6 et 15 de la constitution du 7 mai 2010

Article 5

« La personne humaine et sa dignité sont sacrées. L’Etat a le devoir de les respecter et de les protéger… »

Article 6

« L’être humain a droit au libre développement de sa personnalité. Il a droit à la vie et à l’intégrité physique et morale… »

Article 15

« Chacun a droit à la santé et au bien-être physique. L’Etat a le devoir de les promouvoir, de lutter contre les épidémies et les fléaux sociaux ».

Sur la base de l’article 15 de la constitution du 7 mai 2010, je demande au professeur Zogbelemou de présenter publiquement ses excuses aux familles des victimes d’Ebola et de demander à l’Etat leur indemnisation.

Ibrahima SOUARÉ 

Responsable Communication du Parti GUINÉE DEBOUT et membre fondateur du FNDC France 

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