La sirène révisionniste résonne de plus en plus fort et le bruit n’est pas qu’assourdissant !

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Le point de vue d’un Pro…fané

A deux ans de la fin du dernier mandat du régime actuel, si les besoins d’une réforme constitutionnelle existent, les motivations fondées sur le principe d’adoption des textes constitutionnels actuel restent très discutable. En plus du fait que ces motivations cachent d’autres envies, le timing me parait assez défavorable.  Mon point de vue sur ce sujet d’actualité se dégage en trois points essentiels :

1 – La pertinence de la principale motivation d’un référendum constitutionnel  très discutable :

Les plus orthodoxes des révisionnistes ont toujours attiré l’attention sur le fait que la constitution actuelle n’ait jamais été soumise à un référendum. Bien que l’alerte soit pertinente, l’on pourrait admettre que la population n’a jamais exprimé ce vœu de revenir sur une constitution adoptée anticonstitutionnellement par la quasi-totalité de son élite politique de l’époque. Ainsi donc, en lieu et place des organisations de la société civile, ce sont les mêmes politiciens (du moins une partie) qui dénoncent l’incohérence de leur dérive de janvier 2010. Au risque de me tromper, aucun sondage actuel dans la population guinéenne ne se prononcera en faveur d’un référendum constitutionnel. Si on restreint la population à l’élite politique comme ce fut le cas en janvier 2010, il sera très évident de constater que seuls quelques politiciens de la mouvance présidentielle sont favorables à un référendum constitutionnel. Pour quelle motivation seraient-ils favorables à un référendum ?

L’envie de révision constitutionnelle nichée dans l’envie de référendum constitutionnel !

Si on adhère au principe référendaire, il me semble plus cohérent de soumettre au référendum l’intégrité (sans aucune modification) du texte constitutionnel actuel, qualifié de constitution du CNT. En effet, bien qu’il ne soit pas voté par la population, ce texte élaboré par l’ensemble de la classe politique et quelques représentants de la société civile, régit notre État actuel et toutes les institutions qui le composent. Que cherchera le juge si le crime est d’une perfection irréprochable, à la fois par le criminel, la victime et la société ?

D’un point de vue très profane juridiquement, avant de s’activer pour un éventuel référendum constitutionnel, il est très judicieux d’être clairvoyant sur le bon fonctionnement des institutions que cette constitution (farfelue) a fait naître, notamment la présidence de la république, l’Assemblée Nationale, la Haute cour de Justice… sauf si une envie de modification constitutionnelle se niche dans cette envie de référendum.

Si tel est le cas, de mon point de vue, les motivations pour une modification de tout ou partie de l’actuelle constitution devraient tenir compte des failles observées dans son application. Mais comment comptons-nous dénicher les failles d’un texte constitutionnel qu’on a partiellement ou pas appliqué? Pour connaître les véritables insuffisances de la constitution, il est très logique d’assurer un fonctionnement de toutes les instances et institutions prévues par cette constitution. Une évaluation objective de leur fonctionnement envisagera ou pas les modifications des paragraphes ou articles non adaptés. Vous conviendrez avec moi que toutes les institutions prévues par la fameuse constitution de 2010 ne sont pas encore opérationnelles voire créées!

2 –Si l’un l’a réussie, l’autre l’essaiera car qui ne risque rien n’a rien

L’histoire retiendra que deux buts ont été visés dans les réformes constitutionnelles à travers le monde. La réforme visant à adapter les textes constitutionnels à l’évolution de la société (vision occidentale) et la réforme visant à adapter les textes constitutionnels aux aspirations politiques de quelques leaders d’opinion (vision tiers-mondiste).

Dans le premier cas, les besoins de réformes font l’objet de débat politique et sociologique, la population est alors bien informée sur le projet. Dans ce schéma dit occidental, le plus souvent, les chefs d’État qui opèrent une révision constitutionnelle, le prévoient avant même leurs élections et l’exécute dans les deux ans qui suivront leurs arrivées au pouvoir. Nous le vivons actuellement en France avec E. Macron. Nous avons vu Jean Luc Melenchon faire de l’avènement d’une sixième république française un point essentiel dans son programme de campagne pour les présidentielles de 2017.

A l’inverse, dans le schéma outre atlantique (second cas), la population ne découvre le sujet que dans un projet prêt pour être soumis à un vote populaire. Au mieux, ce projet est mécaniquement élaboré et ne tient compte d’aucune évolution ou besoin de la société. Au pire le projet est une copie conforme d’un texte constitutionnel d’une autre nation. Tous les chefs d’état (Wade, Kagamé, Deby…) qui ont eu cette envie de briguer un autre mandat par les faveurs d’une révision constitutionnelle, ont planifié de telles révisions à quelques mois de la fin de leur dernier mandat. Si certains s’en ont servi pour briguer juste un troisième mandat (Wade au Sénégal), l’occasion a été très bonne pour certains pour en faire d’une pierre deux ou trois coups, en mettant un terme à la limitation du nombre de mandat (Kagamé au Rwanda) ou la limitation de l’âge (Museveni en Ouganda).

Au jour d’aujourd’hui, la Guinée est très loin du 1er schéma occidental car le candidat Alpha Condé n’a jamais annoncé en campagne électorale (à ma connaissance) qu’il ferait une révision constitutionnelle une fois au pouvoir. Élu en 2010, il n’a jamais affiché une volonté de planifier une révision constitutionnelle alors que le terrain lui était très favorable. Avec les organisations tardives des législatives et communales nous pouvons d’ailleurs admettre qu’il était très répulsif de toute idée de consultation populaire. Ainsi donc, après huit ans de silence et d’inaction, quelques sirènes révisionnistes retentissent du côté de la mouvance présidentielle, à quelques mois de la fin d’un second et dernier mandat. Nous pouvons admettre qu’il existe un risque accru  que ce projet de révision soit une copie conforme de celui déjà exécutée par d’autres régimes (cités plus haut) en fin de mandat. Sans tourner autour du pot, un tel projet de révision se résumerait par l’adaptation de tous les articles en rapport avec la présidence de la république. Ce risque est d’ailleurs concordant avec la prolifération intempestive des panneaux annonçant un troisième mandat dans certaines réunions de sections du parti (RPG Arc-En-Ciel) soutenant le pouvoir actuel.

3 – Le timing est assez défavorable en Guinée pour un référendum constitutionnel

A deux ans de la fin du dernier mandat du régime actuel, en plus d’une CENI en fin de mandat, la Guinée attend une élection législative, en plus d’une élection communale-communautaire truffée de litiges encore non résolus. Élaborer un projet constitutionnel dans cet imbroglio sociopolitique pourrait être lourd de conséquence.

Je conclus donc que les besoins de réformes constitutionnelles existent et doivent attirer l’attention des futurs candidats à l’élection présidentielle de 2020. Le président élu devra engager les consultations en vue d’une reforme dans les premiers mois qui suivront son arrivée aux commandes.

KOÏWOGUI Akoye Massa

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