Guinée:état des lieux de la santé néonatale

Publicité

L’indifférence, l’incompétence, le mépris, tout ceci couronné par le non-respect du serment d’Hippocrate et de la déontologie médicale, sont les traits saillants d’une frange importante des médecins guinéens.

Si les problèmes ne se limitaient qu’à ceux susmentionnés, on croirait certainement à une sortie d’enfer, mais malheureusement le cas guinéen demeure terriblement critique en ce sens que le gouvernement saborde lui-même ce secteur qui, ma foi, demeure l’un de ses rôles régaliens. Pour preuve, le ravage causé par l’épidémie à virus Ebola a magistralement illustré la déliquescence et la chienlit qui caractérisent le secteur de santé guinéen.

Et pourtant, en tout temps et en tout lieu, il a toujours été de la responsabilité des pouvoirs publics d’offrir à leurs populations des conditions de vie meilleure assorties d’un système de santé performant quelles que soient les vicissitudes de l’existence.

La constitution guinéenne en sa disposition 15 précise : « Chacun a droit à la santé et au bien-être physique. L’État a le devoir de les promouvoir, de lutter contre les épidémies et les fléaux sociaux. » ; ce droit peut dès lors être entendu comme l’un des droits fondamentaux les plus proéminents pour le citoyen guinéen.

Dans ce présent écrit, nonobstant la foisonnance des sujets à traiter dans cet important secteur et conformément à l’actualité, mon analyse se bornera à la situation de la santé pré et néo-natale. En effet, en dépit des efforts ou devrais-je plutôt dire, des annonces du gouvernement relatives à la gratuité de la césarienne et à la couverture vaccinale, il n’en demeure pas moins que le constat reste à ce jour assez amer au regard des défis et enjeux qui deviennent de plus en plus manifestes. L’affaire dite ‘’affaire Professeur Sy et le décès des quadruplés’’ qui défraye actuellement la chronique depuis quelques jours, n’est que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Cette affaire parmi tant d’autres ne fait qu’exposer davantage la problématique de la prolifération des cliniques privées surtout clandestines qui, en Guinée, pullulent comme des champignons sortant des terres humides. Il faut, hélas, des situations gravissimes de ce type pour que malheureusement l’opinion en prenne conscience. Par ailleurs, la particularité de cette affaire-ci, réside dans le fait que la clinique du Pr Sy n’en est point à son premier cas d’essai. Cette interview que Madame Sylla a accordée à la direction de Newsguinée.info est illustrative de cette triste réalité.

Lien —>> http://guineeactuelle.com/djenabou-diallo-raconte-sa-mesaventure-a-la-clinique-medicis

En outre, le pays ne compte qu’un seul institut consacré à la santé de l’enfant en Guinée qui est l’INSE (Institut de nutrition et de la santé de l’enfant ndlr) basé à Conakry ; parallèlement à cela, il n’existe qu’une seule école publique de formation des sages-femmes pour toute la république. Suivant ce prisme, à l’aune d’une population d’environ 11 millions d’habitants, les statistiques officielles parlent d’elles-mêmes : · Nombre de sages-femmes : 1 pour 15 000 habitants or selon l’OMS (organisation mondiale de la santé ndlr) il faudrait 1 pour 5000 habitants (EDS 2012) ;

. Taux de fréquentation des centres de santé modernes : 61,4% (EDS 2012) ;

. Taux de mortalité maternelle : 550 décès sur 100 000 naissances ;

. Taux de mortalité néonatale (de 0 à 1 mois pour 1000 naissances) : 20 ‰ ;

. Taux de mortalité post-néonatale (de 1 à 11 mois pour 1000 naissances) : 24 ‰ ;

. Taux de mortalité infantile (de 0 à 1 an pour 1000 naissances) : 67 ‰ ;

. Taux de mortalité juvénile (de 1 à 4 ans pour 1000 naissances) : 46 ‰ ;

. Taux de mortalité des enfants moins de cinq ans : 88 ‰ ;

. Taux de recherche de soins pour les enfants avec des symptômes d’IRA (infection respiratoire aiguë ndlr) : 29,6%

. Taux de traitement antibiotique pour des enfants avec des symptômes d’IRA : 32,6% ;

. Pourcentage d’assistance qualifiée durant l’accouchement : 62,7%.

* Ces données proviennent du rapport final de l’enquête par grappes à indicateurs multiples de « 2016 » réalisée par l’Institut National de la Statistique.

Ces données puisqu’elles sont officielles peuvent et à juste titre, être qualifiées de ‘’baobab qui cache la forêt.’’

Et c’en est loin d’être fini ; car se sont d’autres données que j’appelle ‘’les vraies réalités’’ du quotidien des Guinéens qui viennent s’enchevêtrer avec celles données par les pouvoirs publics qui demeurent les plus patentes. De ce point de vue, on peut entre autres citer :

  • La mauvaise application des textes en matière de santé pré et néo-natale accompagnée d’une impunité manifeste de la part de l’Etat guinéen ;
  • Le manque de couveuses ou de simples oxygénateurs pour les prématurés ou bébés normaux ;
  • Le ratio très faible entre médecin et patient ;
  • Le faible taux de consultation prénatale ;

. La malnutrition et le mauvais usage des produits nutritifs pour nouveau-nés ;

  • L’insuffisance voire l’absence totale de certains produits pour bébés et enfants dans les pharmacies guinéennes ;
  • « L’abandon de poste » des médecins agrégés pour s’occuper de leurs cliniques privées avec pour effet, la titularisation des médecins stagiaires ou de simples infirmiers ;
  • L’exercice de la profession par des individus n’ayant aucune qualification requise ;
  • L’absence de contrôle de l’État sur l’installation et le fonctionnement des cliniques privées (aucune statistique fiable n’est disponible sur la question.) ;
  • La corruption du système sanitaire et le caractère véreux de certains médecins guinéens ;
  • Le manque d’électricité, la vétusté et le manque d’entretien des équipements disponibles dans les centres hospitaliers ;

. La confusion entre le ministère de la Santé et celui des affaires sociales pour la gestion de certains centres à l’image du centre « Jean Paul II » de Taouyah et l’INSE.

Suivant ce constat, on comprend mieux pourquoi, un nombre important de Guinéens nantis partent enfanter à l’étranger et parallèlement, une explication plausible du taux élevé de mortalité infantile s’y trouve également.

Si on n’y prend pas garde, la multiplicité et la vulgarisation des cas comme celui du Monsieur Saïd Nour Guissé (père des quadruplés décédés ndlr) laisseraient présager le début d’une vindicte populaire contre le système de santé guinéen.

De toute façon, pour ceux qui sont encore croyants comme la plupart des Guinéens, il se dit souvent que ‘’Chaque peuple mérite sa gouvernance’’ donc par analogie, je pourrai bien conclure si j’étais fataliste que ‘’les Guinéens méritent leur système de santé’’ et m’arrêter là. Hélas, tel n’est pas mon cas, il faut bien que l’on sorte de ce pessimisme béant et que nous prenions en main les rênes de notre pays. Pour ce faire, l’opinion devra réussir à contraindre l’État guinéen à solder son obligation constitutionnelle en instruisant un dossier judiciaire à l’encontre du Pr Sy et sa clinique à l’effet d’amorcer une véritable révolution dans ce secteur ô combien important pour notre survie.

CHERINGAN

Publicité