Guinée : une rotation de la présidence comme piste de solution aux clivages ethniques?

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La République de Guinée qui a obtenu son indépendance de la France par referendum depuis 1958, sous Sékou Touré de l’ethnie Malinké en Haute Guinée (24 ans au pouvoir), n’a eu que quatre présidents moins celui-ci.

Il s’agit de Lansana Conté (issu de l’ethnie Soussou en Base Guinée) pendant 26 ans, de Moussa Dadis Camara (issu de l’ethnie Guerzé en Guinée Forestière) pendant 1 an, de Sékouba Konaté (issu de l’ethnie Malinké en Haute Guinée) pendant 1 an et d’Alpha Condé  (issu de l’ethnie Malinké en Haute Guinée) depuis 2010.

La répartition ethnique dans le pays est à peu près comme suit : Peuls 40%, Malinkés 30%, Soussous 20%, groupes ethniques en Guinée Forestière 10%.

Pendant les 62 ans d’indépendance du pays, l’ethnie majoritaire peule n’a pas eu de représentation au sommet de l’État, la présidence, pour des raisons dont il est inutile de débattre ici.

SITUATION ACTUELLE DU PAYS

La Guinée a commencé à souffrir dès l’aube de son indépendance à cause des tensions, rivalités et clivages ethniques et régionalistes entre sa population.  Ces tensions ont été continuellement nourries, exacerbées et amplifiées par les politiques de tout bord pour accéder et se maintenir au pouvoir pour leurs intérêts personnels et communautaires.

Actuellement, peuls et Malinkés sont à couteau tiré pour la magistrature suprême du pays, à l’issue de l’élection présidentielle du 18  octobre 2020. Alors que les peuls réclament leur tour à la présidence depuis des décennies, les autres ethnies font la sourde oreille ou balaie cette réclamation d’un revers de main. Pour les Peuls, les guinéens non-Peuls et principalement les Malinkés se sont entendus pour confisquer le pouvoir et les exclure de toute décision nationale majeure.

L’effet direct de ces tensions ethniques et de la frustration de la communauté peule sur le pays et la population tout entière est manifesté par un recul économique sans précédent, un climat d’insécurité totale, un manque criard d’infrastructures de base, une pauvreté mortelle, un taux de chômage astronomique, etc.

Pire, le pays est au bord d’une guerre civile inter-ethnique comme ce fut le cas au Rwanda dans les années 1990 ou au Nigeria dans les années 1960.

PROPOSITION DE DÉBLOCAGE POLITIQUE ET D’APAISEMENT SOCIAL DURABLES

Pour sortir le pays du sombre tunnel dans lequel il a été conduit depuis son indépendance par les régimes successifs, il est impératif d’explorer des voies et moyens qui pourraient conduire à ce noble et crucial objectif.

Pour ce faire, nous pouvons nous référer aux cas du Nigeria où la présidence et le poste de premier ministre font l’objet d’une rotation continue entre le Nord (à majorité Haoussa et Peule) et le Sud (à majorité Yorouba et Igbo) et des projets de loi de rotation de la présidence au Singapour et au Kenya. C’est cette rotation qui empêche le Nigeria de plonger dans une 2ème guerre civile.

Vu les distinctions et singularités majeures des principaux groupements ethniques en Guinée d’une part et du manque  de langue nationale fortement majoritaire qui pourrait cimenter la population d’autre part, il serait sage, judicieux et patriotique de faire une proposition de loi au niveau de la législature guinéenne pour un amendement constitutionnel instaurant une rotation de la présidence et du poste de premier ministre entre les 4 principaux groupements ethniques des 4 régions naturelles. Une telle rotation pourrait être comme suit :

Présidence et poste de premier ministre occupés par des personnes issues de 2 ethnies/régions naturelles différentes pour un mandat unique de 6 ou 7 ans ou 2 mandats successifs de 4 ans chacun. Le 2ème mandat pourrait aller au président sortant à l’issue d’une élection présidentielle nationale dans laquelle tous les candidats seront issus du même groupement ethnique et de la même région que celui-ci.

Ces 2 postes reviendront au même groupement ethnique et à la même région naturelle après 18 ou 21 ou 24 ans selon la durée des mandats (6, 7, ou 8ans).

Pour qu’une telle proposition puisse avoir un très grand support et une forte chance d’acceptation, il faudrait absolument que la rotation commence avec l’ethnie peule de la Moyenne Guinée qui a un grief politique bien fondé.

Ainsi, on pourrait bien espérer voir un déblocage de la crise politique et un amorcement d’un apaisement et d’une quiétude sociale durable en Guinée.

En plus, ceci pourrait garantir l’alternance politique et entrainer une compétition saine entre les présidents successifs pour être le meilleur gestionnaire et bâtisseur du patrimoine national.

Thierno Abdoulaye Diallo

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