Guinée : histoire de la monnaie de 1958 à nos jours (contribution)

Publicité

La rupture brutale des relations entre la France et la Guinée en 1958 dans le processus irréversible des indépendances africaines au début des années 60, mettra la pression sur les nouvelles autorités souveraines du pays face aux énormes besoins de volonté des autorités françaises d’alors de tout mettre en œuvre pour que le pays face amende honorable fût d’entrer insupportable et prohibitif pour un jeune Etat sans expérience en la matière.

Juste après son accession à l’indépendance politique, la Guinée fut confrontée à d’énormes difficultés dont entre autres :

 L’enlèvement des archives ;

 L’arrêt des travaux d’équipement en cours ;

 Gel des avoirs des guinéens ;

 Blocage des marchandises guinéennes à l’étranger ;

 Arrêt des subventions ;

Contrairement à ces nombreux voisins de l’UEMOA dont la monnaie est le Franc CFA, la Guinée a opté pour l’indépendance monétaire depuis 1960 en créant la Banque Centrale et en émettant sa monnaie nationale (le Franc Guinéen).

Cette émission est faite par la BRG (Banque de la République de Guinée) créée pour la circonstance en même temps que la monnaie. La BRG se transformera en BCRG (Banque centrale de la République de Guinée) à partir du 27 juillet 1961 par le Décret n°276/PRG/61. Après sa création, le Franc Guinéen s’est confronté à d’énormes contraintes, de telle sorte qu’elle connaitra 5 reformes monétaires marquées par cinq familles de billets (changements de signes monétaires).

La première réforme monétaire a commencé le 1er mars 1960 avec l’émission des francs guinéens d’alors. L’échange de ces billets se faisait à parité égale avec le CFA. Elle se présentait en billets de 10 000, 5 000, 1 000, 500,100 et 50 et en pièces.

D’un point de vue artistique ces billets comportaient, au recto l’effigie du premier président de la Guinée, et, au verso des motifs différents, selon la réalité économique et culturelle du pays : extraction minière, coiffure traditionnelle, plantation d’ananas ou de banane…

Sur le plan technique leur mode d’impression était simple : à plat ou lithographie, si bien qu’au toucher ils ne présentaient aucune rugosité. De plus, ces billets ne comportaient ni de filigrane, ni de fil de sécurité. Le volume de contrefaçons justifiera à plus d’un titre la mise en circulation d’une nouvelle famille de billets qui, juste après fut aussitôt victime d’un système de piratage des français (inondation du marché guinéen des faux billets) alimentant ainsi la masse monétaire et de surcroit l’inflation.

C’est ainsi qu’en 1963, on a assisté au premier changement du signe monétaire afin de palier à ce phénomène inflationniste. Toutefois, il convient de rappeler que cette technique était de loin l’instrument de la politique monétaire d’alors à côté des autres instruments traditionnels (encadrement de crédit, réserves obligatoires, sélectivité de crédit…).

Cette seconde famille était la première émission faite par la BCRG dans le cadre de la 2ème réforme monétaire, amorcée le 1er mars 1963 : l’échange s’est faite à parité égale avec le franc guinéen émis en 1958 par la BRG. Les billets émis avaient les mêmes caractéristiques artistiques que les précédents, avec cependant un changement de couleur. Sur le plan technique également, on note des changements importants dont entre autre :

 L’introduction des éléments de sécurité que sont le filigrane (la colombe) et le fil de sécurité.

 La réduction de la plus forte dénomination du Franc Guinéen à 5000.

De plus, ce changement persistait à chaque fois que l’on se confrontait au même type de problème. C’est justement ce qui fut constaté en 1965 avec l’introduction des nouveaux billets, puis, en 1972 avec l’introduction du syli.

Il s’agit là d’une monnaie mise en circulation dans le cadre de la 3eme réforme monétaire déclenchée le 2 octobre 1972. Pour cette autre catégorie de billet, l’échange s’est fait dans une parité différentes des autres car, 1 Syli se changeait contre 10 FG. Elle se présentait en billets de 100, 50, 10 syli et en pièces de 50 cauris. Sur le plan artistique, on note un changement : le portrait du premier Président cède la place aux Héros africains de la lutte contre la colonisation : s’y côtoient entre autres Samory Touré, Alpha Yaya, Béhanzin et Lumumba par valeur faciale décroissante.

Sur le plan technique on note une nette amélioration : outre les éléments de sécurité classique, la taille douce est très remarquable comme le témoigne la sensation de rugosité que procure le billet au toucher.

Par ailleurs, une 2ème famille de syli fut mise en circulation du 16 au 19 avril 1981 dans le cadre de la 4ème Réforme Monétaire. Nonobstant, il est opportun de souligner que cette réforme se déroula purement et simplement selon le principe de l’échange direct et anonyme de tout montant inférieur à 20 000 sylis. Les montants supérieurs à cette transaction devaient être versés immédiatement en compte sans risque de se faire taxer par une amande ; le tout dans le but de dégonfler ou de ponctionner la circulation dans le public afin de lutter efficacement contre l’inflation, mais aussi, de conforter les encaisses bancaires. La 2ème génération de Sylis présente les mêmes figurines que la 1ère, avec seulement des teintes différentes et une dénomination supplémentaire, la coupure de 5 000 à l’effigie de J. B. Tito, premier Président de la Yougoslavie.

En 1984, le diagnostic qui avait été fait après 26 années de centralisation et pilotage exclusif de la Banque Centrale par l’Etat, fut celui d’une faillite à divers niveaux.

 Bureaucratie pléthorique ;

 Déficit publique important et manque de liquidité pour le besoin de l’économie ;

 Dette publique mal structurée

 Baisse de la croissance économique (1%) ;

 Hausse de la croissance démographique (2.8%)

 Secteur privé inexistant

 Une monnaie surévaluée et inconvertible (1 dollar pour 1 syli)

 Un grand mouvement des capitaux.

Pour pallier à ces insuffisances notables, la transition du système institutionnel centralisé vers un régime démocratique fondé sur le principe de la séparation des pouvoirs a été amorcée sous l’égide d’un Conseil Transitoire de Redressement National(CTRN), tout juste à la suite des changements politiques intervenus en avril 1984. Les institutions de la deuxième République se sont fixés pour objectif de mettre en place un Etat moderne et un environnement de coopération interinstitutionnelle favorable au développement d’une économie privée et compétitive.

C’est ainsi, qu’en 1986, la Guinée a assisté à la plus grande réforme qui a vu naitre le libéralisme. Nous pouvons citer entre autre :

 La dévaluation du Franc Guinéen de 92% ;

 La liquidation de l’ensemble des entreprises commerciales de l’Etat ;

 La privatisation des entreprises industrielles (jus de fruits) ;

 La restauration de la Banque Centrale ;

 L’introduction des nouveaux Francs guinéens que nous connaissons aujourd’hui.

Cette nouvelle monnaie est émise au cours de de la réforme du 6 janvier 1986. L’échange s’est fait selon un principe de la double parité :

 Une parité interne égale à 10 GNF contre 1 Syli.

 Une forte dévaluation du GNF comme signalé ci-haut. A compter de ce jour, circulent les coupures : 5 000, 1 000, 500, 100, 50 et 25 et les quatre pièces : 10, 5 suivies en 1994 d’une quatrième, la pièce de 50 et d’une cinquième, la pièce de 25 en 1998.

Sur la période 2006-2008, ont été émis des billets de GNF 10 000, GNF 5000, GNF 1 000, et GNF 500, encore très proches esthétiquement des autres coupures. Dans le même sillage, en 2010 lors de la commémoration des 50 ans de la monnaie guinéenne et de la BCRG des nouveaux billets de GNF 10 000, GNF 5000 et GNF 1 000 ont été imprimés pour la circonstance. En 2012, on note l’apparition des nouvelles coupures de GNF 100, et, en 2015 celle du billet de 20 000 GNF. Depuis fin février 2019, des spécimens de billets de GNF 2000 circulent à Conakry.  A date, seuls les coupures de 20 000, 10 000, 5000, 1 000 et 500 GNF sont utilisées.

Enfin, nous déplorons sans répit, la disparition des pièces de monnaie, mais aussi et surtout des petites coupures de billets sans les quels, les échanges fructueux de notre économie risquent de s’effriter au profit des gros billets.

Pour terminer, nous pensons toutefois, que l’émission des billets de banque doit être corrélée avec l’évolution des fondamentaux de l’économie sans quoi, nous risquons de tomber dans l’apparition de bulles spéculatives ayant pour conséquence la baisse de la valeur de la monnaie ainsi qu’à la baisse artificielle des taux d’intérêt. La conséquence fondamentale de tout cela sera la hausse brusque du Niveau Général des Prix qui qui, in fine impactera les pauvres et les épargnants, tout en rendant plus facile l’endettement public ou privé.

Mamadou Safayiou DIALLO

Analyste Economique

Publicité