Guinée : au fil de la semaine

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La semaine qui s’écoule est riche en actualités accrochantes tout aussi rocambolesques que refroidissantes. De la démission de Cheick Sacko, l’ex-ministre de la justice à la conférence du premier ministre en passant par les mesures grotesques du MENA, les Guinéens ont encore une fois été servis sur la qualité de la gouvernance actuelle.

Tout commence le lundi 27 mai 2019. Les Guinéens, dans la ferveur de la fête de Ramadan ont été surpris d’apprendre que leur ministre de la justice, garde des Sceaux a jeté l’éponge.

Dans sa lettre de démission adressée le 20 mai 2019 au Chef de l’Etat, Cheick Sacko motive son départ par d’abord sa mise à l’écart dans la rédaction de la nouvelle Constitution et surtout son opposition catégorique à toute modification de l’ancienne constitution.

La nouvelle fait l’effet d’une bombe au sein de la population et chez les défenseurs de la constitution qui jubilent et appellent d’autres hauts cadres à suivre le chemin du Cheick. Dans les milieux politiques, le geste n’est naturellement pas perçu selon que l’on soit du bord de la mouvance ou des défenseurs de la constitution. Les premiers critiquent le départ du ministre et feignent de négliger la cinglante gifle politique qu’ils ont reçu de la part de ce dernier, numéro deux gouvernement.

D’ailleurs, le Chef de l’Etat, pour sauver les meubles, fait montre d’une célérité fulgurante en remplaçant le Cheick dans la soirée même. Managerialement, cela veut dire que le sortant n’est pas indispensable au point de ne pas pouvoir le remplacer. Bon débarras quoi.

Mais entre nous, l’on sait pertinemment que toutes les tendances soutenant ce projet suicidaire de 3eme mandat ont été touchées au plus profond d’elles-mêmes par cette démission. Ils viennent d’être lâchés en pleine bataille par celui qui signait les chèques en blanc pour leurs crimes toutes catégories confondues.

Et c’est là que le sujet devient intéressant. Il serait politiquement correcte pour les défenseurs de la Constitution de se réserver temporairement de tout commentaire négatif à l’ endroit de Cheick Sacko. Il est évident que le bilan de l’avocat au barreau de Montpellier est plus que négatif.

Inutile de revenir sur tous les cas de violations des droits de l’homme et toutes ces affaires de détournements de deniers publics sous son magistère. Mais mettre cela en avant reviendrait à mettre aux oubliettes son geste héroïque et hautement symbolique pour contrecarrer ce qui n’est plus une illusion : la modification de la constitution.

La mouvance pourrait s’appuyer sur ces récriminations de l’opposition pour décourager d’éventuels partants quant à leurs bilans aux yeux de la population. La bonne stratégie serait d’ignorer temporairement les bilans et inciter les partants à quitter le navire car ce dernier prend de l’eau. Beaucoup d’eau.

De l’eau de mer au luxe de l’hôtel Kaloum, il n’y a qu’un  pas. Et c’est ce grand espace qu’a choisi le premier ministre Kassory Fofana pour convier son gouvernement et la presse à célébrer l’an 1 de sa nomination à la primature.

Quel parcours depuis mai 2018 !

De l’augmentation du prix du carburant à l’interdiction systématique des manifestations d’opposants (puissent que celles de la mouvance sont d’office autorisées), le bilan de Kassory est aussi négatif que celui de son mentor. Mais cela ne le préoccupe pas. Ce qui le taraude, c’est comment démentir les rumeurs qui disaient qu’il ne serait pas partant pour le 3eme mandant de son employeur. Au lieu de confirmer, Kassory a préféré aller à la proue du navire coulant. Il dit oui à la nouvelle Constitution et mis fin à tous les doutes qui planaient sur sa position. S’ouvre à présent un jeu de cache-cache. La démission des ministres qui souhaitent partir et le décret du président qui plane comme une ultime humiliation. S’ils se font débarquer par ce décret, ils n’auront plus aucun argument pour justifier quoi que ce soit auprès de l’opinion. C’est donc le moment ou jamais.

Et le silence relatif de Cellou Dalein Diallo sur cette histoire est également salutaire. Dans un pays où l’ethnocentrisme est fil conducteur de toutes les politiques publiques depuis 2010, il est judicieux d’observer un relatif retrait pour ne pas servir d’objet a l’éternel argument régional qu’Alpha a  toujours brandi pour se justifier auprès des immatures.

Pendant ce temps, Mory Sangaré, le MENA ne trouve rien d’autre à faire que de proposer l’interdiction de l’internet pendant les examens nationaux prochains. Ne soyons pas dupes. Cette mesure aussi inutile, cosmétique que liberticide n’est qu’un moyen de tâter le terrain de musellement de l’information lorsque les grandes manouvres commenceront. Tous les citoyens doivent se lever contre cette mesure pendant qu’elle est encore sur papier ou dans la tête du Mory.

Quant à ces grandes manœuvres évoquées ci-haut, le pouvoir compte les exécuter pendant l’hivernage qui s’annonce. Pendant que les cultivateurs seront aux champs, les élèves en vacances et la pluie dans les maisons. Même le climat ne les échappe pas. Nous sommes le 30 mai.

Pendant ce temps, le vœu de nos artistes qui ont chanté pour le Syli national s’est réalisé. Les sylis sont rentrés à N’Zérékoré.

Alpha Oumar DIALLO

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