Gouvernement contre fndc : que faire face à l’escalade de la violence ?

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Le bras de fer entre le gouvernement et le Front National pour la Défense de la Constitution (FNDC), mouvement politico-social, tire ses origines de l’intention du Président de la République de changer l’actuelle Constitution.

En mars dernier, Alpha Condé avait invité au siège de son parti, le RPG, ses militants à se tenir prêts à l’affrontement.

En réaction à cette sortie jugée à l’époque de ‘’ provocation’’ de la part du Chef de l’Etat, le FNDC s’est fendu d’une multitude des déclarations dissuasives pour amener  sans succès Alpha Condé à renoncer au projet de Nouvelle Constitution.

Ainsi, donc le FNDC a commencé tout d’abord à dresser des listes de promoteurs du 3è mandat qu’il a envoyé à l’antenne de la CPI à Dakar, toujours dans le but de dissuader le Président et son clan. S’en suivront ensuite les séries des manifestations pour le même but.

Comble de tout, le 20 décembre dernier, le Président Condé a officiellement annoncé que la mouture de la Nouvelle Constitution est prête, instruction au gouvernement de la vulgariser pour faire connaitre son contenu à la population.

Depuis, il y a eu deux marches du FNDC. La dernière, l’acte VIII dit ‘’marche de l’ultimatum’’ a eu lieu le 6 janvier 2020. Lors de cette dernière marche, le FNDC a à son tour, annoncé la fin des manifestations ‘’ civilisées’’ ; c’est-à-dire : date, itinéraire, point de départ, point d’arrivée, pour dit-on, protester contre la décision des mairies à confiner le FNDC sur l’itinéraire Tannerie-Dixinn, alors que les promoteurs du 3è mandat ont eu le droit de se rassembler au Palais du Peuple.

Ni le gouvernement ni le RPG ni la CODENOC ni le FNDC n’ont appelé à l’apaisement. Chacun y est allé de son commentaire. La CODENOC est allée jusqu’à demander la dissolution du FNDC, ce dimanche, le ministre de l’Administration a qualifié les membres du FNDC de ‘’djihadistes’’ dans son communiqué, le Gouverneur de Conakry a interdit la marche. Et pour couronner le tout, le Procureur de Dixinn a brandi des menaces de poursuites judiciaires. Mais, le FNDC est resté sourd et a maintenu sa manifestation ‘’désordonnée’’.

Cette escalade a conduit à des violences, ce lundi 13 janvier, rappelant celles du 14 octobre et jours suivants à Conakry. Depuis le début des manifestations du FNDC, près de 30 personnes ont été tuées, jusqu’à date, aucun suspect n’a été arrêté.

D’un côté ou de l’autre, ni le gouvernement ni l’opposition incarnée par le FNDC n’appelle à la paix et à la retenue, malgré les violences et les morts. Chaque camp campe sur sa position et évoque la Constitution pour asseoir ses convictions.

La Guinée a atteint un niveau de violence jamais égalé auparavant. A Labé, capitale de la Moyenne Guinée, des jeunes ont attaqué le siège du RPG, comme pour répondre à l’agression du siège de l’UFDG à Kankan le 6 janvier dernier, puis incendié le Tribunal.

Le Gouverneur a réquisitionné l’armée pour contenir les manifestants, il y a eu un mort. A Lélouma, la résidence du préfet a été encerclée, à Pita un commissariat lapidé et un peu partout, les manifestants se sont attaqués aux symboles de l’Etat. C’est un mauvais pressentiment. Pendant ce temps, le gouvernement tente de circonscrire le mouvement à Ratoma et au Foutah, fiefs traditionnels de l’opposition dans ses communiqués.

Mais la réalité est que l’ampleur du mouvement de la contestation va plus loin. A N’Zérékoré, il y a eu des échauffourées, à Boké aussi, même si l’ampleur n’est pas la même.

Si la ‘’résistance’’ du FNDC s’ajoute à la grève du Syndicat Libre des Enseignants et Chercheurs de Guinée (SLECG) et celle annoncée par les travailleurs d’EDG pour mercredi, cela fait un cocktail sulfureux. Aussi fort le gouvernement, il lui sera difficile de maitriser à la fois une crise politique et deux crises sociales. Et ce sont les citoyens qui paieront la facture.

Que faire ?

Si on peut écarter un scénario à la Burkina ou en Libye, il est évident qu’il est difficile de prédire ce qui pourrait advenir demain. Le gouvernement devrait revenir à la raison. A court terme, il peut commencer par apaiser la tension. Car après tout, c’est à lui que revient la responsabilité d’assurer la sécurité des citoyens, rassurer la communauté internationale que la situation est sous contrôle. Donc cela peut commencer par des appels sincères au calme et à la retenue, aller vers le FNDC, prouver sa bonne foi d’apaiser la situation. Déclencher des procédures judiciaires pour toutes les affaires liées à ce problème de Nouvelle Constitution, libérer les personnes interpellées.

Au Président Alpha Condé de renoncer publiquement à participer à une nouvelle élection, même si nombre de Guinéens doutent de sa parole. Mais c’est évident que ces mesures pourraient faire effet. S’il est de bonne foi, cela ne devrait pas poser problème. Il y a des exemples : à Hong Kong, le gouvernement a retiré le projet qui pouvait extrader des citoyens vers la Chine continentale pour être jugés, cela a apaisé les tensions. En France, ce n’est pas encore fait, mais Edouard Philipe a promis de retrier l’âge pivot à 64 ans, objet de tension dans la réforme des retraites. Au Mali, le Président IBK a lui aussi rangé sa Constitution pour éviter des violences inutiles. Cela ne coûte rien du tout. La paix n’a pas de prix et c’est lui qui sortirait grandit, pas le FNDC et ses membres.

A son tour, le FNDC, si le gouvernement apaise la situation pourrait bien participer à un dialogue, parce que le Président Condé aura garanti qu’il ne sera pas candidat, repartir à zéro, apaiser, se réconcilier.

Si le FNDC n’a pas gagné, le régime non plus n’a pas perdu. Et pour ne pas perpétuer cette escalade, parce qu’il faut que cela s’arrête un jour ou l’autre, avec ou sans la Nouvelle Constitution, mieux vaut commencer maintenant.

Aucun n’a le monopole de la violence, force doit rester à la loi. Alors, que le Président Condé respecte ses serments, termine son mandat et part. Parce qu’une chose est sûre : si la Nouvelle Constitution ne peut pas résoudre tous les problèmes de la Guinée, les problèmes qu’elle engendre pourraient bien nous précipiter dans le chaos, car le FNDC appelle à une résistance continue.

Hafia Diallo

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