Fria : l’usine ou la mort

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D epuis quelques semaines, la ville de Fria défraie la chronique. Et pour cause, l’usine d’Alumine de Friguia, qui jadis, faisait la fierté de la localité et de toute la Guinée est en train de devenir le cauchemar de cette préfecture. La vague de pollution qui intoxique la ville est monté à un degré jamais atteint. Entre chantage sur l’Etat et pollution atmosphérique, les populations ne savent plus à quel saint se vouer.

Kimbo, la première usine d’Alumine en terre africaine a fait la fierté de la Guinée en général et de la préfecture de Fria en particulier. Elle a été surtout une source de prospérité sans précédent pour ses milliers d’employés et leurs familles ainsi que pour toute la ville de Fria et environ. Fria, c’était le ‘’ petit Paris’’ de la Guinée. On  y manquait de rien jusqu’en avril 2012 où out bascule.

Depuis quelques semaines, la ville et ses environs suffoquent sous une épaisse poussière toxique venue tout droit des entrailles de l’usine. Officiellement, il s’agit d’une panne technique qui n’impacte pas le bon fonctionnement des installations.

Entre une usine qui tourne et une population qui suffoque et s’empoisonne, RUSAL a fait son choix. Elle refuse d’arrêter l’usine pour colmater cette brèche et préfère engranger les dividendes qui vont avec que de sauvegarder la santé de 60 000 personnes. Tant pis pour les pauvres populations de Fria.

Cette arrogance et cette insouciance de RUSAL vers les Friakas n’est pourtant pas un fait nouveau. Elles résultant d’un ensemble de décision hautement nuisibles à la Guinée qui se sont enchainées jusqu’à ce 4 avril 2012 où par la suite d’une grève, Rusal, l’exploitant de l’usine prend la décision radicale de fermer alors qu’il existait des pistes de solution durable.

Bien avant la fermeture de l’usine de Fria, RUSAL faisait planer la menace de son retrait en s’appuyant sur la baisse du marché de l’alumine dans le monde. Lorsque les employés de l’entreprise mettent à exécution leur menace d’aller en grève le 4 avril 2012, RUSAL en profite pour fermer Kimbo. La grève tourne à la crève et malgré la marche arrière du Syndicat sur les points nodaux de la revendication, RUSAL fait la sourde oreille, ferme l’usine. S’en suivra 7 ans de dèche et de précarité comme la ville n’en a  jamais connue auparavant. Des familles se brisent, des employés de l’usine se paupérisent à tel point que certains sont obligés de vendre leurs meubles pour survivre.

D’autres ne surmonteront pas l’épreuve. Derrière toute cette misère, la volonté inavouée de RUSAL de s’octroyer les gisements de la COBAD (Compagnie des Bauxites de Dian Dian) dans la préfecture de Boké.

Pendant que Fria devient la risée du pays, le gouvernement joue à un double jeu. D’un côté, il assure le rôle de père bienveillant envers les employés de Friguia à travers des dons de sacs de riz et de quelques enveloppes de francs glissants, de l’autre, il empêche toute autre formation politique de venir au secours des populations de Fria.

Conscient de l’attente énorme en matière d’électricité dans une ville habituée au courant depuis des décennies, l’Etat raccorde la ville de Fria en priorité au réseau de Kaléta avant même l’achèvement des travaux du barrage.  Mais, lorsque le PEDN de Lansana Kouyaté envoie une délégation de camions remplis de vivres en 2013, le cortège est stoppé en cours de route par les forces de sécurité et renvoyé à Conakry illico dare dare. Ils laissent l’eau à la bouche des Friakas.

Le gouvernement est sous le feu des critiques et sous pression. RUSAL le sait va profiter de la position de faiblesse de l’Etat pour mettre une conditionnalité à la réouverture de l’usine : avoir les permis d’exploration et d’exploitation des mines de Dian Dian. Le gouvernement saute sur l’occasion et lui accorde ce vaste gisement de bauxite, le plus grand du monde (564 millions de tonnes) au nord-ouest du pays près de la frontière bissau-guinéenne en janvier 2013. Ce qui est un formidable coup réussi pour Rusal qui en plus de Friguia et de la CBK (Compagnie des Bauxites de Kindia) s’octroie Dian Dian. Mais entre la signature de la convention de Dian Dian et la réouverture de Kimbo, ils se passent 3 ans 6 mois pendant lesquels les employés de RUSAL et la population de Fria sont ballotés entre anxiété et espoir.

Apres la réouverture de l’usine le 20 juin 2018, RUSAL pose une deuxième condition : elle ne veut plus de grève ni aucune forme de revendication que ce soit. Le message est martelé aux employés de Friguia et aux habitants de Fria, qui, après avoir broyé du noir pendant 7 ans ne se feront pas prier deux fois. Désormais, plus personne n’ose lever le petit doigt même lorsqu’un nuage toxique menace la santé des riverains de l’usine.

L’usine vaut mieux que la vie des habitants de Fria. Cette posture monstrueuse qu’a adopté la compagnie minière est fortifiée par l’Etat qui ferme les yeux sur tous les écarts de celle-ci au nom de la sauvegarde des emplois à l’usine.

A coups de rabbana, des mollahs du terroir mettent en garde toute personne ayant des velléités de revendication aussi salariale que sociale. Mais nul n’est dupe. Les temps ont bien changé et les faveurs perdues avant 2012 ne seront plus d’actualité.

Par ces 6 ans de galère, RUSAL en est sortie forte et l’Etat faible et frileux. L’impact de Fria se fera ressentir sur toutes les autres préfectures minières où déjà des entreprises menacent de fermer (SAG-Siguiri)

A présent, aux Friakas de choisir entre leur vie et l’usine.

 Alpha Oumar DIALLO

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