Et si on aimait alpha condé

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Au-delà de tous les superlatifs positifs et négatifs que le Professeur Alpha Condé inspire à ses concitoyens, selon qu’ils lui soient favorables ou opposés, l’on pourrait dire que jamais un président de la République n’avait autant divisé l’opinion sur sa personne.

L’immense majorité des partisans du RPG historique comme ceux arrivés à l’épreuve du pouvoir, lui vouent une admiration et une reconnaissance sans conteste pour avoir réussi, selon eux, à changer la Guinée et à redonner de l’espoir aux Guinéens. Aux yeux de ceux-ci, le Professeur Alpha Condé est un bâtisseur, un homme qui a mis fin à la corruption et réussi à fournir le pays en électricité avec une stabilité et une régularité jamais égalées auparavant.

A ceux qui le critiquent et l’accusent de népotisme et de mal-gouvernance, Alpha Condé sort les chiffres de l’inflation qu’il dit avoir réduit de manière drastique. La Guinée se porte mieux, soutient-il et le panier de la ménagère aurait repris des couleurs depuis son élection en 2010. Il en veut pour illustration le prix du sac de riz stabilisé sur les marchés entre 315.000 et 320.000 francs guinéens, suivant les deux principales catégories vendues en Guinée.

Depuis 2010, des établissements hôteliers de hauts standings sont sortis de terre et sont présentés comme des acquis du régime, même s’il convient de nuancer le propos en soulignant le caractère privé desdits investissements et le fait que la plupart de ces nouveaux hôtels sont hors de prix pour le commun des Guinéens. C’est tout de même sous Alpha Condé qu’ils ont été réalisés.

Par ailleurs, la Guinée serait revenue sur le devant de la scène internationale grâce à l’action diplomatique du président tant sur le continent africain (présidence l’Union Africaine de janvier 2017 à janvier 2018) qu’à l’échelle mondiale où il a rencontré les plus grands de ce monde et défendu les intérêts de la Guinée.

Les développements qui précèdent auraient dû, en règle, être portés à l’actif du professeur Alpha Condé pour le rapprocher du peuple et créer les liens qui scellent l’alliance affective entre un chef et ses concitoyens. Mais force est de constater qu’au-delà de toutes les interprétations que l’on peut faire de l’action économique du président, selon que l’on soit de la mouvance ou de l’opposition, la mayonnaise n’a jamais pris entre lui et une bonne partie du peuple de Guinée.

Voilà pourtant huit ans que cet homme passionné et déterminé se donne corps et âme à la Guinée pour marquer et changer la Guinée, répète-t-il, pour marquer l’histoire de la Guinée de ses empreintes, faute de pouvoir faire l’unanimité.

Le professeur président devra sans nul doute se contenter de l’affection de ses militants et sympathisants qui lui vouent encore, malgré des soubresauts, une confiance inaltérable.

Mais pourquoi nous n’aimons pas tous Alpha Condé ?

Les causes du désamour avec une partie du peuple s’expliquent par différents facteurs, les uns plus pertinents que les autres. Tentatives d’illustrations :

Les discours : A chaque fois que le président a eu l’occasion de s’adresser aux Guinéens, il ne s’est adressé qu’à une partie du peuple. L’homme aime les catégorisations hasardeuses du style « ceux qui ne veulent pas le développement de la Guinée » ; « ceux qui veulent saboter les efforts du pays » ou encore « le vrai peuple ». A force de confondre ses adversaires politiques avec leurs militants, le président ne parle plus qu’à ses partisans.

Une conception quelque peu ethnique ou tribale du pouvoir : Depuis son avènement à la tête de l’Etat, une promesse attribuée au professeur Alpha Condé semble être respectée à la règle. Il s’agit de la répartition qui voudrait que la primature revienne à un ressortissant de la Basse-Côte et que la présidence de l’Assemblée Nationale soit attribuée à un ressortissant de la Guinée Forestière. Cette répartition arbitraire, puisque ne reposant sur aucune règle écrite ni aucune coutume administrative, a créé les conditions de la frustration d’autres composantes ethniques du pays.

Une bipolarisation exacerbée de la vie politique du pays : A coup sûr, l’histoire politique contemporaine de la Guinée retiendra que les deux quinquennats du professeur Alpha Condé ont été nettement marqués par le face-à-face entre le RPG, parti du président et l’UFDG, principal parti d’opposition dirigé par Cellou Dalein Diallo, par ailleurs détenteur du titre officiel de Chef de file de l’opposition.

Le face à face entre le parti ayant porté le Professeur Alpha Condé au pouvoir, le Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG) et l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG) se décline en un affrontement entre les deux hommes et, par conséquent, en une opposition quasi-idéologique entre leurs militants majoritairement de l’ethnie malinké au RPG, et de l’ethnie peule à l’UFDG.

Les nombreuses manifestations de l’opposition essentiellement menées par les partisans de l’UFDG et leurs lots de morts par balles non élucidés par les autorités policière et judiciaire, ont aggravé le faussé politique entre les deux partis avec une instrumentalisation ethnique sans conteste.

Le résultat du phénomène de bipolarisation politique poussé à son paroxysme a conduit, au fil des ans, à entretenir la détestation du président Alpha Condé par une majorité de militants et sympathisants de l’UFDG, le corollaire étant l’aversion que beaucoup de militant du parti au pouvoir ont pour le leader incontesté de l’opposition. Mais après tout Cellou Dalein n’est pas président de la république.

A qui la faute ? D’abord et surtout au professeur Alpha Condé qui a manqué de tact et de hauteur de vue pour se placer au-dessus des considérations partisanes comme le lui impose la constitution.

La méfiance entre Guinéens n’avait jamais été aussi tenue alors qu’on ne peut raisonnablement soutenir que le président n’a rien apporté au développement économique de la Guinée. Il a voulu être le président de tous les Guinéens, il lui reste encore deux ans de mandat pour gagner le cœur d’une large majorité de ses compatriotes.

Ensuite et dans une moindre mesure, l’opposition dirigée par Cellou Dalein Diallo n’est pas en reste quant à l’affaissement de ce qu’on pourrait qualifier de pacte républicain. L’idée que les valeurs de la république fondées sur l’intérêt général doivent primer sur toutes les considérations politiques n’a pas toujours été de mise dans les rangs de cette opposition.

BABA TITI SIDIBE

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