Diversion et recuperation politique, les dessous de l’entretien alpha condé face aux medias français

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L e 30 septembre 2018, le président Alpha Condé a fait son show sur les ondes de la Radio France Internationale RFI, les écrans de TV5 monde et dans les colonnes du journal Le Monde, lors d’une interview abracadabrantesque dans l’émission « Internationales » qu’anime ces 3 mediums. À 48 heures de la célébration du 60ème anniversaire de l’indépendance de la Guinée, ces journalistes qui ont posé leurs valises à Conakry une semaine plutôt, ont voulu échanger avec le Chef de l’État sur les épreuves du passé mais aussi et surtout sur les questions brulantes de l’actualité. Avant cette interview, rfi avait mis la Guinée au chapitre de bon nombre de ses émissions dont une a été consacrée à la présentation de « Mémoire Collective, une histoire plurielle des violences politiques en Guinée », un livre écrit par la radio rfi et la FIDH.

Après les indignations, les moqueries et les étonnements suite au tournant inattendu et surchauffé qu’a pris l’entretien, il s’avère impérieux de lire entre les lignes que le professeur président a bien voulues écrire pendant cette matinée dominicale.

FAIRE DIVERSION

En adoptant une posture offensive sur les questions sensibles relatives aux viols et aux tueries du 28 septembre 2009, à l’hypothétique troisième mandat ou aux troubles sociaux, le président de la république a voulu faire diversion sur son échec lamentable non seulement sur ces questions, mais également sur d’autres domaines dont il n’a nullement la maitrise. Par ailleurs, tout observateur qui prend toute la hauteur requise pour analyser, comprendra difficilement tout le mal que se donne le président actuel à défendre indirectement le régime du président Sekou Touré qui l’a pourtant condamné à mort par contumace.  Même s’il reconnait et dit assumer tous les crimes commis par et au nom de l’État, il est incompréhensible qu’il rejette sur l’ancienne métropole le retard de la Guinée après 60 années passées sous les couleurs de l’indépendance. Ce discours d’Alpha Condé est digne de celui d’un élément de l’aile dure du PDG-RDA qui a gouverné la Guinée de 1958 à 1984. Avec le recul et les langues qui se sont déliées, il est clairement établi aujourd’hui que la France de De Gaulle n’a pas ménagé ses efforts pour mettre les bâtons dans les roues de la jeune république de Guinée. Mais occulter également les bavures du régime du président syndicaliste reviendrait à faire preuve de partialité et de mémoire sélective. Le président Sékou Touré, gardant fermement sa position sur l’indépendance de son pays, avait pourtant sensiblement adouci sa ligne diplomatique vis-vis de Paris à partir de 1981 même si cela avait été favorisé par l’arrivée de la gauche au pouvoir avec François Mitterrand, son ami. Le président Condé pouvait donc assumer l’histoire dans son entièreté et appeler au pardon et à la réconciliation.

Clin d’œil à la Guinée forestière

Le second enseignement à tirer du show médiatique du professeur est le clin d’œil qu’il fait à la Guinée forestière et à la haute Guinée.

D’entrée de jeu, l’illustre invité a tout de suite bloqué Françoise Joly de TV5 sur l’avancée du dossier du 28 septembre 2009, en prétextant que d’autres crimes ont été commis en Guinée. En s’accrochant à cet argumentaire « belliqueux », Alpha Condé, en fin stratège, envoi un signal du côté des habitants de la forêt comme pour dire qu’il n’est pas prêt à juger l’enfant terrible de Koulé. Cela pouvait se voir à travers les réseaux sociaux où les commentaires et publications de bon nombre de ressortissants de cette région scintillaient. Même s’ils ne constituent pas un échantillon important, ces internautes disent tout haut ce que beaucoup de partisans du bouillant capitaine pensent tout bas. Aussi dommage que cela puisse paraitre, c’est la dure réalité à laquelle la Guinée est confrontée depuis cette indépendance et l’on ne peut l’occulter.

Coucou à la haute Guinée

Le deuxième signal est à l’endroit de son propre fief, en passe de devenir son ex bastion. Pour ceux qui ne le savent pas, Kindia, à 135 km de Conakry a été le théâtre de massacre de centaines d’officiers malinké après le coup d’État manqué du Colonel Diarra Traoré. Ce sentiment de frustration largement diffusé en haute Guinée est à l’origine de l’adoption d’Alpha Condé comme messie par les différentes communautés mandingues qui tiennent fermement au respect de la parole donnée.

En insistant sur la fin tragique de ces officiers malinké, Alpha Condé remue la fibre régionale et communautaire avec une bassesse morale inacceptable. Draguant politiquement et ethniquement ces deux régions, le président Condé envoie un signal de reconquête à une période où son crédit-confiance dans ces localités est au plus bas.

En résumé, rien de nouveau n’a filtré de cet entretien où l’homme est resté égale à lui-même : colère et incohérence ont été les maitres mots du show médiatique que s’est offert l’homme fort de la Guinée. Si lui-même n’a cessé d’accuser ces journalistes français d’ignorer les réalités de la Guinée ou les sujets relatifs à celles-ci, pourquoi diable n’accorde -t-il pas ce précieux temps (près d’une heure) aux journalistes guinéens qui eux, connaissent très bien le pays ? Leur pays.

Alpha Oumar DIALLO

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