Discours de nouvel an du président: l’oubli suspect

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Dans la traditionnelle adresse à la nation que le président Alpha Condé a servi le soir de la Saint-Sylvestre, il a été question de beaucoup de choses. Volontiers porté sur le bilan de l’exercice passé, le chef de l’Etat a particulièrement rappelé la convention conclue en septembre dernier en Chine, avec à la clé 20 milliards de dollars sur 20 ans. Alpha Condé a également mis en exergue la récolte potentielle de la réunion du Groupe consultatif qui s’est tenue en novembre à Paris, avec en perspective quelques 21 milliards de dollars sur 14 initialement espérés. Partant de cette moisson, le président de la République a promis une année faste aux Guinéens. En particulier, il a souligné la mise à disposition, en cette année, de 3 des 20 milliards promis par la Chine. Ce qui devrait aider à engager des chantiers d’envergure dans le domaine des infrastructures. Mais sur le front politique, le chef de l’Etat a passé sous silence un rendez-vous des plus importants, à savoir l’organisation des élections législatives. Et c’est à se demander si derrière cet oubli il n’y a pas d’intentions inavouées.

On pourrait penser qu’avec l’imminence des élections communales, attendues dans un mois, il n’est pas pertinent de se pencher sur l’échéance des législatives. Ce serait mettre la charrue devant les bœufs ou engager le pays dans des débats prématurés, pourrait-on nous rétorquer.

N’empêche que si on ne veut pas être pris au dépourvu, c’est bien maintenant qu’il faut soulever la question. En effet, dans la perspective du rendez-vous crucial de 2020, il faut garder l’esprit en éveil et surveiller le moindre signal. Par rapport aux velléités que certains caciques du camp présidentiel entretiennent, deux options seraient sur la table : la modification constitutionnelle et le glissement électoral.

De l’avis de tout le monde, la première est si risquée que le président Alpha Condé pourrait ne pas s’y aventurer, au risque de provoquer sa chute anticipée. Dans un tel contexte, la seconde option parait plus sérieuse. En gros, cela reviendrait à faire comme Joseph Kabila en République démocratique du Congo (RDC), en suscitant un certain nombre de problèmes de manière à empêcher la tenue de l’élection présidentielle à bonne date. Absence d’élection étant synonyme de maintien de fait du pouvoir en place, Alpha Condé pourrait ainsi mettre tout le monde devant le fait accompli. Mais pour arriver à un tel résultat, il n’y a pas que l’élection présidentielle de 2020 sur laquelle il devra agir. Il lui faudra faire en sorte que le cycle électoral, dans son ensemble, soit perturbé. Autrement que ni les élections communales, ni celles législatives et présidentielles ne se tiennent à bonnes dates. L’objectif étant d’imposer le report de la dernière échéance.

Aussi, depuis la programmation des élections communales, des observateurs ne cessent de se demander si celles législatives se tiendraient cette même année. La Guinée pourrait-elle, en plus des 350 milliards GNF déboursés au titre des élections locales, supporter les dépenses liées aux élections communales, au cours de la même année ? Très objectivement, ce n’est pas très évident. Et c’est très probablement fait à dessein. Dans un tel contexte, le fait que le président de la République n’ait même pas mentionné la perspective de ce grand rendez-vous politique passe pour suspect. Il semble ainsi préparer les Guinéens à l’idée du report des élections. Ce qui ne manquera pas de provoquer la tension dont il pourrait avoir besoin.

Encore que l’idée même de ce report pourrait enchanter des députés qui redoutent avec
grande appréhension la fin de leur mandat.

S. Fanta

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