Déguerpissement en cours à conakry : ça risque de péter, prévient kandjoura du model  

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A près l’arrêt rendu le 21 janvier 2021 par la Cour Suprême de Guinée en faveur du Mouvement Démocratique Libéral (MoDeL), son existence légale ne souffre plus d’aucun doute, selon les cadres du parti.

Dans un entretien exclusif accordé à la rédaction de guineeactuelle.com, l’un des membres fondateur du MoDeL en France, en l’occurrence Kandjoura Camara, rassure les uns et les autres que sa formation politique a désormais le même statut, les mêmes droits que n’importe quel autre parti politique agréé en Guinée.

« Le MoDeL a été rétabli dans ses droits le jeudi 21 janvier 2021 par la Cour suprême de la Guinée, et faut-il rappeler que la Cour Suprême est la plus haute juridiction de notre pays et que ses arrêts sont définitifs et insusceptibles de recours. Soyez donc en assuré que le MoDeL a aujourd’hui le même statut, les mêmes droits que n’importe quel autre parti politique agréé en Guinée », confie Kandjoura Camara, fier d’avoir fait partie des personnes ressources ayant piloté les premières actions du MoDeL en France,  notamment le premier meeting d’Aliou Bah à l’étranger et l’organisation de l’élection et la mise en place du bureau provisoire de France.

En plus de  cette victoire juridique, ce membre de la communication digitale du MoDeL, par ailleurs diplômé en Langue Anglaise de l’Université Gamal Abdel Nasser de Conakry, donne, entre autres, sa lecture sur la situation des détenus politiques, mais aussi sur les opérations de déguerpissement des encombrants physiques le long des voiries de la Capitale guinéenne, qui font tant de bruit.

Entretien !

Vous revenez d’un bref séjour en Guinée. Qu’est-ce qui a vous de plus marqué?

Kandjoura Camara : J’ai séjourné dans notre pays, une vingtaine de jours dans un cadre familial, j’y étais avec mon épouse et notre fille, j’en ai profité pour rencontrer des amis politiques, des activistes de la société civile, des journalistes, des avocats, des étudiants, des hommes d’affaires.

Des rencontres fort instances et d’autres très émouvantes, dont une particulièrement qui m’a très touchée et j’aimerai la relever, si vous me permettez, c’est le cas du  jeune activiste Général Baïlo, interpellé par la police, et détenu dans les conditions selon ses dires: inhumaines, dont j’épargne à vos lecteurs certains détails. Aujourd’hui, il porte encore les séquelles de cette mésaventure, il retrouve à peine l’usage de sa jambe.

Malgré sa condition précaire, j’ai trouvé un homme très digne et animé d’un réel amour pour son pays et rêve de le voir devenir un Etat de droit et de démocratie véritable.

Quelle observation faites-vous sur les conditions de vie de la population guinéenne de façon générale ?

J’ai eu la chance de sillonner un peu Conakry de jour et de nuit mais aussi d’effectuer un  déplacement à l’intérieur du pays à Boffa plus précisément, j’ai observé des femmes, des jeunes, des hommes très courageux, se battant pour améliorer leur conditions de vie, d’autres pour la survie, j’en ai conclu que ce pays n’est pas tant difficile que ça à développer parce que partout les gens ont appris à se passer de l’Etat et imaginez un instant si tous ces efforts étaient canalisés et accompagnés par une action publique vigoureuse, mais l’émergence dont on nous chante se convertirait en réalité en une dizaine, quinzaine d’années. Malheureusement, il n’y a pratiquement rien pour ces gens-là

Par ailleurs, j’ai pu aussi noter l’émergence quoique timide d’une classe moyenne de plus en plus dynamique, des jeunes hommes et femmes qui ont effectué des études et travaillent, soit à leurs comptes ou dans des entreprises privées. Ce fut un réel plaisir d’observer cela.

Depuis plusieurs mois, des opposants sont détenus sans jugement à la Maison Centrale de Conakry. Quel est votre regard ?

Bien écoutez, ceci se passe de commentaire, nous avons tous vécu la confiscation par la force du pouvoir par Alpha Condé et ceux qui se sont mis à son service contre les intérêts du peuple de Guinée, et, toutes ces arrestations, et autres fabrications de preuves de complots qui n’en sont pas un, en réalité, ne sont que les conséquences et la suite logique de cette démarche honteuse de régner par la force, par l’intimidation, par les privations de libertés. C’est une situation qui n’honore pas l’opposant historique que fut Monsieur Alpha Condé et n’honore pas notre pays qui a connu des situations similaires et qui encore une fois se laisse glisser subrepticement, j’ai envie de dire, dans une dictature sans résister de manière vigoureuse et dans l’unité.

C’est un constat déplorable et j’ose espérer que dans les jours et les semaines à venir des actions diplomatiques dans un premier temps se mettront en place pour obtenir la libération de ces détenus politiques. Autrement, il va falloir que les partis politiques de l’opposition et toutes les forces vives de ce pays remettent leurs efforts ensemble pour entreprendre les protestations de rue comme la Constitution leur en donne le droit afin de mettre la pression sur le gouvernement.

Dans ces conditions, pensez-vous que le terrain politique est fertile dans notre pays ?

Je ne suis pas certain d’avoir compris la question, mais si vous entendez par : Terrain politique fertile : la possibilité pour les politiques de faire changer les choses par le débat et la compétition politique, je dirai OUI, il faut garder espoir, certes aujourd’hui, les choses sont quelque peu difficiles pour les raisons que nous connaissons tous, mais il faut continuer à y croire et cultiver les bonnes valeurs. Contrairement à ce que peut laisser croire la société Guinéenne en apparence sclérosée voir apathique par moment, je pense, moi qu’il existe une réelle conscience politique au-delà des considérations ethnocentriques et régionalistes qui ne demandent que des acteurs compétents se mettent en avant pour lui montrer le cap à suivre. Le combat du FNDC et les événements de janvier et février 2007 en sont les preuves.

Connu pour son opposition au changement constitutionnel du 22 mars 2020, le leader du parti de l’Union des Démocrates pour la Renaissance de la Guinée (UDRG), Bah Oury, a rejoint le cabinet du Chef de file de l’opposition issue de ces élections législatives. Quelle est votre analyse ?  

J’ai très peu d’informations pour l’instant sur les motivations et l’objectif visé par ces réunions ou encore consortium politique me permettant de m’exprimer  sur ce point, mais grosso modo, cela me paraît incongru que Bah Oury et Faya Millimouno qui ont été des figures de proue dans le combat du FNDC rejoignent comme ça ipso facto le cabinet d’un chef de file de l’opposition mécaniquement fabriquée par le pouvoir pour effectivement faire valider le putsch du 22 mars 2020.

Depuis fin janvier 2021, le gouvernement a engagé une vaste campagne de déguerpissement des encombrants physiques le long des voiries urbaines. Quel est votre avis ?  

Eh bien, j’ai pu vivre cela en direct à Kaloum, à Kipé et vers l’aéroport, j’ai vu beaucoup de désolation dans les regards des femmes et des hommes dont pour certains, c’était leur unique source de revenus ces constructions de fortunes aux abords des axes routiers ou dans les quartiers. Mon avis est que ce n’est pas tant le déguerpissement qui me choque le plus puisque si cela est fait avec sincérité, une réelle volonté de dégager de l’espace pour les piétons ou encore embellir la ville, cela peut être très salutaire tant les piétons et autres deux roues manquent d’espace dans cette capitale surpeuplée, mais c’est surtout le cynisme d’Etat qui l’accompagne. On tombe sur les plus faibles et on épargne les constructions luxueuses qui privent les conakrykas de l’air marin parce qu’appartenant aux intouchables et autres notables du pays, ceci est dégoûtant. On casse à l’aveugle, on n’accompagne pas ces populations laissées pour compte, ensuite on s’étonne de la montée de la criminalité. C’est une autre cocotte-minute qui risque de leur péter à la figure un jour, car à force de tirer sur la corde, tôt ou tard elle finira par rompre.

Entretien réalisé par Alpha Sodio Diallo

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