Afrique : indigence idéologique et régression culturelle

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L’Afrique, télescopée par l’histoire- à travers trois évènements tragiques (esclavage, colonisation et néocolonialisme)- porte en elle, de façon visible, les stigmates de la dépersonnalisation et de l’aliénation. Si les relations asymétriques, entre l’Afrique et le monde extérieur, ne sont perçues que sous l’angle du développement économique, un phénomène encore plus grave reste jusque-là inexploré : « l’oppression de l’esprit par l’esprit ».

L’Afrique subit, à l’ère de la mondialisation, une forme d’agression culturelle. L’agression culturelle est la plus violente des oppressions. Elle phagocyte les mœurs, inverse les valeurs, nie- sous couvert d’universalisme- l’exception culturelle de chaque peuple. Dans une Afrique balkanisée, au moment où les grands blocs se créent et se resserrent, les fils du continent sont dispersés, souvent au prix de leurs vies, dans les quatre coins de la planète.

Pourtant, l’Afrique- qu’on veuille ou pas reconnaitre ce fait- est la principale pourvoyeuse des industries étrangères du nord et – avec l’ascension des géants d’Asie- de la Chine, du Japon et de l’Inde. Sinon rien de plus surprenant pour un État comme Israël de vouloir siéger au sein de l’Union Africaine.

C’est au prix d’une prise de conscience de leur condition que les peuples africains, unis et débout comme un seul homme, réussiront à se refaire une virginité dans l’histoire universelle et à se donner une raison d’être sur terre. Ce déchainement de prise de conscience ne s’opère que par la culture. Et, en cela, une révolution culturelle est indispensable à l’échelle de chaque État africain. Une révolution culturelle prédispose les masses au changement.

Une telle révolution culturelle exige une dictature progressiste ou éclairée.

Qu’est-ce à dire ?

Que les productions, artistiques et culturelles, se définissent en fonction des traits caractéristiques de notre africanité et en fonction des intérêts fondamentaux de notre continent (indépendance, démocratie, dignité humaine, répartition équitable des ressources nationales etc…).

Le climat d’inconscience généralisée et de démission totale, face à ce qui devrait inviter à l’organisation et à la mobilisation des ressources du continent, s’expliquent par la prééminence du ludique sur le pédagogique dans tout ce qui est en rapport avec production culturelle et artistique.

Le constat qui se pose : les peuples africains, dans une attitude de dignité à jamais oubliée, croisent et attendent que le développement se réalise, tout seul, avec l’aide d’États étrangers et/ou d’institutions internationales. Un peuple socialisé à la mendicité, à la culture de l’irresponsabilité- permettez-nous le vocabulaire– ne peut nettement pas prétendre au développement et à la croissance

Sur les franges de la Méditerranée, symbole du désespoir et de l’abandon, des cris sombres et mélancoliques montent pour claironner la voix d’un peuple résigné, oublié et dépossédé.

Face à tout phénomène de domination, directe ou indirecte, s’oppose une résistance donnée. Ainsi, face à l’agression culturelle, trois types d’individus africains naissent :

1-      Le partisan de la collaboration active ;

2-      Le partisan de la résignation ;

3-      Le partisan de la résistance .

Cette typologique est transposable à tous les schémas de domination, naturellement- même celle qui nous intéresse dans ce texte- la domination culturelle qui reste la plus rétrograde et la moins visible.

Le partisan de la collaboration active, dans une situation d’agression culturelle, en aliéné, acquis à la thèse d’une supériorité biologique, trouverait toujours une justification au phénomène : « L’africain est ce qu’il est (un être inférieur): il est bon à coloniser parce que colonisable ». Et, souvent avec des formules savantes, il explique le retard économique de l’Afrique par certaines prédispositions congénitales de ses populations. Il occulte la raison principale de ce retard qu’est la domination impérialiste qui, pour se justifier, a fait du racisme (supériorité d’une race sur une autre) l’argument de son existence.

Le partisan de la résignation fait lui le choix de l’insouciance. Jamais il ne se questionne sur ce qui l’entoure. Il subit, passivement, les faits sans la moindre critique intellectuelle ou la moindre velléité de révolte. Pour lui, tout ce qui existe est normal. Il croit qu’il est possible de gravir les échelons de la culture et de la civilisation qu’en nous définissant en fonction de ce qui est… Qu’est qui est ? Ce qui est, dans l’état actuel des faits, c’est la culture de l’aliénation et de l’insouciance.

Le partisan de la résistance, il est facile à reconnaitre mais difficile à décrire. Il n’inféode pas son action au schéma de la domination. Il subjugue, de façon systématique, la domination même lorsque l’asymétrie des rapports de force le contraint à un repli tactique. Sa conscience de révolutionnaire lui permet de saisir que sa lutte est avant tout pour son continent : ce qui, sans doute, ne veut pas dire qu’il reste étranger à la condition de tous les opprimés de la terre. C’est d’ailleurs ce qui distingue un révolutionnaire d’un embrigadé.

L’embrigadé africain, bien que de très bonne foi dans sa lutte, ne voit que des éléments subjectifs, la couleur de la peau ou la confession religieuse, pour déterminer une certaine hiérarchie de valeurs entre les hommes. Pourtant, ce fait -d’avoir une couleur de peau particulière ou une confession religieuse donnée- n’est pas une assurance absolue. C’est le manque de conscience révolutionnaire qui pousse certains Hommes, dont quelques camarades, à se prévaloir de la race pour se définir ou pour se créer une certaine hiérarchie de valeurs.

A titre d’exemple, c’est le côté objectif du panafricanisme qui le distingue de la négritude qui, historiquement, est un réflexe subjectif. La particularité des conditions d’évolution d’un peuple, la spécificité avérée de certaines organisations de société, dans tous les domaines, sont analysables scientifiquement. En revanche, en aucun cas, sous aucun prétexte, la race peut être un fondement d’explications rationnelles.

Par Dramane Diawara

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