Afrique de l’ouest : 2020 l’année de tous les dangers

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L ’année 2020 s’annonce comme celle de tous les défis, mais aussi de tous les dangers pour l’Afrique de l’Ouest. Des élections présidentielles à venir en Guinée et en Côte d’Ivoire, ou encore au Burkina Faso, aux questions monétaires dans la zone CEDEAO sans oublier l’épineux climat d’insécurité dans le Sahel. 2020 sera clairsemée de défis comme la région n’en a jamais connu auparavant.

La région occidentale de l’Afrique est l’une des plus dynamiques en matière de croissance économique et la plus avancée dans l’intégration sous régionale. C’est la seule des cinq régions à avoir son passeport et sa carte d’identité. En plus d’abriter la République fédérale du Nigeria, première économie et pays le plus peuplé du continent, la région compte des Etats aux économies en croissance et aux infrastructures plus ou moins appréciables. L’ancrage démocratique se fait petit à petit dans des Etats comme le Ghana, le Benin ou le Sénégal et même le Nigeria. Ce tableau reluisant pourrait bien enregistrer quelques bémols au cours de cette année 2020 au vu des échéances politico-économico-sécuritaire.

Instabilité politique

Si bon nombre d’observateurs sont unanimes sur les avancées économiques de l’espace CEDEAO, beaucoup s’inquiètent des potentiels reculs de démocratie qui pourraient intervenir au cours de cette année.

En 2010, la Côte d’ivoire a finalement élu son Président Alhassane Dramane Ouattara  après une décennie de guerre civile qui a divisé le pays en deux et fait des milliers de victimes. S’il a réussi à relancer le pays dans le concert des nations et occuper sa place de première économie de l’Afrique de l’Ouest francophone, ses intentions de ces derniers temps laissent planer le doute sur sa volonté de céder le pouvoir de façon démocratique et pacifique. Ce doute fait craindre des lendemains incertains alors que les profondes divisions dans la société ivoirienne sont encore vives, et les plaies de la guerre civile 2002-2007, et de la crise post-électorale de 2011 ne sont pas totalement cicatrisées. Les mutineries de 2018 et de 2019 ainsi que le récent mandat d’arrêt contre Guillaume Soro, ancien premier ministre et ancien président du parlement inquiètent profondément les instances internationales et surtout le milieu économique pour qui connait le poids de l’éléphant ivoirien dans la jungle ouest-africaine.

En Guinée, c’est à peu près le même scenario qui profile à l’horizon. Ce pays voisin de la Côte d’Ivoire qui est sorti d’une sanglante transition militaire a élu en décembre 2010 l’opposant historique Alpha Condé. Alors que son mandat tend vers la fin, ce dernier a lancé une proposition pour l’adoption d’une Nouvelle Constitution. Un nombre non négligeable de ses compatriotes lui prête des velléités de briguer un 3eme mandat à la tête du pays alors que l’actuelle Constitution le lui interdit. Apres des mois de mobilisation des ‘’anti-nouvelle’’ Constitution réunis au sein du FNDC, près de 30 personnes ont perdu la vie dans des accrochages avec les forces de l’ordre. Les choses n’ont pas l’air de s’arranger et beaucoup craignent une aggravation de la situation avec l’extrême fragilisation du tissu social. Si la Guinée et la Côte d’Ivoire s’embrasaient, que deviendra la région qui ne compte en majorité que des Etats fragiles post-guerre comme la Sierra Leone, le Liberia ou encore la Guinée Bissau et des Etats en guerre comme le Mali. Ces pays sont justement des voisins de la Guinée et de la Côte d’Ivoire.

Le Benin était un ilot de démocratie dans un océan d’Etats plus ou moins dictatoriaux ou d’Etats en guerre. Le laboratoire de la démocratie disaient-ils de leur pays. Mais la joie n’a été que de courte durée lorsque l’actuel Chef de l’Etat Patrice Talon a commencé à montrer des signes d’autocratie. Lui qui cassait les codes du protocole par sa simplicité au point de gêner ses homologues a fini par montrer par qu’il pouvait être aussi dure que coriace. En déclarant dans un atelier de formation des journalistes que le « parti USL n’existe plus », un conseiller du Président Talon livrait ainsi les secrets des couloirs de la Marina et qui signifie en termes clairs que le projet politique du pouvoir en place au Bénin, c’est d’éliminer les partis de l’opposition. On s’attend alors à un bras de fer pour les élections municipales de 2020 au Bénin, qui s’annoncent aussi exclusives que les législatives de 2019; élections tâchées de sang et dont les cadavres sont encore dans les placards. On se rappelle que le gouvernent du Bénin a dû recourir à la coupure de la connexion internet en plein processus électoral, ce qui constitue aujourd’hui la pire forme de déni de liberté d’expression et d’entorse grave à la démocratie.

Terrorisme

C’est devenu le quotidien des populations du Sahel dont une bonne partie se trouve en Afrique de l’ouest. Pas plus qu’hier 21 janvier 2020, 36 personnes périssaient dans un attentat au nord du Burkina Faso. Gao, Grand Bassam, Bamako, Ouagadougou, Kidal, le nord du Benin ou encore Inates au Niger ont été les symboles des villes qui ont subi le martyr du terrorisme.

Entamé au Mali, le terrorisme a fini par gangrener le développement des Etats du Sahel qui se trouvent démunis et impuissants face à des adversaires qui se fondent dans la masse. Cette guerre asymétrique n’épargne aucun pays de la sous-région et les terroristes surfent sur la pauvreté et les divisions intercommunautaires pour agrandir leur influence. De l’autre côté, le Nigeria a du mal à anéantir la nébuleuse Boko Haram qu’il traine comme un boulet. Que se passera-t-il si tous ces Etats s’écroulaient ?

Eco version UEMOA contre Eco version ZMAO.

La mésentente monétaire entre Etats de la même région est anecdotique des désaccords qui se sont instaurés au fil du temps et surtout des intérêts. Annoncée en grande pompe en 2019, la monnaie ouest-africaine verra le jour peut-être le 31 février 2020. Et pour cause, l’Eco prônée par la Côte d’Ivoire se voit rejeter par les autres pays de la CEDEAO qui ne sont pas dans la zone franc. Accusée d’être la version déguisée du CFA, l’Eco UEMOA ne serait qu’une nouvelle façon par Paris de continuer à tirer profit des pays de la zone franc puisque les règles-clés du CFA, à savoir l’invariabilité du taux de change face à l’Euro, l’arrimage du CFA à l’Euro, la garantie du trésor français et l’impression des billets en France ne changent pas avec Eco. Face à l’Eco UEMOA, l’Eco ZMAO est promue avec en tête le Nigeria et tous les pays anglophones de l’Afrique de l’Ouest plus la Guinée. Ces derniers, totalement opposées à l’emprise de Paris sur l’Eco, veulent une indépendance monétaire totale.

Si cette mésentente continue, il va certainement ralentir la si bonne marche de l’Afrique de l’ouest vers une union régionale qui pourrait devenir l’embryon des Etats Unis d’Afrique.

Alpha Oumar DIALLO

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