Affaire 3è mandat : le bilan justifie-t-il un mandat de plus?

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A ucun bilan, aussi élogieux soit-il ne peut justifier un ou des mandats de plus. En Afrique d’ailleurs, pas besoin de bilan élogieux pour s’offrir un ou des mandats de plus, il suffit de savoir mater toute contestation, même s’il faut tuer. Mais s’il fallait un bilan élogieux, lequel de Ouattara et Alpha Condé a alors un bilan acceptable ?

Guineeactuelle s’est évertué à comparer les bilans de Ouattara et de Condé, puisque chacun d’eux a eu 10 ans pour travailler.

Globalement, l’indicateur de développement d’un pays se construit à partir de trois critères : la longévité, définie par l’espérance de vie; le niveau d’instruction, mesuré par le taux d’alphabétisation des adultes et le nombre d’années d’études et le pouvoir d’achat des habitants, déterminé par le revenu réel par personne.

Pour les mêmes critères, nous avons pris la même source pour ne pas fausser les données, en l’occurrence la Banque Mondiale et les gouvernements respectifs. En Guinée, selon la Banque Mondiale, l’espérance de vie à la naissance est de 61 ans en 2018, contre 57,42 ans en Côte d’Ivoire.

Du niveau d’instruction, le taux brut de scolarisation au primaire est de 99,8% en 2018 en Côte d’Ivoire, selon la Banque Mondiale, et le taux de scolarisation est passé de 73% en 2012 à 91% en 2019, selon le gouvernement ivoirien. En Guinée, le taux d’inscription à l’école primaire est de 91,5% en 2018. Le taux d’alphabétisation en Côte d’Ivoire est de 43,1% : hommes: 53,1% et femmes : 32,5% en 2015. En Guinée, il est de 30,4% : hommes 38,1% et femmes: 22,8%.

Du pouvoir d’achat, le revenu annuel brut d’un ivoirien est de 2 290 dollars, selon la Banque Mondiale en 2019 contre 950 dollars pour le guinéen. Le taux de pauvreté en Côte d’Ivoire est de 46.3% en 2015 contre 55,2% en Guinée en 2012.

Situations économiques

Le dernier rapport de la Banque mondiale sur la situation économique en Côte d’Ivoire constate que pour la septième année consécutive, le taux de croissance devrait dépasser 7 % et atteindre 7,4 % en 2018. Sur la même période, le PIB réel par habitant a augmenté de 32 %. Avant le choc provoqué par le Coronavirus, la Côte d’Ivoire continuait d’afficher l’une des croissances économique les plus fortes du continent africain et du monde, projetée à 7 % en 2020, avec une progression moyenne de 8 % par an depuis 2012. Anticipant l’impact économique du COVID-19, le gouvernement ivoirien table désormais sur un taux prévisionnel de 3,5 %, du fait de la chute de la demande internationale de produits agricoles, notamment de cacao et d’anacarde, et du ralentissement d’activité domestique. La Banque Africaine de Développement  (BAD) indique que l’économie ivoirienne continue d’afficher de bons indicateurs. La croissance du PIB réel était de 7,4 % en 2018 et 2019 et pourrait rester supérieure à 7,0 % sur la période 2020-2021.

Pour la Guinée, la BAD admet que la Guinée a connu une croissance de son PIB de 6% en 2018 et 6,2% en 2019, grâce à la hausse des investissements directs étrangers (IDE) dans le secteur minier et à une certaine amélioration de la production d’électricité. La Banque Mondiale, quant à elle, soutient que la croissance en 2019 a atteint 5,6 %, après le ralentissement des activités minières et non-minières en raison d’une croissance modérée dans le secteur agricole en Guinée. Sur la même année, l’inflation est estimée à 9,5 %, une légère baisse par rapport à 2018 (9,8 %), du fait d’un resserrement de la politique monétaire par  la Banque centrale. Le déficit budgétaire global (dons compris) s’est amélioré, passant de 1,1 % du PIB en 2018 à 0,9 % en 2019. La dette publique a diminué de 37,3 % du PIB en 2018 à 34,4 % en 2019. Le risque du surendettement public reste modéré.

Bilan terre à terre

La macro-économie est pour les économistes et l’élite. Pour les citoyens, macro n’est rien d’autre que verbiage économique, eux ne mangent pas ça, mais du riz, huile, lait etc. Ils ont besoin d’hôpitaux, d’école, de routes et ponts etc. Alors on va comparer les bilans dans ces domaines là pour chaque régime.

Ecoles/universités construites : 6669 salles de classes (5 446 au primaire, 1 223 au secondaire) en Guinée, selon le gouvernement guinéen, aucune université contre 30 621 salles de classe (préscolaires et primaires) 242 établissements secondaires, 7 établissements d’enseignements techniques, selon le gouvernement ivoirien, une université construite à Man. Une différence de 23 952 salles de classe.

Routes goudronnés et ponts construits : 40 000 km de route réhabilités, 22 ponts et 115 km d’autoroutes construits, 545 km de routes interurbaines bitumées en Côte d’Ivoire, selon le gouvernement. En Guinée, selon le ministre des Travaux publics, Moustapha Naité lors du Conseil des ministres le 23 juillet dernier, c’est 2463,5 Km de routes nationales bitumées (construction, reconstruction et réhabilitation). Une différence de 37 536,5 Km de moins que la Côte d’Ivoire.

Hôpitaux et centres de santés construits : 271 établissements construits, 317 réhabilités, 86 en cours de réhabilitation : 45 hôpitaux généraux, 11 centres hospitaliers régionaux réhabilités, six hôpitaux généraux et quatre centres hospitaliers régionaux en construction, selon le ministre ivoirien de la Santé Dr Aka Aoulé avec un taux d’accès aux services de santé à 69 % en 2019.

En Guinée, le ministre Niankoy Lamah en juillet 2019 avait fait le bilan : 223 centres de santé construits ou rénovés, 6 centres de santé améliorés et 7 hôpitaux préfectoraux. Les hôpitaux Sino-guinéen et Donka (rénovation et extension) sont en finition.

Eau et électricité, en Côte d’Ivoire, 80 % de la population, ont accès à l’eau potable, l’accès à l’électricité à 80% en 2020, selon le gouvernement ivoirien. En Guinée, le ministre l’Hydraulique, Papa Koly Kourouma a dressé le bilan en Conseil de ministre le 13 août dernier comme suit : « Le taux d’accès des populations urbaines à l’eau potable est d’environ 31%, (tour-tour). Fin 2019, l’étude du Schéma directeur d’alimentation en eau potable du Grand Conakry vision 2040 estime les besoins de production d’eau pour Conakry à 370 000 M3/jour pour une population de 2,6 millions d’habitants. La capacité de production existante est de 150 000 M3/jour, le déficit est de 220 000 M3/jour (environ 59%) ».

Notez que ce chiffre ne concerne que Conakry, pas toute la Guinée. Pour l’électricité, le taux d’accès est de 30% dont 11% de branchement clandestins, 3% d’électrification rurale, malgré le barrage Kaléta. D’ailleurs, les fiefs du pouvoir ont manifesté récemment pour demander du courant et des routes: Kankan, Macenta, Kérouané.

On voit que ADO a fait mieux que son homologue Alpha Condé. Mais, comme nous l’avons déjà rappelé, même un bilan élogieux ne donne pas le droit de confisquer le pouvoir. Dire que ce n’est pas un 3è mandant, mais un premier mandat d’une nouvelle République relève de la phraséologie juridique. Le fait est que cela reste un mandat supplémentaire illégal.

L’on a en mémoire le bilan de Bill Clinton à la fin de son mandat : bonne croissance, chômage au plus bas, un solde budgétaire de plus de 100 milliards de dollars. Mais il était obligé de partir, parce que c’est la loi qui s’applique, pas la loi du plus fort.

Hafia Diallo

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